|
Back
12/06/2021
Karlheinz Stockhausen : Mantra
Jean-Frédéric Neuburger, Jean-François Heisser (piano), Serge Lemouton (électronique)
Enregistré au Conservatoire de Puteaux (12-16 décembre 2020) – 68’
Mirare MIR518 – Notice en français, anglais et allemand
 Must de ConcertoNet
Jean-François Heisser et son ancien élève Jean-Frédéric Neuburger étrennaient au concert Mantra (1970) de Karlheinz Stockhausen (1928-2007) depuis quelque temps. A l’occasion du cinquantenaire de l’œuvre, ils ont souhaité en réaliser un nouvel enregistrement, le premier par des interprètes français. Ils ont bien fait. Ce qui frappe dans leur interprétation de cette fresque géniale, visionnaire, de plus d’une heure, à l’imagination débridée, c’est l’extrême clarté du discours et le parfait équilibre entre les deux pianos. Cette lecture, française pourrait-on dire, est naturellement le fruit d’une entente parfaite des deux pianistes, qui se connaissent de longue date et ont une commune vision des choses, mais aussi et surtout entre eux et Serge Lemouton, réalisateur en informatique musicale à l’Ircam, en charge du traitement du son par des modulateurs. Le rôle de ce traitement est absolument fondamental ; il contribue ici largement à la réussite globale. On entend des pianos. La transformation de leur son, en temps réel et non a posteriori, ne les écrase pas, ne les rend pas méconnaissables. On n’a pas affaire à des lions rugissant dans des cavernes.
On sent par ailleurs que les pianistes prennent plaisir à jouer cette musique, à ces joutes permanentes, presque infantiles, à ces chamailleries et à ces jeux sonores où l’humour, comme dans d’autres œuvres de Stockhausen (Hymnen, Stimmung par exemple), est loin d’être absent. Cela pétille sans être assourdissant et Mantra reste une œuvre, grâce à ces artistes, incroyablement vivante. Certains aspects rappellent évidemment les années soixante-dix et sa mode des mystiques indiennes (onomatopées, cymbales, clochettes tibétaines) mais le présent enregistrement montre que l’œuvre n’a finalement pas vieilli. D’autres œuvres, à peu près de la même époque, mêlent aussi piano et traitement informatique (.....sofferte onde serene... de Luigi Nono par exemple, œuvre aussi puissante mais à la limite du sinistre). Toutefois, c’est Mantra qu’il faut retenir. L’engagement, le goût devrait-on dire, de Jean-François Heisser et de Jean-Frédéric Neuburger en révèle toute sa splendeur comme son côté jubilatoire pour ne pas dire jouissif. Le disque est ainsi hautement recommandable.
On relèvera que la notice comprend une brève analyse musicologique signée d’un admirateur et continuateur de Stockhausen, Philippe Manoury. Il y reconnaît sa dette envers le maître allemand, pionnier de l’utilisation de l’informatique dans la composition musicale.
Stéphane Guy
|
