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08/24/2024
Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville : Le Carnaval du Parnasse
Gwendoline Blondeel (Florine, Thalie), Hélène Guilmette (Licoris), Hasnaa Bennani (Clarice, Euterpe, Une suivante de Terpsichore, Une vieille), Mathias Vidal (Un berger, Apollon), David Witczak (Momus), Adrien Fournaison (Dorante, Un suivant d’Euterpe, Un suivant de Terpsichore), Chœur de chambre de Namur, Thibaut Lenaerts (préparation artistique), Les Ambassadeurs ~ La Grande Ecurie, Alexis Kossenko (direction)
Enregistré à Namur (mars 2023) – 127’54
Coffret de deux disques Château de Versailles Spectacles CVS 122 – Notice (en français, anglais et allemand) d’Alexis Kossenko, Benoît Dratwicki et Laurent Brunner


Sélectionné par la rédaction





« Qu’un autheur doit êtres flatés que Vous lui permetiez de vous Dédier Son Ouvrages. Celui que J’ai L’honneur de Vous présenter Vous est bien dû puisque je l’ai Composé pour Vous... ». Le frontispice de l’édition originale du Carnaval du Parnasse que l’on peut consulter sur Gallica, le site de la Bibliothèque nationale de France, et dont nous avons volontairement conservé l’orthographe de l’époque, est très clair   l’ouvrage de Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville (1711‑1772) est dédié et même inspiré par la Marquise de Pompadour, grande protectrice des arts et des artistes sous le règle de Louis XV. De là peut‑être vient ce caractère enjoué, pleinement divertissant d’un ouvrage qui a connu une durable heure de gloire avant de disparaître jusqu’en 2023, année où Château de Versailles Spectacles l’a exhumé pour le donner sur la scène de l’Opéra royal le 10 mars.


Créé le 23 septembre 1749 à l’Académie royale de Musique, Le Carnaval du Parnasse est le deuxième ouvrage lyrique de Mondonville et reste son plus grand succès au point d’avoir éclipsé Zoroastre de Rameau, créé moins de deux mois plus tard (le 5 décembre 1749). Il est vrai que les marivaudages peints par Mondonville sont à mille lieues des recherches savantes de Rameau, Le Mercure de France ayant souligné dès la création que ce Carnaval possédait de multiples « airs agréables et faciles, tant pour le chant que pour les danses, qui se répètent et se retiennent par les spectateurs ». Il faut dire que l’intrigue s’avère des plus simples. Après un Prologue dans lequel Clarice et Florine opposent les mérites des musiques française et italienne, querelle conclue de force par l’intervention d’un beau chœur de bergers, les trois actes de l’œuvre nous content les amours entre d’une part Momus et Thalie, d’autre part entre Apollon et Licoris, gentillettes aventures parsemées de réflexions sur les arts et la musique en particulier, et de quiproquos facilités par les déguisements dictés par le carnaval, lequel s’achève évidemment par divers airs hauts en couleur.


Dans ce ballet héroïque, le grand vainqueur est sans aucun doute l’orchestre. Les quarante‑trois musiciens de l’ensemble Les Ambassadeurs ~ La Grande Ecurie nous ravissent de numéro en numéro, tant dans les accompagnements des airs que dans les pages purement orchestrales. Et le fait est que ces dernières sont nombreuses : marches, airs, menuets, tambourins, contredanses... ponctuent (et même concluent) l’œuvre par divers intermèdes, sans nuire pour autant à la trame générale dont on a vu qu’elle était de toute façon des plus simples. Les bois (flûtes, hautbois et bassons par quatre !) sont fortement sollicités, les flûtes voletant dès la première scène du Prologue, les anches doubles « tricotant » à qui mieux mieux dans les deux contredanses concluant le même Prologue, les cors mettent toute la verve requise dans l’« Air pour les chasseurs » à la scène 6 de l’acte III et dans l’air qui suit, chanté par une suivante de Terpsichore, « Jeunes cœurs, prenez vos armes », les cordes alternent avec une adresse sans faille virtuosité (la deuxième partie de l’Ouverture, aux accents ramistes très prononcés) et une incroyable plénitude comme dans le premier air du premier acte chanté par Momus, « Précipitez vos eaux », les percussions, galoubet et autres tambourins s’en donnant à cœur joie en divers endroits de l’œuvre (les deux tambourins de la scène 4 du Prologue). Maître d’œuvre de cette interprétation, Alexis Kossenko dirige l’ensemble avec un plaisir et un enthousiasme qui jamais ne faiblissent, soignant chaque passage ou accompagnement, veillant aussi à caractériser la moindre danse ou marche (écoutez celle qui inaugure la scène 5 de l’acte II, avec force tambour et bassons en soutien de l’ensemble) pour notre plus grand plaisir. On comprend aisément que l’œuvre ait tant plu lors de sa création et des reprises au XVIIIe siècle car il est effectivement bien facile de se souvenir de certaines lignes mélodiques que tout un chacun a dû se plaire à fredonner.


Quant à l’équipe de chanteurs, elle est véritablement idéale. Commençons par la parfaite Gwendoline Blondeel qui, dans les deux rôles de Florine et Thalie, fait montre d’une technique vocale hors pair (l’ariette à la fin de l’acte III !), aidée par une prononciation irréprochable et une variété dans les couleurs qui témoigne du tempérament qu’elle confère à ses deux personnages (notamment dans l’air « Momus en ce séjour... » à la scène 3 de l’acte I). Le personnage de Licoris, surtout servi au deuxième acte (l’acte III comprend certes plusieurs interventions qui lui sont dévolues mais ce sont essentiellement des récits et leur durée ne dépasse pas souvent la minute), permet à Hélène Guilmette de mettre en avant ses incontestables qualités vocales (l’air « Ce berger dangereux » à la scène 3 de l’acte III), quand bien même sa diction pourrait parfois être plus limpide (scène 1 de l’acte II). Enregistrement après enregistrement, concert après concert, Hasnaa Bennani développe ses qualités vocales avec une incontestable évidence ; le présent enregistrement, dans lequel elle endosse pas moins de quatre rôles, lui permet de briller notamment dans le rôle d’Euterpe (superbes échanges avec le chœur dans la scène 5 de l’acte II où la rythmique se complexifie à partir du passage « Le dieu qu’on adore à Cythère... ») et d’une suivante de Terpsichore (le passage déjà mentionné « Jeunes cœurs, prenez vos armes » en particulier). Quelle chanteuse !


Côté masculin, David Witczak brille en Momus ; jamais caricatural, plein d’humour et de finesse, privilégiant le rire sur l’amour, il s’impose dès le premier air de l’acte I mais ne néglige jamais pour autant ses récits, comme l’excellent « Si l’époux de Junon » à la scène 2 de l’acte II. Sa prestation, qui n’est pas pour rien dans la réussite de cet enregistrement, en viendrait presque à éclipser Mathias Vidal, grand habitué de ce répertoire, mais (et c’est un trait récurrent chez lui) qui a trop tendance à forcer la voix dans les aigus. Il n’en campe pas moins un Apollon très crédible (très beau récit « Les rebelles titans lui déclarent la guerre » à l’acte II) et, surtout, un berger tout en finesse avec notamment l’air « Célébrons le printemps » à la fin du Prologue, un des grands moments de l’œuvre à notre sens. A l’image d’Hasnaa Bennani, Adrien Fournaison incarne plusieurs personnages et, là aussi, fait montre d’une totale réussite. On retiendra surtout sa voix à la fois puissante et suave dans l’ariette « Amour, les cieux, la terre et l’onde » (scène 5 de l’acte II), soutenu en outre par un très bel accompagnement orchestral, et un des derniers airs de l’ouvrage, dans lequel il incarne de nouveau un suivant de Terpsichore.


N’oublions pas enfin l’excellent (comme toujours) Chœur de chambre de Namur, préparé par Thibaut Lenaerts, qui nous entraîne à chacune de ses interventions, la plus belle étant peut‑être le chœur « Printemps dans nos bocages » (scène 4 du Prologue), à la pulsation des plus entraînantes, aux échos ramistes qui ne sont pas non plus sans nous rappeler le célèbre chœur des matelots d’Alcione de Marin Marais.


On ne nous en voudra pas de signaler enfin quelques erreurs dans le livret d’accompagnement (qu’il s’agisse notamment d’écrire « ris et jeux » au lieu de « rires et jeux   aux scènes 3 et 4 de l’acte I, qu’il s’agisse de préciser que Bordeaux est la « ville natale » de Mondonville juste après avoir pourtant très justement précisé qu’il était né à Narbonne ou, plus gênant, qu’il s’agisse du décalage entre les minutages et les plages du premier disque puisque c’est l’Ouverture et non pas le premier air de Clarice qui dure 2’51, la coïncidence entre les deux revenant seulement à partir de la plage 14 « Célébrons le printemps »), livret par ailleurs riche d’enseignements et magnifiquement illustré.


Que ces quelques anicroches ne dissuadent pas pour autant les amateurs du genre à se précipiter sur ce coffret qui ravira les oreilles et enrichit dès à présent notre connaissance du répertoire de ce XVIIIe  siècle musical où, décidément, les redécouvertes sont légion !


Le site de l’ensemble Les Ambassadeurs ~ La Grande Ecurie
Le site d’Alexis Kossenko
Le site du Chœur de chambre de Namur et du Millenium Orchestra
Le site de Gwendoline Blondeel
Le site d’Hélène Guilmette
Le site de Hasnaa Bennani
Le site de Mathias Vidal
Le site de David Witczak


Sébastien Gauthier

 

 

 

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