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06/28/2024 Hélène de Montgeroult : Etudes : n°s 6, 7, 8, 19, 28, 37, 38, 60, 63, 89 & 106 – Six Nocturnes à voix seule avec accompagnement de pianoforte, opus 6 – Sonate en la mineur pour forte piano avec accompagnement de violon, opus 2 n° 3 Marcia Hadjimarkos (piano-forte), Beth Taylor (mezzo-soprano), Nicolas Mazzoleni (violon)
Enregistré au Lézard Vert à Pressy-sous-Dondin (12‑16 septembre 2022) – 61’51
Seulétoile SE09 (distribué par Socadisc) – Notice en français
Must de ConcertoNet
Le disque est intéressant à plus d’un titre. D’abord, on a affaire à de nouvelles révélations sur le talent de compositeur d’Hélène de Montgeroult (1764‑1836). Si certaines de ses cent quatorze Etudes, partie la plus connue de son legs, ont été déjà enregistrées (chez Hortus notamment) et si onze le sont à nouveau sur ce disque, trois sont gravées pour la première fois et on y découvre des Nocturnes « à voix seule avec accompagnement de pianoforte » (1807) absolument remarquables. Après l’enregistrement pionnier de Bruno Robilliard il y a près de vingt ans, en 2006, on ne cesse de redécouvrir la compositrice et la richesse de son corpus pianistique se confirme à chaque fois. Il constitue manifestement une mine qu’on aimerait voir davantage exploitée au concert par des artistes un tant soit peu aventureux et soucieux de sortir du ronron rabâché Mozart-Haydn-Beethoven. Montgeroult est clairement en avance sur son temps ; il conviendrait de lui rendre davantage justice. Ses Etudes, plus romantiques que classiques, vont bien au‑delà d’exercices pédagogiques. On n’est pas loin de Mendelssohn.
Le second intérêt du disque réside dans le fait que l’approche des œuvres de la compositrice y est singulièrement renouvelée grâce à la mise à contribution d’un instrument exceptionnel, un piano‑forte d’Antoine Neuhaus de 1817, protégé au titre des monuments historiques et restauré en 2021. Dans nos commentaires sur l’enregistrement des Sonates de la marquise de Montgeroult par Nicolas Horvath sur un piano moderne, nous appelions récemment de nos vœux de nouvelles gravures sur piano‑forte, plus adapté à notre sens aux œuvres en question que le piano moderne. Nous voilà pleinement exaucé. Ici, il s’agit d’un piano‑forte carré comme il s’en produisait beaucoup au début du dix‑neuvième siècle, plus en tout cas que les pianos « en forme de clavecin ». Doté d’un clavier de cinq octaves et une quinte, il comporte quatre pédales (pédale forte, pédale de luth poussant une bande de cuir contre les cordes, pédale « céleste » intercalant des languettes de cuir entre les marteaux et les cordes, pédale de basson faisant descendre un rouleau de papier sur les cordes de la moitié grave des cordes). Marcia Hadjimarkos, pianiste française d’origine américaine (née en 1959), passionnée par les claviers anciens, n’hésite pas à les utiliser alors que la compositrice ne mentionnait pas l’intérêt de ces compléments mécaniques avant la cent quatorzième étude de son fameux Cours complet pour l’enseignement du forte‑piano (1816) et soulignait, au contraire, que priorité devait être donnée à l’expression par le seul toucher. Le résultat est en tout cas que les couleurs données aux Etudes sont incroyablement variées sans que la pianiste perde de vue le cantabile réclamé par ces pièces. Il est même particulièrement surprenant dans les Nocturnes, seule partition écrite par la compositrice pour la voix, notamment le quatrième où le piano‑forte produit des sons menus proches d’un instrument à cordes pincées. Cela nous donne l’occasion d’apprécier pleinement la voix ferme et d’une distinction absolue de la mezzo écossaise Beth Taylor (née en 1993), dont le timbre fait parfois penser à celui de Kathleen Ferrier. La prononciation de l’italien n’est pas idéale mais c’est très beau quand même.
Un disque passionnant, agrémenté d’une notice fort instructive.
Stéphane Guy
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