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11/10/2024
Gabriel Fauré : Les treize Nocturnes
Théo Fouchenneret (piano)
Enregistré à la Cité de la musique et de la danse de Soissons (5‑8 septembre 2023) – 74’41
La dolce volta LDV 125


Must de ConcertoNet





Centenaire de la disparition du compositeur oblige, l’année discographique est marquée par la publication d’un grand nombre d’enregistrements fauréens, particulièrement dans le domaine pianistique, où les réussites sont nombreuses. On peut mentionner l’intégrale de Lucas Debargue (Sony) et la très belle anthologie d’Aline Piboule sur un piano Gaveau de 1929 (harmonia mundi), mais c’est l’intégrale des Nocturnes signée par Théo Fouchenneret qui nous semble le disque le plus marquant de ce millésime 2024.


Enregistré et présenté avec le soin auquel nous a habitué l’éditeur La dolce volta, le piano de Théo Fouchenneret frappe dès les premières mesures du Premier Nocturne (opus 33 n° 1) par sa densité et sa présence chaleureuse, qui bat en brèche l’idée reçue d’une musique salonnarde et évanescente, et qui n’est pas sans rappeler le grand geste et la hauteur de vues d’Eric Heidsieck, interprète majeur de ces pages dans les années 1960. Enchaînant les Nocturnes dans l’ordre de leur numéro d’opus, le jeune pianiste français caractérise avec justesse chacun des trois styles du compositeur que l’on peut distinguer au fil du cycle, tout en ménageant subtilement les transitions d’une « manière » à un autre, donnant toute sa cohérence à cette vision d’ensemble.


Ainsi, dans les trois Nocturnes de l’Opus 33, où l’héritage de Chopin est le plus patent, il marque sans forcer le geste les contrastes entre épisodes lyriques et passages plus agités, en particulier dans le Deuxième Nocturne, où la toccata centrale est bien amenée après une ouverture sereine, et avant le retour lumineux du premier thème. Si le chant de la main droite (et donc l’élément mélodique) est judicieusement mis en avant, il est soutenu par des basses à la fois légères et profondes, dont la richesse harmonique est également soulignée, signe annonciateur des évolutions stylistiques à venir.


Celles-ci sont fort bien traduites dans les grand Nocturnes de la maturité (Quatrième à Septième), où la sonorité ample et veloutée de Théo Fouchenneret fait merveille. Adoptant des tempos plutôt retenus (notamment dans un merveilleux Quatrième Nocturne), le pianiste prend le temps de sculpter ses phrasés, de faire entendre toute l’inventivité des harmonies fauréennes, de dérouler les phrases mélodiques dans toute leur longueur, par exemple au long d’un Sixième Nocturne, page célèbre fort bien rendue à son tour. Comme précédemment, on apprécie la charpente pianistique et la chaleur expressive donnée à ces pages d’une grande intensité, tout en se gardant d’une emphase ou d’une brutalité inutiles. Lui aussi finement caractérisé, le bref Huitième Nocturne (issu des petites pièces de l’Opus 104) fait habilement office de transition vers la « dernière manière » du compositeur.


En effet, le Neuvième Nocturne (en date de 1908) nous fait pénétrer dans un nouvel univers sonore, qu’explore un peu plus en profondeur chacune des pièces qui suivent. Dans un climat épuré, les harmonies se font plus audacieuses et inattendues encore, le chant gagne en gravité et prend à l’occasion une tournure obsessionnelle, sans rien perdre de la beauté de ses lignes, tandis que le choix délibéré et systématique des tonalités mineures lui donne une couleur assombrie, ce que Théo Fouchenneret parvient à traduire à la perfection, embrassant toute la complexité et la subtilité de ces pages emplies de mystère. Sous ses doigts, chaque nocturne nous emmène toujours un peu plus loin, tels le Onzième Nocturne et son chant initial un peu à contretemps si particulier, le Douzième Nocturne, entamé avec une énergique tonicité et une fluidité des accords qui permettent une gradation parfaitement conduite, et bien sûr le chef‑d’œuvre testamentaire qu’est le Treizième Nocturne, dernière page pour piano composée par Fauré en 1924, dont la profondeur mélancolique atteint ici une intensité rarement entendue chez d’autres interprètes.

Après un premier disque chez le même éditeur consacré à rien de moins qu’à la Sonate « Hammerklavier » de Beethoven, Théo Fouchenneret confirme avec cet enregistrement, et à tout juste 30 ans, toute la légitimité de ses ambitions artistiques. Il s’accorde donc une place éminente au sein de l’exceptionnelle génération de jeunes talents que nous offre actuellement le piano français.


Le site de Théo Fouchenneret


François Anselmini

 

 

 

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