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05/29/2022 César Franck : Les Cloches du soir – Nocturne – Le Vase brisé – Roses et papillons – Le Mariage des roses – L’Emir de Bengador – Ninon – Lied – Robin Gray – S’il est un charmant gazon (deux versions) – Aimer – Six Duos – L’Ange et l’Enfant – Passez ! passez toujours ! – Souvenance – Pour les victimes – Paris – Patria – Les Trois Exilés – A cette terre où l’on ploie sa tente – Le Sylphe – La Procession Tassis Christoyannis (baryton), Véronique Gens (soprano), Enrico Graziani (violoncelle), Jeff Cohen (piano)
Enregistré au Palazzetto Bru Zane, Venise (16‑19 avril et 4‑5 octobre 2021) – 104’26
Coffret de deux disques Bru Zane BZ 2003
Sélectionné par la rédaction
S’il est une facette bien méconnue de César Franck et qui tranche avec le portrait austère de l’organiste de Sainte‑Clotilde, c’est bien celle de son univers mélodique. L’intégrale des mélodies et duos pour voix et piano de Franck (presque la moitié de ses numéros d’opus est consacrée à la voix) que viennent de réaliser Tassis Christoyannis et Jeff Cohen (avec la participation de Véronique Gens pour six duos) au Palazzetto Bru Zane de Venise à l’occasion du bicentenaire de la naissance du compositeur n’avait jamais fait l’objet d’un enregistrement. Les deux complices, qui ont déjà gravé pour cette fondation vénitienne, centre de musique romantique française, l’intégrale de celles de Lalo et de Reynaldo Hahn, viennent de combler magistralement cette lacune de la discographie.
On peut au cours de ces deux disques, bien qu’ils ne présentent pas les vingt‑huit compositions dans un ordre chronologique, suivre l’évolution du style mélodique de Franck tout au long de sa carrière. Elle commence avec des romances qui, tournant autour de la thématique florale avec des poésies un peu convenues ou naïves de Marceline Desbordes‑Valmore, Joseph Méry et Louis de Fourcaud, dans un style mélodique assez simple, proche de celui de Gounod sans son riche parfum et un accompagnement de piano harmoniquement très académique. Puis au fur et à mesure des années s’affirme un style très personnel, romantique et souvent assez dramatique, moins salonnard, quasi opératique avec des textes forts d’Hugo (Passez ! passez toujours ! et A cette terre où l’on ploie sa tente), de Sully‑Prudhomme (Le Vase brisé) ou Chateaubriand (Souvenance) et surtout L’Emir de Bengador de Méry.
Tassis Christoyannis, dont on admire toujours autant le timbre franc, la parfaite diction et prosodie française, déploie des trésors de finesse dans l’interprétation de ces mélodies qu’il habite et savoure tout autant que son fidèle accompagnateur Jeff Cohen. La diction de Véronique Gens, sacrifiant souvent à la ligne vocale, crée un déséquilibre dans les Six Duos et nuit à la compréhension comme c’est flagrant à l’audition du même texte (S’il est un charmant gazon d’Hugo) chanté successivement dans deux versions différentes par le soprano et le baryton.
Comme toujours avec les publications de la Fondation Palazzetto Bru Zane, l’édition est magnifique. Le digipack contient un copieux livret trilingue de cent pages (français, anglais, allemand) et tous les poèmes sont donnés avec une traduction anglaise. Deux textes d’Alexandre Dratwicki et de Jean‑Philippe Navarre, qui a réalisé l’édition critique de ces mélodies, explorent l’univers mélodique de Franck et en dressent le catalogue complet. L’iconographie illustre l’époque de leur création.
Olivier Brunel
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