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04/13/2024 « Ymaginations »
Nicholas Ludford, William Whitbroke et anonymes : Mass upon John Dunstable’s square La Quintina : Esther Labourdette (soprano), Sylvain Manet (contre‑ténor), Christophe Deslignes (orgue portatif), Jérémie Couleau (ténor, direction)
Enregistré en l’abbaye de Loc‑Dieu, Martiel (16‑19 juin 2022) – 61’15
Paraty 1123291 – Notice en français et en anglais
L’objet de ce disque est difficile à présenter comme (trop) souvent en matière de musique ancienne. Il part de partitions écrites mais, comme à l’époque, les interprètes brodent. On a donc affaire à des pages de compositeurs méconnus de la Renaissance anglaise, de Nicholas Ludford (1490‑1557), principalement, et de William Whitbroke (1500‑1569) comme d’anonymes de la même époque, ensuite, se nourrissant de formules antérieures notamment de John Dunstable (1390‑1453). Elles sont simplement interprétées de façon très libre par un ensemble de passionnés, La Quintina. Ses musiciens procèdent à une sorte de reconstitution de messe à partir d’emprunts divers mais arrangés et laissant une grande part à l’improvisation, à l’« Ymaginacion », Dunstable servant simplement de fil conducteur, dans une mesure toutefois difficile à préciser.
En tout cas, c’est ce qu’on retient d’une notice confuse qui s’enfonce dans des détails peu clairs. On aurait parfois intérêt à ne pas laisser les interprètes expliquer leurs intentions ou leur projet. Au surplus, la notice, au lieu de nous présenter les instruments utilisés, nous fournit la traduction du texte latin des prières alors qu’elles sont quand même largement connues. Pas bien utile. Enfin, elle se termine par des remerciements, originaux, à Catherine d’Aragon, la première femme d’Henry VIII, sans qu’on comprenne son rôle dans la confection du disque évidemment et, plus sérieusement, dans le développement de la musique dans l’Angleterre du seizième siècle.
Le résultat musical est autrement plus intéressant. On ne peut parler d’imposture mais de pastiches sans doute. Peu importe, la reconstitution est parfaitement assumée. Certes, rien n’est contrôlable Ymaginacion; ce n’est pas une symphonie de Brahms. Mais il faut se laisser emporter dans ces paysages sonores inconnus, par ces volutes musicales, remarquablement enregistrées au passage (avec les bruits mécaniques de l’orgue portatif dont on ne connaît malheureusement pas les caractéristiques). Les pièces jouent sur le raffinement, parfois curieusement orientalisant (« Alleluya », « Glose sur "Ymaginacion Afferentur regi virgines" » à l’orgue), avec toutefois une économie de moyens étonnante. Les voix sont d’une stabilité exemplaire et l’orgue leur apporte des touches de couleur supplémentaire quand il n’intervient pas seul, ses flûtes faisant alors penser à des flûtes de pan ou à des hurlements de loup, la bête noire de l’époque après tout.
Le disque est assurément le fruit de recherches approfondies sur la musique anglaise de la Renaissance. Réservé aux passionnés ou aux curieux.
Le site de La Quintina
Stéphane Guy
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