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09/29/2023
« La peine de mon cœur »
Andrea Gabrieli : Intonazione del quarto tono – Canzon francese detta Qui la dira a cinque voci di Willaert – Io mi son giovinetta. Madrigale a 4 voci di Domenico Ferrabosco – Fantasia allegra del duodecimo tono – Canzon detta Suzanne un iour a cinque voci d’Orlando Lasso – Intonazione del primo tono – Pass’e mezzo antico – Canzon francese detta Ie prens en gré a quattro voci di Clemens non Papa – Cantate Domino. Mottetto a 5 voci di Andrea Gabrieli (prima pars) – Canzon francese detta Petit Iacquet a quattro voci – Ricercar arioso III – Canzon francese detta Martin menoit a quattro voci di Ianequin – Ricercar sopra Martin menoit – Intonazione del settimo tono – Ricercar del settimo tono – Ancor che col partire. Madrigale a 4 voci di Cipriano de Rore – Ricercar del nono tono – Amen [Missa dominicalis]
Sébastien Wonner (clavecin)
Enregistré en l’église protestante Sainte-Aurélie, Strasbourg (28‑30 octobre 2021) – 63’
L’Encelade ECL2102 – Livret de 27 pages (en français et en anglais)
 Sélectionné par la rédaction
Claveciniste passionné par son instrument, son répertoire mais aussi par son contexte historique, Sébastien Wonner nous offre ici un album sorti en février 2023, plein de délicatesse et de grâce.
La couverture du disque présente un tableau du Tintoret, « Le Suicide de Lucrèce ». Episode antique durant lequel une femme (Lucrèce, épouse de sénateur romain) préfère mourir pour son honneur bafoué plutôt que de laisser croire qu’elle a commis l’adultère. Un choix qui ne tient pas au hasard mais à un événement rapprochant le peintre Tintoret et le compositeur Andrea Gabrieli (ca 1533‑1585). Le livret s’ouvre donc sur l’histoire de cette rencontre, racontée par le claveciniste. Collaboration indirecte, mais qui nous plonge immédiatement dans les couleurs de Venise. Couleurs tant picturales que musicales. Philippe Canguilhem, musicologue de renom, contribue à la qualité de ce livret par les explications qui viennent parfaire le décor de ce monde artistique des années 1580‑1590 vénitiennes.
La première piste pourrait paraître étrange par les surprises harmoniques totalement inattendues, mais judicieusement choisies et placées. L’étrangeté est en fait une excellente mise en condition d’écoute. Les lignes sont très simples, presque nues, mettant encore plus en avant la sonorité du clavecin, le pincement des cordes et le son de la mécanique si particulier au clavecin italien. La deuxième piste ne lève pas encore le voile, les premières notes sont d’abord pudiques. Puis la richesse de l’harmonie grandit, créant une progression douce dans l’univers de cet Andrea Gabrieli, titulaire de la basilique Saint‑Marc de Venise.
La musique alterne entre madrigaux, pièces instrumentales et chansons (canzon, ou canzonetta). Si le langage écrit reste celui d’un instrument, dans les chansons les lignes de la voix sont finement rendu par le truchement d’un touché d’une rare finesse. Deux magnifiques exemples en sont les Canzon detta Suzanne un iour et Ancor che col partire, deux « tubes » de la période Renaissance.
La prise de son à juste distance permet d’apprécier dans des conditions d’écoute presque dignes du concert toutes les finesses de l’instrument et de son interprète. Jean‑Michel Olivares, directeur artistique, prise de son et mastering, rend une justice peu commune à ce clavecin italien qui, pour des raisons de facture instrumentale, peut paraître un peu sec. Mais ici, rien de cela. Le son est souple, ample, et laisse libre champ au musicien pour nous emporter dans ce beau voyage musical.
Un album remarquable sous tous ses aspects : techniques, musicaux, interprétations. Même si le clavecin est un monde à part, ici le monde d’Andrea Gabrieli nous est rendu accessible par le superbe travail de Sébastien Wonner. A écouter absolument.
Le site de Sébastien Wonner
Apolline Croche
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