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08/10/2022 « Le Monde selon George Antheil »
Morton Feldman : Pièce pour violon et piano – Extensions I
Ludwig van Beethoven : Sonate pour piano et violon n° 7, opus 30 n° 2
John Cage : Nocturne
George Antheil : Sonate pour violon et piano n° 1 Patricia Kopatchinskaja (violon), Joonas Ahonen (piano)
Enregistré au Studio de la radio de Zurich (décembre 2020) – 62’43
Alpha 797 – Notice en anglais, allemand et français
La violoniste autrichienne et suisse mais d’origine moldave Patricia Kopatchinskaja (née en 1977) a une sacrée personnalité. Elle ne fait rien comme tout le monde. Au‑ delà de l’anecdote – elle joue sur scène pieds nus –, ses programmes en salle ou au disque démontrent un éclectisme et un engagement assez phénoménaux. Dotée de moyens prodigieux, elle ose tout. Ses partis pris peuvent du coup enthousiasmer comme rebuter. Son dernier disque, consacré au compositeur américain George Antheil (1900‑1959) et aux compositeurs qu’il a influencés comme à ses sources d’inspiration, le confirme.
On passera rapidement sur la Pièce (1950) de Morton Feldman (1926‑1987), autre compositeur américain, qui ouvre le récital comme sur les Extensions I du même compositeur qui le termine, deux œuvres quand même assez pauvres, de même que sur le bref Nocturne (1947) de John Cage (1912‑1992) pour louer avant tout l’interprétation de la Première Sonate (1923) d’Antheil, objet central du disque. L’influence du Stravinsky de L’Histoire du soldat ou des Noces y est patente et Patricia Kopatchinskaja démontre un sens de la pulsation tout à fait adapté. Elle défend l’œuvre avec une ardeur impressionnante, presque une fureur, en compagnie du pianiste finlandais Joonas Ahonen (né en 1984), lequel n’est pas en reste avec ses clusters frénétiques. C’est assez convaincant.
Là où les choses se gâtent franchement, c’est avec la Septième Sonate pour violon et piano (1802) de Ludwig van Beethoven (1770‑1827). La recherche frénétique pour ne pas dire hystérique de l’originalité, de l’épat’ finit par la faire exploser en mille morceaux. ConcertoNet avait déjà été consterné par la vision que Patricia Kopatchinskaja avait eue en 2007 de la Sonate « A Kreutzer » avec un autre artiste également difficile à maîtriser, Fazil Say. Les accents sont ici sans cesse exagérés, les attaques systématiquement violentes, les aigus stridents et laids, les médiums râpeux. On cherche vainement le sens de cette sonate qui n’est plus vraiment de Beethoven et du coup celui de cette publication extravagante. Et ce n’est pas la notice consacrée à un portrait de George Antheil et à ses relations avec l’actrice Hedy Lamarr, fort intéressantes au demeurant, qui peut nous éclairer.
Quel dommage de gâcher tant de talent.
Stéphane Guy
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