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10/13/2024
« Everlasting Seasons »
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Les Saisons, opus 37A
Edvard Grieg : Lyriske stykker : Hefte III, opus 43 : 1. « Sommerfugl » & 4. « Liten fugl » – Hefte IV, opus 47 : 1. « Valse-Impromptu », 3. « Melodi » & 7. « Elegi » – Hefte VIII, opus 65 : 7. « Bryllupsdag på Troldhaugen » – Hefte IX, opus 68 : 2. « Bestemors menuett »
Jean Sibelius : 6 Impromptus, opus 5 : 3. Moderato. Alla marcia, 5. Vivace & 6. Commodo
Mikhaïl Ivanovitch Glinka : La Séparation, Nocturne en fa mineur

Vanessa Wagner (piano)
Enregistré à la Cité de la musique et de la danse de Soissons (11‑13 septembre 2023) – 77’16
La dolce volta LDV126





Artiste éclectique et inventive, la pianiste Vanessa Wagner s’est abondamment consacrée ces dernières années à la musique contemporaine, en particulier à la musique minimaliste, avec plusieurs albums publiés par l’éditeur InFiné. Elle revient aujourd’hui à un répertoire plus « classique », si l’on peut dire, avec un programme « nordique » admirablement choisi et agencé. Passons sur l’agaçante mode (ou la concession marketing) consistant à donner un titre anglais (« Everlasting Seasons ») à un album enregistré par une pianiste française, pour un éditeurs français, avec des œuvres de compositeurs russes, norvégien et finlandais, pour saluer l’originalité et l’intelligence des rapprochements proposés par Vanessa Wagner : ainsi, la pittoresque et lyrique « Troïka » du mois de « Novembre » des Saisons, trouve‑t‑elle un écho dans « Jour de fête à Troldhaugen », tandis que la « Fête de Noël » de « Décembre », qui mêle nostalgie de l’année écoulée et gaîté de la fête, s’enchaîne très naturellement avec la vivacité et la grâce du « Papillon » de Grieg. La pièce de genre simple et savoureuse qu’est le « Menuet de la grand‑mère » se prolonge tout naturellement avec la petite marche un peu rustique du Troisième des Impromptus opus 5 de Sibelius, de même que le sentimentalisme un peu affecté du Sixième avec le Nocturne en fa mineur de Glinka.


Placées en ouverture de l’album, Les Saisons n’ont pas toujours eu bonne presse, certainement à cause de cette anecdote relatée par Nikolaï Kachkine : s’étant engagé à composer chaque mois de l’année 1875 un morceau pour la revue Le Nouvelliste, Tchaïkovski avait chargé son domestique de lui rappeler le moment venu d’écrire « son envoi pour Saint‑Pétersbourg », ce qu’il faisait en parant au plus pressé. Le cycle connaît cependant un regain d’intérêt auprès de nombreux pianistes depuis quelques années, et ce n’est que justice. S’il contient en effet des pièces un peu faibles (le décor nocturne des « Nuits blanches » de « Mai » fait un peu carton‑pâte, tandis que l’inspiration de « La Moisson » du mois d’août n’a à peu près rien de champêtre), l’ensemble connaît également de très beaux moments et témoigne de la variété de l’inspiration pianistique du compositeur, ce que traduisent pleinement l’approche concentrée et le jeu investi de Vanessa Wagner. Presque toujours évocateur, tantôt lyrique (« Alouette » d’« Avril », « Barcarolle » de « Juin », « Chant d’automne » d’« Octobre »...), tantôt pittoresque (« Chant du faucheur » de « Juillet », « Chasse » de « Septembre », « Troïka » de «Novembre »...), ce kaléidoscope s’anime grâce au toucher délicat et au jeu sensible de la pianiste, qui sait introduire un rubato parfaitement dosé dans le balancement de la célèbre « Barcarolle » ou animer d’une Humor schumanienne le « Carnaval » de « Février ». Ce serait presque trop chipoter que de noter que Vanessa Wagner réussit globalement mieux les pièces les plus animées, et s’écoute un peu dans les pièces les plus paisibles, qui manquent un peu de chaleur (notamment le « Coin du feu » de « Janvier », ce qui est fâcheux), desservies peut‑être par une prise de son un peu lointaine.


Vanessa Wagner explique dans le livret que le point de départ de ce disque est son amour pour la musique de Grieg, qu’elle souhaitait enregistrer en la confrontant à des miniatures d’autres compositeurs, et de fait, la sélection de sept des Pièces lyriques qu’elle propose constitue la plus grande réussite de l’album. Faisant le choix de quelques‑unes des pages les plus célèbres et les plus accomplies du maître norvégien, elle s’y épanouit avec une grâce teintée d’amertume parfaitement dans le ton du compositeur, tout en se gardant de surcharger d’intentions cette musique qui n’en a pas besoin. Elle renoue par là avec l’approche d’un Aldo Ciccolini enregistrant l’intégrale des Pièces lyriques pour Cascavelle il y a une vingtaine d’années. Le « Jour de fête à Troldhaugen » est à cet égard éloquent : moins symphonique et ample que sous les doigts d’un Gilels ou d’un Andsnes, il possède à la fois la jovialité d’une fête familiale norvégienne et la mélancolie d’une fin d’été boréal. Entonnée mezza voce et avec beaucoup de retenue, la célèbre « Mélodie » est également magnifique, tandis que le « Menuet de grand‑mère », qui clôt significativement la sélection de Pièces lyriques, frappe par son économie de moyens. Si les pages de Sibelius et de Glinka paraissent après cela plus anecdotiques, Vanessa Wagner semble avoir trouvé son équilibre dans la musique d’Edvard Grieg, qui fait en quelque sorte le pivot entre son affinité avec les épanchements schumanniens et son attrait pour les compositeurs minimalistes.


François Anselmini

 

 

 

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