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08/24/2024 « Songs for Peter Pears »
Lennox Berkeley : Five Housman Songs, opus 14, part 3 – Songs of the Half‑Light, opus 65 [*]
Benjamin Britten : Seven Sonnets of Michelangelo, opus 22
Arthur Oldham : Five Chinese Lyrics
Richard Rodney Bennett : Tom O’Bedlam’s Song [*]
Geoffrey Bush : Songs of the Zodiac Robin Tritschler (ténor), Philip Higham (cello), Malcolm Martineau (piano), Sean Shibe (guitar)
Enregistré à Wyastone Estate, Monmouth (24‑26 septembre 2021) et St Augustine’s Church, Kilburn, London (31 octobre 2021) [*] – 73’25
Signum Classics SIGCD774
Sélectionné par la rédaction
Ce passionnant récital du ténor irlandais Robin Tritschler, très bien accompagné par plusieurs musiciens, reprend tout un répertoire pour ténor autour de la personnalité et la carrière de son grand aîné, Peter Pears (1910‑1986), qui fut l’interprète privilégié et le compagnon de Benjamin Britten et dont l’ombre plane toujours sur le chant britannique.
Le choix de mélodies du legs du répertoire du ténor anglais Peter Pears, ayant été inspirées ou commandées par lui, est une originalité dans la discographie. Robin Tritschler, qui est à l’origine de ce projet, en est un interprète exceptionnel par la qualité de son timbre, sa connaissance du style et sa diction, qui est parfaite en anglais, appelant plus de réserves dans l’italien des Sept Sonnets de Michel‑Ange (1940) qui sont pourtant la contribution musicale la plus originale et la meilleure musicalement de ce répertoire. Du meilleur Britten, ces sonnets ont été composés sur mesure pour la voix de Pears. Robin Tritschler les chante avec une voix plus puissante au timbre moins sec, plus riche, sachant se montrer tour à tour irréelle, éthérée, sensuelle, avec tout un éventail de nuances. Il leur confère une atmosphère quasi schoenbergienne.
Si les mélodies composées pour Pears par Britten sont couramment chantées et enregistrées, tout un pan du répertoire du ténor reste dans l’ombre et c’est le grand mérite de Robin Tritschler de nous le restituer dans une aussi bonne réalisation. Lennox Berkeley (1903‑1989), compagnon infortuné de Britten supplanté par Pears, y figure largement avec deux cycles : Five Housman Songs (1940) et Songs of the Half‑Light (1956). Le premier cycle, assez sentimental sur des poèmes d’Alfred Edward Housman (1859‑1936), avoue des influences de Mahler et Stravinsky. Le second, plus crépusculaire, moins inspiré mélodiquement, dont Pears et Julian Bream furent les créateurs à Aldeburgh, bénéficie d’un accompagnement plus vivant, notamment avec une partie de guitare inspirée de la vague moderne espagnole.
De Geoffrey Bush (1920‑1998), les Songs of the Zodiac (1989), douze miniatures à l’écriture inspirée par Britten, sont d’une grande originalité et toujours d’un humour caustique quasi surréaliste. Arthur Oldham (1926‑2003), connu en France pour avoir été longtemps le créateur du Chœur de l’Orchestre de Paris après avoir dirigé celui du Festival d’Edimbourg et le Chœur de l’Orchestre symphonique de Londres, a, dans sa jeunesse, été le seul élève de Britten. Ses Five Chinese Lyrics (1945) sont des miniatures très imagées et soigneusement composées pour la voix.
La longue Tom O’Bedlam’s Song (1961), ballade de Richard Rodney Bennett (1936‑2021) et commande de Peter Pears, est certainement la pièce la plus étrange de ce programme. Monologue très dramatique évoquant le destin tragique d’un mendiant à l’esprit dérangé, elle est composée selon les règles du sérialisme. Tritschler y rivalise de douleur avec le magnifique violoncelle de Philip Higham.
L’accompagnement du pianiste Malcolm Martineau, constamment vivant et inspiré, est secondé pour plusieurs mélodies par Sean Shibe à la guitare et Philip Higham au violoncelle. A la fois par son programme, sa réalisation, la qualité de la documentation, et son interprétation, cet enregistrement est un des plus passionnant dans le domaine de la musique anglaise de cette saison discographique.
Olivier Brunel
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