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12/02/2021 « J’ouïs »
Fausto Romitelli : Domeniche alla periferia dell’impero : « Prima domenica » et « Seconda domenica : Omaggio a Gérard Grisey »
Gérard Grisey :Talea
Yann Robin : Fterà II
Tristan Murail : Treize couleurs du soleil couchant
Franck Bedrossian : The Spider as an Artist Multilatérale : Matteo Cesari (flûte), Bogdan Sydorenko (clarinette), Pieter Jansen (violon), Pablo Tognan (violoncelle), Lise Baudouin (piano), Léo Warynski (direction)
Enregistré à l’Auditorium Edgar Varèse, Gennevilliers (9-11 juin 2019) – 59’52
L’empreinte digitale ED13260 – Notice en français et anglais
Sélectionné par la rédaction
Sous le titre « J’ouïs », qui ne fait probablement pas partie des meilleurs, l’ensemble Multilatérale, dédié à la création, présente sous la houlette de son directeur musical, Léo Warynski, six œuvres de cinq compositeurs se rattachant plus ou moins au courant spectral.
Le disque comprend deux pièces de Fausto Romitelli (1963-2004), un compositeur trop tôt disparu, influencé par Boulez, Stockhausen et Grisey mais sachant jeter des ponts du côté de la musique rock. Ici, dans les deux Dimanches à la périphérie de l’empire (quel titre, lui, magnifique !), ce n’est pas vraiment le cas (contrairement à Amok Koma où le psychédélique rencontre Messiaen par exemple). Dans la première pièce, écrite pour quatre instrumentistes comme la suivante, on a l’impression d’entendre sur un fond sombre et dense comme une forêt les animaux de la nuit avec une économie de moyens remarquable. Dans la seconde, de la même veine et en hommage à Grisey justement, les sons paraissent plus distendus, comme étirés, dans une lecture moins large, moins affirmée, plus abstraite peut-être, que celle que proposait il y a peu l’ensemble Musiques Nouvelles (chez Cypres).
De Gérard Grisey (1946-1998), père de la musique spectrale, il est proposé une fort belle pièce, la plus longue du disque, Talea, où le piano a des accès de colère que les flûte, clarinette, violon et violoncelle ne parviennent pas à calmer avant de s’enlacer sur la fin.
Avec Fterà II de Yann Robin (né en 1974), c’est un feu d’artifice, les couleurs sonores étant branchées sur de la haute tension, le violoncelliste de son côté frottant les cordes de son instrument le plus lentement possible. On reste impressionné par l’imagination débordante du compositeur.
De Tristan Murail (né en 1947), autre père de la musique spectrale, l’ensemble Multilatérale interprète Treize couleurs du soleil couchant où l’on passe insensiblement d’un instrument à l’autre dans un univers parfois proche du tintinnabulisme et jouant beaucoup sur les résonances informatisées.
On est moins intéressé par The Spider as an Artist, pièce pour violoncelle seul de Franck Bedrossian (né en 1971), compositeur formé par Grisey, Murail et, on ne s’en étonnera pas, Lachenmann. C’est de surcroît enregistré de très près, ce qui peut indisposer tant l’instrument paraît martyrisé et crisse quasiment en permanence.
Nonobstant un texte boursoufflé et peu informatif de l’écrivain Yannick Haenel censé relater ses impressions à l’écoute des plages successives du disque mais qui évoque la pièce de Yann Robin à la fin alors qu’elle suit celle de Grisey, le disque est assez captivant même s’il paraît quand même réservé aux curieux de la musique spectrale, du son sculpté. Il démontre que l’expérimental ne s’oppose pas forcément à la séduction.
Le site de l’ensemble Multilatérale
Stéphane Guy
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