Back
05/24/2023 « Duello d’Archi a Venezia »
Francesco Maria Veracini : Concerto a 8 stromenti en ré majeur
Pietro Locatelli : Concerto pour violon en ut majeur, opus 3 n° 2
Giuseppe Tartini : Concerto pour violon en fa majeur, d.61
Antonio Vivaldi : Concerto en ré majeur « Grosso Mogul », RV 208 Chouchane Siranossian (violon), Venice Baroque Orchestra, Andrea Marcon (direction)
Enregistré à Lonigo (juillet 2022) – 76’31
Alpha 935 (distribué par Outhere) – Notice (en anglais, français et allemand) de Chouchane Siranossian, Andrea Marcon et Olivier Fourès
Le titre de ce disque peut sembler étonnant vu qu’il ne s’agit pas ici de concertos pour deux violons, œuvres dans lesquelles chaque soliste fait assaut de virtuosité et de fioritures et où chacun essaie de montrer à l’autre ce dont il est capable : entre autres exemples, Viktoria Mullova et Giuliano Carmignola avaient parfaitement illustré cette potentielle confrontation il y a quelques années lors d’un concert mémorable. Ici, le duello tourne donc vite court... En lieu et place d’un jeu de duettistes (dans la notice d’accompagnement, soliste et chef expliquent d’ailleurs que l’objet du disque réside bien plutôt dans « l’idée de lancer des duels imaginaires à "coups d’archets" à Venise entre les "quatre mousquetaires" du violon de la première moitié du XVIIIe siècle : Vivaldi, Veracini, Tartini et Locatelli »), voici donc un programme de musique baroque où le violon occupe une place prépondérante, soit au sein d’un concerto faisant intervenir plusieurs instruments solistes (Veracini), soit au sein de concertos cette fois‑ci effectivement dédiés au violon (les trois autres compositeurs au programme).
En soliste, la jeune Chouchane Siranossian, élève du célèbre violoniste hongrois Tibor Varga puis de Pavel Vernikov au CNSM de Lyon, qui a versé dans le répertoire baroque à la suite de sa rencontre avec Reinhard Goebel. Ayant déjà fait montre de ses talents dans ses récentes gravures de concertos pour violon de Tartini et de Romberg (deux disques publiés chez Alpha), la voici donc dans un de ses répertoires de prédilection pour un disque haut en couleur.
Notre impression, sans doute assez paradoxale, est globalement positive mais l’enthousiasme n’existe vraiment à notre sens qu’à l’écoute de l’œuvre qui fait le moins intervenir le violon solo, à savoir ce Concerto a 8 stromenti de Francesco Maria Veracini (1690‑1768). Formidable concerto où le brillant de l’orchestre (cordes foisonnantes, deux trompettes, deux hautbois, timbales...) domine notamment un premier mouvement de toute beauté qui nous rappelle en plus d’une occasion ces Concerti con molti strumenti de Vivaldi. La verve de l’orchestre, au regard duquel le violon apparaît plus comme un primus inter pares que comme un véritable soliste, enthousiasme l’oreille du début à la fin. Comme souvent dans ce genre de compositions, le Largo est dominé par une ligne mélodique plutôt simple, la cadence étant de la main de Chouchane Siranossian, dont la technique s’avère des plus impressionnantes, avant que la luxuriance de l’ensemble ne revienne dans un Allegro conclusif virevoltant.
Le concerto de Locatelli (1695‑1764), issu du recueil L’arte del violino, frappe davantage par ses dimensions (plus de dix minutes pour le seul premier mouvement, près de huit pour le troisième) que par sa stricte recherche même si l’on se laisse vite bercer, dans l’Andante - Capriccio initial, par un phrasé retenu, sans effet inutile, Marcon relançant ses musiciens juste comme il faut. Si le Largo central illustre toute la finesse de ce type de concertos, dans laquelle Chouchane Siranossian joue de façon assurée, on est beaucoup moins happé par l’Andante - Capriccio conclusif dans lequel les cadences sont certes virtuoses mais où la soliste caricature presque le discours baroque tel que certains veulent l’entendre aujourd’hui : rapidité excessive, sonorités beaucoup trop rêches (à partir de 6’10), contrastes anti naturels au possible...
Le concerto de Giuseppe Tartini (1692‑1770) est presque banal dans la foisonnante littérature que le XVIIIe siècle offre au violon concertant, quand bien même, là aussi, ses dimensions seraient conséquentes (près de sept minutes pour chaque mouvement, sept minutes étant parfois la durée totale des trois mouvements de certains concertos de Vivaldi). Trois mouvements on ne peut plus classiques avec, là encore, des traits que nous trouverons personnellement un peu excessifs (dans le premier mouvement, à partir de 3’45), un Grave à la fois sobre et langoureux avant qu’un Allegro sagement contrasté ne conclut l’ensemble.
Enfin, on ne s’étendra pas sur le fameux Concerto « Grosso Mogul » de Vivaldi, une des pages concertantes les plus célèbres dédiées au violon de la part du Prêtre roux. Chouchane Siranossian en livre une prestation tout à fait convaincante mais qui ne se démarque guère de ce que l’on peut entendre sous bien d’autres archets, la jeune violoniste n’en confirmant pas moins d’indéniables talents.
Le site de Chouchane Siranossian
Le site du Venice Baroque Orchestra
Sébastien Gauthier
|