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04/16/2022
« Rivales »
Pierre-Alexandre Monsigny : La Belle Arsène : « Où suis‑je ? » [1]
Jean-Frédéric Edelmann : Ariane dans l’île de Naxos : « Mais, Thésée est absent » [2]
Johann Christian Bach : La clemenza di Scipione : « Me infelice ! Che intendo ? »
Christoph Willibald Gluck : La clemenza di Tito : « Se mai senti » [1] – Alceste : « Divinités du Styx » [2]
Louis-Luc Loiseau de Persuis : Fanny Morna : « O divinité tutélaire » [1]
André-Ernest-Modeste Grétry : L’Embarras des richesses : « Dès notre enfance unis tous deux » [2] – Aucassin et Nicolette : « Cher objet de ma pensée » [1]
Luigi Cherubini : Démophon : « Un moment, à l’autel »
Antonio Sacchini : Renaud : « Barbare Amour, tyran des cœurs » [2]
Nicolas Dalayrac : Camille ou le Souterrain : « Ciel, protecteur des malheureux »

Sandrine Piau [1], Véronique Gens [2] (sopranos), Le Concert de la Loge, Julien Chauvin (violon solo et direction)
Enregistré en l’abbaye de Saint-Michel-en-Thiérache (21 et 22 juin 2021) – 63’12
Alpha 824 (distribué par Outhere) – Notice (en français, anglais et allemand) de Sandrine Piau et Véronique Gens, Julien Chauvin et Benoît Dratwicki et traduction des textes chantés


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Qui se souvient aujourd’hui de Mme Saint‑Huberty (1756‑1812) et de Mme Dugazon (1755‑1822) ? Ce furent pourtant deux cantatrices qui, dans la France musicale qui enjambe les XVIIIe et XIXe siècles, marquèrent leur temps et firent figure de véritables divas. Chacune avait à l’époque ses rôles de prédilection : incarnation de grande dame ou de magicienne pour la première (elle fut la première Dircé de l’histoire dans la création, le 5 décembre 1788, de Démophon de Luigi Cherubini), plutôt les rôles de soubrette ou de paysanne pour la seconde (elle créa notamment le rôle de Laurette dans Richard Cœur de Lion de Grétry), comme le rappelle l’instructive notice rédigée par Benoît Dratwicki. Furent‑elles pour autant rivales ? Les éléments que l’on pourra relever dans cette même notice n’en donnent guère de preuve mais bon, peu importe... Beau prétexte en tout cas que cette confrontation historique pour associer aujourd’hui leurs lointaines héritières que sont Véronique Gens et Sandrine Piau dans un disque haut en couleur, sous la houlette du violon de Julien Chauvin, et en découvertes : sur les onze airs présentés, pas moins de huit en première mondiale !


Depuis leur première rencontre dans The Fairy Queen de Purcell, représentée au festival d’Aix‑en‑Provence en 1989 sous la baguette de William Christie, les deux chanteuses ne se sont jamais perdues de vue même si leur collaboration musicale n’a pas été si fréquente que cela. Ce disque est donc une véritable aubaine qui, dans un programme extrêmement recherché concocté à la fois par Julien Chauvin et Benoît Dratwicki, nous permet d’entendre Sandrine Piau incarner des rôles assez légers, encore une fois de paysannes, d’ingénues, et Véronique Gens, plus altière, servie par une voix peut‑être moins agile que sa consœur mais dans un registre plus grave, plus large, camper des héroïnes davantage maîtresses d’elles‑mêmes.


Recherché écrivions‑nous car les compositeurs sollicités ici ne peuvent que surprendre. Qui connaît Jean‑Frédéric Edelmann (1749‑1794) ou Louis-Luc Loiseau de Persuis (1769‑1819) ? Qui a déjà entendu quelque part des airs tirés de La Belle Arsène de Monsigny ou de L’Embarras des richesses de Grétry ? Mais, au travers de ces airs et après plusieurs écoutes, on ne peut que tomber à genoux devant sinon des chefs‑d’œuvre (le mot est trop galvaudé pour l’employer à tort et à travers), du moins des opéras qui méritent une prompte et complète découverte. Il faut dire que nous jouissons là d’une interprétation idéale. Commençons par Sandrine Piau, la « Dugazon d’aujourd’hui ». De nouveau, comme ce fut le cas dans son récent album consacré à Händel), on ne peut qu’admirer le charme qui se dégage d’une voix dont les aigus illustrent une facilité technique déconcertante (la reprise de « Del mio fido, che muore per me » dans La Clémence de Titus de Gluck) et une musicalité de tous les instants (son incarnation de Camille dans l’extrait de Camille ou le Souterrain de Nicolas Dalayrac). A ses côtés, Véronique Gens passe par tous les états de l’âme humaine (déploration puis emportements dans l’air tiré d’Ariane dans l’île de Naxos d’Edelmann), sachant derrière sa haute stature également incarner des personnages plus légers comme dans ce doux air de Rosette (L’Embarras des richesses de Grétry) où le violon solo vient de temps à autre se mêler à la voix, quand ce n’est pas la flûte qui pointe le bout de son nez.


Sur les onze numéros, trois duos seulement mais chacun mérite une écoute particulière tant l’alchimie entre les deux voix d’une part, entre les voix et l’orchestre d’autre part s’avère passionnante. Le duo Arsinda/Luceio (extrait de La Clémence de Scipion de Johann Christian Bach) est superbe, l’orchestre poussant les voix dans leurs derniers retranchements, la virtuosité innervant les derniers mots « Al mio barbaro penar ? ». Le duo de Démophon de Cherubini illustre le génie du compositeur, décidément à redécouvrir. Mais, surtout, quel duo que ce couple Camille/Adolphe (Camille ou le Souterrain de Dalayrac) ! Le début est marqué par un orchestre incroyable (les cordes !) avant que les deux voix de Sandrine Piau et de Véronique Gens ne s’entremêlent, jouant pourtant sur une même ligne vocale : qui est l’une ? Qui est l’autre ? se demande‑t‑on avant que le climat, inquiétant, dramatique, ne devienne finalement plus véhément.


Au soutien des deux chanteuses, l’excellent Concert de la Loge est dirigé avec une justesse constante par Julien Chauvin, qui ne laisse pas pour autant tomber son violon. Dès l’extrait de Monsigny, l’ensemble des musiciens font montre d’une ductilité extrême (les accents de l’orchestre, les interventions des flûtes, des cordes, des timbales même), sachant tout d’un coup tournoyer afin de mieux peindre les états d’âme de l’héroïne (les cors et les cordes dans l’air d’Edelmann) ou mettre en valeur qui le hautbois solo (l’air « Se mai senti » chanté par Sandrine Piau), qui l’ensemble des vents dans des couleurs très Sturm und Drang si l’on écoute cette fois-ci l’extrait de Fanny Morna de Persuis.


Bref, on l’aura compris : voilà un disque qui réjouira tout amateur de répertoire lyrique, servi par des musiciens et des chanteuses hors de pair. Chapeau bas !


Le site de Sandrine Piau
Le site de Véronique Gens
Le site du Concert de la Loge


Sébastien Gauthier

 

 

 

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