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08/21/2021
Alexandre Dratwicki: Bons baisers de Rome – Les compositeurs à la Villa Médicis (1804-1914)
Actes Sud/Palazzetto Bru Zane – 640 pages – 45 euros


Must de ConcertoNet




En 2012, un monumental ouvrage collectif, coordonné par Alexandre Dratwicki et Julia Lu, abordait, sur neuf cents pages, le Concours du prix de Rome de musique. Nous espérions la publication d’un second volume pour en savoir davantage sur le séjour à la Villa Médicis et les «envois de Rome». Le voici, presque aussi volumineux, rédigé seul, mais avec autant de rigueur et de limpidité, par le directeur artistique du Palazzetto Bru Zane. L’attente en valait la peine. L’auteur approfondit le sujet sans rien omettre d’important et nous régale même d’anecdotes qui en rendent la lecture aussi instructive que plaisante. Ne vous arrêtez pas à ce titre glamour. C’est que ce livre comporte, en effet, maints extraits de lettres, rapports et autres missives rédigés par les compositeurs en résidence, mais aussi les directeurs et les membres de l’Institut, autant de témoignages éclairants et touchants.


La matière se révèle particulièrement vaste. Alexandre Dratwicki commence par le déroulement du voyage de Paris à Rome, dans des conditions évidemment toutes autres que celles d’aujourd’hui, un tel voyage s’apparentant au dix-neuvième siècle à une véritable aventure humaine et matérielle. Il relate aussi avec minutie la vie quotidienne des pensionnaires, riche d’habitudes et de traditions, évoque les membres du personnel de la Villa Médicis et dévoile le bienveillant bizutage auquel furent soumis les nouveaux récipiendaires du prix à leur arrivée. Reproductions à l’appui des principales pièces de la Villa, nous imaginons sans peine ce que représentait ce séjour. L’auteur dresse également le portrait des directeurs, certains sévères et distants, d’autres plus conciliants et fraternels.


Autre partie importante, celle consacrée aux «envois de Rome», ces pièces que les compositeurs étaient tenus d’écrire et d’adresser pour évaluation durant leur séjour, en plus d’effectuer des travaux, assez souvent négligés du reste, qui relevaient plutôt de la musicologie. L’Académie des Beaux-Arts remettait en retour des rapports avec une appréciation des compositions fournies, leurs membres se montrant souvent assez sévères, ce qui suscitait colère, frustration et même sarcasmes chez ces jeunes gens ainsi rappelés à leurs études. Les rapports pointaient sans ménagement des progrès à accomplir et des mauvaises manières à abandonner. Avec le temps, au même titre que le règlement, le langage musical évoluait, bien qu’il convînt de tempérer ses audaces, comme le démontre clairement Dratwicki qui passe ainsi en revue les différents genres abordés. Pour déceler les sources d’inspiration, cet infatigable musicologue a pris la peine d’éplucher les registres de la bibliothèque pour identifier les ouvrages empruntés et comprendre les sources d’inspiration – cet inventaire est reproduit en annexe.


Les compositeurs entretenaient assez souvent une relation d’amour et haine avec Rome à une époque où Paris fut une capitale musicale autrement plus importante. A distance, ils exerçaient certes leur métier, mais ils ne pouvaient guère facilement établir les relations nécessaires pour se faire connaître et apprécier sur la scène musicale parisienne. Malgré la beauté de la Villa Médicis, ils souffraient ainsi de devoir s’en tenir éloignés. A leur retour, nombre d’entre eux disparaissaient d’ailleurs dans l’oubli ou occupaient des fonctions administratives. Mais les compositeurs tentaient de tirer profit de leur séjour pour partir sous autorisation à la découverte de la péninsule, en franchissaient même à l’occasion les frontières pour s’abreuver de musique sur des terres plus fertiles comme l’Allemagne. L’ouvrage éclaire aussi sur les différents tempéraments des pensionnaires, parfois remis à l’ordre. Si certains respectaient studieusement leurs obligations, d’autres, plus rebelles, s’écartaient fâcheusement du droit chemin – que de différences entre la sagesse et la lucidité d’un Rabaud, l’enthousiasme et la discipline d’un Pierné, l’insolence et l’indépendance d’un Charpentier.


Les annexes abondent: liste des pensionnaires, des envois, des œuvres jouées lors des séances publiques de l’Académie des Beaux-Arts pendant lesquelles furent exécutées les cantates primées, entre autres. Les amateurs de musique française soucieux de comprendre pour mieux aimer se précipiteront sur ce livre majeur qui restera probablement inégalé pendant longtemps.


Sébastien Foucart

 

 

 

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