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12/05/2021 Antonio Vivaldi et al. : Argippo, RV Anh. 137 Emőke Baráth (Argippo), Marie Lys (Osira), Delphine Galou (Zanaida), Marianna Pizzolato (Silvero), Luigi De Donato (Tisifaro), Europa Galante, Fabio Biondi (direction)
Enregistré à Sala Ghislieri (Mondovi) du 5 au 8 octobre 2019 – 122’38
Album de deux disques Naïve OP 7079 (« Vivaldi Edition » vol. 64) – Notice (en français, anglais, italien et allemand) de Reinhard Strohm
« Concerti per violino IX ‘Le nuove vie’ »
Antonio Vivaldi : Concertos pour violon en fa majeur, RV 283, en si bémol majeur, RV 365, en do majeur, RV 194, en ré majeur, RV 211, en la majeur, RV 346, et en mi mineur, RV 281
Boris Begelman (violon), Concerto Italiano, Rinaldo Alessandrini (clavecin et direction)
Enregistré à Lonigo (août 2020) – 73’16
Naïve OP 7258 (« Vivaldi Edition » vol. 67) – Notice (en français, anglais, italien et allemand) de Cesare Fertonani
« Cantate per soprano I »
Antonio Vivaldi : Cantates « Allor che lo sguardo », RV 650, « Aure, vol più non siete », RV 652, « Tra l’erbe i zeffiri », RV 669, « Sorge vermiglia in ciel la bella Aurora », RV 667, « La farfalletta s’aggira al lume », RV 660, et « Si levi dal pensier », RV 665
Arianna Vendittelli (soprano), Abchordis Ensemble, Andrea Buccarella (clavecin et direction)
Enregistré à la Sala Ghislieri, Mondovi (3-6 juillet 2020) – 62’40
Naïve OP 7257 (« Vivaldi Edition » vol. 68) – Notice (en français, anglais, italien et allemand) de Cesare Fertonani
L’Edition Vivaldi proposée par Naïve se poursuit avec régularité et nous offre ici trois aspects fort différents de l’œuvre de ce cher Antonio puisque nous découvrons ainsi un opéra (un pasticcio), des concertos pour violon et enfin des cantates, dont on ne peut dire que les uns et les autres soient souvent enregistrés. Quelle aubaine donc pour l’amateur de cette musique baroque souvent chatoyante qui trouve ici, comme dans l’entière collection d’ailleurs, des interprètes de tout premier plan !
Commençons donc par Argippo qui, de par sa nature même, est sans doute le moins authentiquement « vivaldien » des trois volumes présentés ici. Car l’Argippo que nous entendons ici n’est pas un opéra authentique (il y en bien eu un, composé par Vivaldi en 1730 mais la partition est perdue en très grande partie) mais un pasticcio dû à la plume d’Antonio Denzio, ancien ténor ayant chanté plusieurs rôles d’opéras de Vivaldi sous la direction de celui-ci, qui a réuni plusieurs airs de divers opéras et de divers compositeurs pour les assembler dans cette histoire d’amour qui se déroule en Inde, attirance à l’époque pour l’exotisme oblige. Fabio Biondi relève donc le défi de cet assemblage et, avouons-le, il le fait avec un indéniable brio. Car, même si, pour reprendre une célèbre publicité pour une bière qui n’en était pas une, cet opéra a le goût de Vivaldi, sonne comme du Vivaldi, reprend des thématiques chères à Vivaldi bien qu’il ne soit donc pas de la plume du célèbre compositeur. Il faut dire que l’équipe est irréprochable, à commencer par la soprano hongroise Emőke Baráth qui tient le rôle-titre et qui, en dépit de quelques aigus un rien arrachés dans l’air d’une incroyable virtuosité « Anche in mezzo a perigliosa » (scène 4 de l’acte I), nous délivre sans doute le sommet de cet opéra avec l’air « Vi sarà stella clemente » (acte III, scène 3) dans lequel la voix s’épanouit pleinement, se reposant pour l’occasion sur une psalmodie orchestrale de toute beauté. Comment également ne pas passer sous silence la prestation de Delphine Galou qui campe une Zanaida haute en couleur et forte en tempérament : elle nous emporte dès son premier air « Se lento encora il fulmine » à l’acte I mais écoutez également le superbe « Che granpena trafigge il mio core » (acte II), dialoguant pour l’occasion avec un orchestre tout en finesse. Dans le rôle d’Osira, Marie Lys incarne une héroïne pleine de fraîcheur (quel air que ce « Qual disarmata nave » au premier acte !) tandis que Marianna Pizzolato joue honnêtement le personnage de Silvero, se situant néanmoins sans doute un peu en deçà de ses consœurs. S’il est la seule voix masculine de cet opéra, Luigi De Donato s’affirme en revanche comme l’une des plus belles découvertes de ce disque dans le rôle de Tisifaro : voix chaude, ambitus appréciable, projection aisée, tout concourt à en faire une vedette dans cet opéra où il est à la fois père aimant (Zanaida est sa fille...) et roi cruel, justement par amour pour sa fille. Côté orchestre, Fabio Biondi dirige son Europe Galante avec le professionnalisme et la sûreté qu’on lui connaît, se payant le luxe lorsque la partition le requiert de rappeler à qui l’aurait oublié ses talents de violoniste en accompagnant Silvero dans l’air « Se la bella tortorella » (acte III, scène 5). Alors, certes, ce n’est pas vraiment du Vivaldi puisque, à côté de quelques passages composés par le Prêtre roux, on croise surtout au fil des airs les noms de Galeazzi, Pescetti, Hasse ou Porpora, mais le plaisir qui ressort de notre écoute n’en est en rien émoussé. Une belle découverte !
On connaît la fameuse boutade suivant laquelle Vivaldi aurait certes composé de très nombreux concertos mais, en réalité, il aurait composé quatre cents fois le même... Boutade que les admirateurs de Vivaldi (et nous en sommes !) ne cessent de réfuter mais qui, en l’espèce, nous semble tout de même avoir un petit fond de vérité. Ce n’est d’ailleurs peut-être pas tout à fait un hasard si aucun des six concertos présentés ici ne possède de surnom ou si aucun d’entre eux n’est cité dans l’ouvrage de référence que Sylvie Mamy a consacré à Vivaldi (édité chez Fayard et que nous avons plusieurs fois exploité dans ces colonnes). Certes, chaque concerto présenté ici s’écoute avec plaisir mais sans doute plus distraitement que beaucoup d’autres. La faute peut-être au jeu de Boris Begelman, actuel premier violon solo du Concerto Italiano (mobilisé ici sous la direction ce son chef Rinaldo Alessandrini), qui est certes impeccable du point de vue technique (l’Allegro concluant le Concerto RV 283 ou l’Allegro ma poco ouvrant le Concerto RV 194 par exemple) mais qui ne fait guère preuve d’imagination. De fait, les mouvements se ressemblent, les appogiatures tombent là où on les attend, les contrastes de nuances se succèdent presqu’avec régularité : un comble pour un compositeur dont on ne peut au contraire que louer l’imagination ainsi que le sens de la surprise et de l’inattendu ! On a ainsi droit, outre aux sonorités reconnaissables entre toutes du Prêtre roux, à certaines fins de phrases fort sages et même convenues (l’Allegro poco du Concerto RV 365), à des oppositions assez habituelles entre la retenue de l’orchestre et les volutes sans ostentation du soliste (le Largo e spiccato du Concerto RV 283) et au jeu bien connu des questions-réponses entre le violon et les cordes de l’orchestre, ce dernier étant parfois cantonné à un simple rôle de faire valoir. Pour autant, on admire encore une fois le jeu sans faille de Boris Begelman où la finesse (quels aigus parfois !) le dispute à une virtuosité que rien ne semble pouvoir arrêter à l’image de cet Allegro non molto inaugurant le Concerto RV 211. De son côté, Rinaldo Alessandrini, qui connaît Vivaldi comme sa poche, joue sur les éclairages mordorés, nimbant l’ensemble dans des couleurs pastel qu’on aurait parfois aimé plus franches voire débridées à l’instar d’un Allegro molto bien trop maîtrisé dans le Concerto RV 346.
Comme l’indiquent aussi bien la notice d’accompagnement du disque que les spécialistes de la musique de Vivaldi (en premier lieu Sylvie Mamy, dans son livre déjà cité, en l’espèce aux pages 272 et suivantes), les cantates ne figurent guère parmi les compositions les plus connues du Prêtre roux. De format assez intimiste (un chanteur et quelques instruments, souvent seulement un violoncelle et un clavecin), la cantate, destinée à être interprétée dans un lieu privé (palais, salon...), joue à l’époque sur l’exaltation des sentiments et les louanges adressées, sous couvert de quelque dieu ou nymphe, aux commanditaires. Dans ce disque, Arianna Vendittelli nous permet ainsi d’écouter six cantates composées par Vivaldi à l’époque où il séjournait à Mantoue. Quatre comportent trois mouvements, deux en comptent quatre ; ceux-ci sont relativement brefs, hormis deux airs dans les Cantates RV 660 et RV 667, qui dépassent tout de même les 6 minutes. La soprano est excellente dans chacune des six œuvres, faisant montre d’une agilité vocale indéniable (l’air « Ardi, svena, impiaga, atterra » tiré de la Cantate RV 667, soutenu d’ailleurs par une basse continue fort véhémente) mais sachant également distiller toute la délicatesse de cette musique à travers des aigus étincelants (l’air « Vedrò con nero velo » concluant la Cantate RV 660), parfois un rien stridents (à 2’, lors de la reprise des mots « che l’ingrata... » dans l’air « Nasce il sole ed io sospiro » de la Cantate RV 667), ou un souffle qui nous porte et nous transporte durant quelques minutes que l’on trouvera ainsi bien trop brèves. Précisons à ce titre que la réussite d’Arianna Vendittelli tient également à son investissement dans les récitatifs, qui méritent également, de manière générale (et, avouons que, sans citer de nom, ce n’est pas toujours le cas), que le chanteur leur porte attention alors qu’ils sont parfois trop négligés au profit des seuls airs. Mais, si la voix est bien entendu essentielle, la réussite de ce disque doit également beaucoup à l’Ensemble Abchordis dirigé du clavecin par Andrea Buccarella. Le violoncelle et l’orgue traduisent ainsi avec une formidable justesse les ondulations de l’eau léchant les berges de Venise dans le très bel air « Ti confido il pianto mio » (Cantate RV 652) tandis que le basson sait se montrer truculent (l’air « Tra l’erbe i zeffiri » dans la Cantate RV 669) et le clavecin brillant mais sans distraire l’auditeur de la voix qui demeure l’essentiel (le passage « La farfalletta s’aggira al lume » dans la Cantate RV 660). On l’aura compris : superbe disque dont on attend avec impatience la suite par les mêmes interprètes !
Le site d’Emőke Baráth
Le site de Marie Lys
Le site de Fabio Biondi et de l’ensemble Europa Galante
Le site de Boris Begelman
Le site d’Arianna Vendittelli
Le site de l’Ensemble Abchordis
Sébastien Gauthier
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