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08/24/2024
Serge Prokofiev : Sonates pour piano n° 4 en ut mineur « D’après de vieux cahiers », opus 29, et n° 8 en si bémol majeur, opus 84 – Symphonie n° 5 en si bémol majeur, opus 100 : 2. Allegro marcato (transcription Mndoyants)
Nikita Mndoyants : Nocturne

Nikita Mndoyants (piano)
Enregistré en l’église Saint-Pierre, Paris (9‑11 mai 2023) – 64’06
Aparté AP 339 (distribué par [integral])





Formé au Conservatoire Tchaïkovski de Moscou, exilé en France depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine en 2022, le pianiste Nikita Mndoyants (né en 1990) est un fin connaisseur de la musique de Prokofiev, qu’il présente comme son compositeur favori. Intelligemment construit, le présent programme entend révéler deux périodes bien distinctes de son œuvre pianistique, en particulier avec deux sonates composées à plus de vingt ans de distance, la Quatrième (1917) et la monumentale Huitième (1939‑1944), contemporaine de la Cinquième Symphonie dont le pianiste propose également une transcription du Scherzo. L’approche instrumentale et stylistique choisie pour ces différentes œuvres est cependant très unifiée : plus proche en cela d’un Lazar Berman ou d’un Mikhaïl Pletnev que de Richter et Gilels, Nikita Mndoyants déploie une sonorité ample et veloutée, et confère une dimension lyrique et raffinée à cette musique dont d’autres interprètes soulignent au contraire la percussivité et le « motorisme ». Adoptant des tempos relativement mesurés, y compris dans les mouvements conclusifs des deux sonates, il prend le temps de souligner la richesse mélodique et harmonique de ces pages, privilégiant la beauté de leurs courbes sonores, leur atmosphère nocturne et leur dimension orchestrale.


Cette conception fait merveille dans la Quatrième Sonate, sous‑titrée « D’après de vieux cahiers », dans laquelle le pianiste fait ressortir l’influence des compositeurs de la fin du XIXe siècle tels que Rimski‑Korsakov, Anatoli Liadov ou même Nikolaï Medtner. Dévoilé en une progression bien construite dans le premier mouvement, le climat de féerie de la sonate culmine dans un Andante assai aux teintes assombries, avant un Allegro con brio chantant et tournoyant.


Nikita Mndoyants convainc un peu moins dans la Huitième Sonate, dernier volet de la trilogie des « Sonates de guerre » du compositeur, dont les plus grands pianistes soviétiques du siècle dernier, mais aussi un interprète du calibre de Sergio Fiorentino, ont laissé des enregistrements difficiles à surpasser. Si cette œuvre comporte il est vrai une dimension plus méditative et mélodique que ses devancières (Sixième et Septième), les aspérités en sont certainement trop lissées dans la deuxième partie du premier mouvement (Allegro moderato), tandis que le mouvement central, d’une douceur qui n’est pas sans beauté, manque tout de même un peu de ce mordant caractéristique de Prokofiev. Enfin, le Vivace conclusif, malgré la profondeur et la qualité du son, est pris dans un tempo trop retenu, et ne parvient à donner cette impression étourdissante qu’il trouve par exemple sous les doigts des deux géants Richter et Gilels.


La transcription pianistique du Scherzo de la Cinquième Symphonie est davantage qu’une curiosité ou qu’un banal complément de programme. Vouloir traduire au piano la prodigieuse diversité des timbres de l’orchestre de Prokofiev est un défi probablement impossible, et Nikita Mndoyants évite très habilement cet écueil. Sa « réduction » se refuse ainsi à surjouer l’évocation orchestrale et produit au contraire une pièce de concert très pianistique, aux allures de toccata, qu’il joue avec la finesse et l’esprit déjà présents dans son interprétation des sonates.


Enfin, le disque propose un échantillon de la production de Mndoyants en tant que compositeur. Classiquement intitulé Nocturne, le morceau débute par des accords aux effets de résonance, des silences calculés et des tintements pianistiques qui peuvent rappeler la musique spectrale. Le patronage de Chopin, explicitement évoqué par Mndoyants, se fait un peu plus entendre dans la deuxième partie, plus lyrique, dont le caractère répétitif et obstiné évoque cependant davantage la musique minimaliste américaine que les Nocturnes du compositeur polonais ou les Visions fugitives. Si la pertinence de sa présence au sein d’un programme Prokofiev ne s’impose pas avec évidence, l’enregistrement de cette pièce illustre toutefois, de même que la transcription de la Cinquième Symphonie, la diversité des talents d’un musicien encore peu connu, mais manifestement sensible et inventif, dont on suivra avec curiosité les prochaines propositions.


Le site de Nikita Mndoyants


François Anselmini

 

 

 

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