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12/18/2021
Nicolas Bacri :Quatuors à cordes n° 7 « Variations sérieuses », opus 101, n° 8 « Omaggio a Haydn », opus 112, et n° 9 « Canto di speranza », opus 140
Quatuor Psophos : Mathilde Borsarello Herrmann, Bleuenn Le Maître (violon), Cécile Grassi (alto), Guillaume Martigné (violoncelle)
Enregistré Salle Colonne, Paris (19-22 septembre 2020) – 59’14
Klarthe KLA113 – Notice en français et en anglais


Sélectionné par la rédaction





« Vous êtes en panne d’inspiration ? Eh bien, écrivez donc un quatuor ! » On connaît cette perfidie mais la réciproque est-elle vraie ? L’intensité de la production de quatuors contemporains signifie-t-elle que leurs compositeurs n’ont rien à dire ? Si certains ont négligé le genre ou presque (Boulez, Stockhausen, Kurtág, Nono, Lachenmann, Benjamin, Adès), d’autres se sont déchaînés (Britten, Tippett, Berio, Henze, Chostakovitch, Carter, Glass, Dusapin) en produisant souvent des œuvres marquantes. Sauf erreur, Pascal Dusapin, compositeur qui se perçoit pourtant comme lent, a par exemple déjà écrit sept quatuors. Evidemment, il a quelque chose à dire pour cette formation restreinte et contraignante et ce genre inventé il y a plus de deux siècles.


Nicolas Bacri (né en 1961) est quant à lui en passe de battre un record puisqu’il a déjà écrit onze quatuors... si l’on suit bien. Il ne s’est pourtant pas spécialisé dans ce format instrumental puisque son catalogue comprend plus de cent soixante numéros d’opus, ce qui est tout à fait considérable. Cette frénésie est-elle pour autant synonyme de vacuité artistique, de manque d’inspiration ? L’enregistrement des Septième à Neuvième Quatuors par le Quatuor Psophos, qui avait précédemment enregistré les Troisième à Sixième Quatuors, est l’occasion de faire le point.


Confirmant ses écrits – car le compositeur commente aussi beaucoup son art – ces quatuors veulent s’inscrire dans une continuité historique. Bacri, qui a connu et mal supporté les diktats postsériels, ne recherche pas la rupture à tout prix avec le monde tonal, récuse tout carcan esthétique et manifeste un immense respect pour ses devanciers, parmi lesquels il y a évidemment Haydn. Le Huitième Quatuor, présent sur ce disque, lui est d’ailleurs dédié. Ceci ne signifie pas que Bacri ignore l’Ecole de Vienne et le sérialisme dans une sorte d’attitude réactionnaire, de néo-classicisme. L’équilibre est son horizon esthétique. C’est ce que Bacri, conscient de son positionnement artistique, appelle son « classicisme intemporel ». Musicalement, cela se traduit ici par de multiples références et un recours à des formes du passé bien caractérisées (adagio, passacaille, chaconne, sarabande, fugue, aria...) mais pas du tout comme Berg a pu le faire dans Wozzeck. La concision n’est pas son affaire. La contrainte stimulante ne résulte pas des douze sons mais des formes classiques et de la seule présence des quatre instruments à cordes.


Le Septième Quatuor, figurant en dernier dans le présent enregistrement, commandé par le Concours international de quatuors à cordes de Bordeaux de 2007 (voir ici) et qui, comme les autres, comporte un titre (« Variations sérieuses »), est par exemple d’une belle écriture contrapuntique. Il se veut un vibrant hommage au compositeur Robert Simpson, auteur de quinze quatuors et que Bacri considère comme injustement méconnu. De couleurs sombres, il nous fait penser, peut-être à tort, au premier Schönberg.


Le Huitième Quatuor, commandé par ProQuartet, cite carrément et largement quant à lui des thèmes de l’Opus 103 de Haydn dans son deuxième et son dernier mouvements, avant quelques variations, assez brillantes au demeurant. Il a été écrit en songeant à Haydn mais aussi au compositeur David Matthews, signataire pour sa part de onze quatuors. L’œuvre est autant dense que tendue à l’extrême et on peut être sensible à son beau cantabile. Rien à dire, tout cela est encore une fois parfaitement composé. Mais où sont les surprises ? On fait face à une écriture sans grande aspérité ni personnalité et l’ennui pourrait guetter si l’on n’y prenait garde. On est assez loin du travail de Gérard Pesson autour de Bruckner par exemple. C’est comme si la culture musicale de Bacri, immense, boulimique, l’écrasait.


Le Neuvième Quatuor, le premier du disque, commandé par le festival de quatuor à cordes de Tournai « Voix intimes » et la Communauté française de Belgique et datant de 2015, relève du même esprit même s’il est le plus dramatique de la série. On ne reprendra pas ici son descriptif complet, bloc de mesures par bloc de mesures, présenté dans la notice par Bacri lui-même. Indiquons simplement que le compositeur mentionne à son propos un nombre impressionnant d’auteurs de quatuors auxquels il entend ici se rattacher, au sein d’une « tradition qui remonte aux sources du classicisme », mais il n’évoque nullement, ne serait-ce que pour s’en distinguer, le Canto di speranza (1952) de Bernd Alois Zimmermann, qui porte pourtant exactement le même titre. Il est vrai que l’œuvre du compositeur allemand est une cantate (sans voix) et relève d’un tout autre univers, sériel, plus angoissant, varié et dominé par le rythme des percussions. Mais c’est quand même un peu gênant car rien n’indique que Bacri se soit aussi inspiré du poème éponyme d’Ezra Pound. Quoi qu’il en soit, convenons que son œuvre est un chant continu assez prenant, d’un lyrisme lorgnant du côté de La Nuit transfigurée de Schönberg même si ce regard tourné vers le passé, marque d’un esprit libre, peut paraître excessif.


L’ensemble est en tout cas interprété par un superbe Quatuor Psophos. Son respect, sa pudeur, sa clarté, sa délicatesse forcent l’admiration. Point d’audace au total mais de la belle ouvrage du côté du compositeur comme des interprètes, ainsi en parfaite symbiose, et un disque tout à fait intéressant même si le parcours esthétique de Bacri peut laisser songeur.


Le site de Nicolas Bacri
Le site du Quatuor Psophos


Stéphane Guy

 

 

 

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