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04/25/2021
«Beyond the Limits»
Carl Philipp Emanuel Bach : Les symphonies pour cordes
Gli Incogniti, Amandine Beyer (violon solo et direction)
Enregistré au théâtre d’Arras (novembre 2019) – 71’02
Harmonia Mundi HMM 905321 – Notice (en français, anglais et allemand) d’Amandine Beyer, Baldomero Barciela et Olivier Fourés
 Sélectionné par la rédaction
On a l’habitude d’associer à l’ensemble Gli Incogniti la musique italienne: on aurait tort de l’y cantonner, ce disque en apportant une nouvelle et éclatante preuve puisque ses membres, toujours sous la houlette d’Amandine Beyer, nous offrent une intégrale des symphonies pour cordes de Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788), à savoir les symphonies numérotées Wq. 182/1 à 182/6 (soit H. 657 à H. 662) et la Symphonie Wq. 177 (H. 652), selon que l’on se réfère au catalogue établi en 1905 par Alfred Wotquenne (Wq.) ou à celui d’Eugene Helm (H.), en 1989.
Fruit d’une commande du bien connu diplomate et mécène Gottfried van Swieten, ces six symphonies (attachons-nous tout d’abord aux œuvres 182/1 à 6) datent de 1773 et avaient, dès l’époque de leur création, soulevé l’enthousiasme: «Jamais sans doute un esprit génial n’a produit une musique témoignant de tant de grandeur, de hardiesse et d’humour» écrivait Reichardt en 1814 (cité par Marc Vignal dans son indispensable ouvrage Les Fils Bach, Fayard, octobre 2006, p. 323). Comme on pouvait s’y attendre avec Gli Incogniti, connaissant le fort tempérament de ses musiciens (citons notamment Amandine Beyer ou Alba Roca au violon sans oublier le toujours excellent Marco Ceccato au violoncelle ou la tempétueuse Anna Fontana au clavecin), voilà une intégrale haute en couleur qui illustre magnifiquement le style de Carl Philipp Emanuel Bach, plus tout à fait baroque mais, à maints égards, pas encore pleinement classique, ayant de fait développé un style propre que l’on reconnaît assez facilement au travers de ses diverses compositions.
Ce qui frappe avant tout dans cette interprétation, c’est la fluidité du discours et une vivacité qui exclut par ailleurs la moindre sécheresse (l’Allegro di molto de la Sinfonia Wq. 182/1), les violons enlevant chaque mouvement comme un seul homme et poussant de fait les autres membres de l’ensemble dans leurs derniers retranchements. Si l’attention portée aux contrastes mélodiques est assez remarquable (le deuxième mouvement de la Sinfonia Wq. 182/1 par exemple), c’est surtout dans les contrastes rythmiques que l’on est pleinement séduit: qu’il s’agisse de l’Allegro spirituoso de la Sinfonia Wq. 182/6 ou de l’Allegro di molto débutant la Sinfonia Wq. 182/2, on est saisi par ces bourrasques où le jeu des archets fait littéralement merveille. Les volutes confiées aux violons se doublent d’échanges truculents avec les altos ou les violoncelles, conférant à certains mouvements un caractère de véritable dentelle musicale: à cet égard, l’Allegro ma non troppo débutant la Sinfonia Wq. 182/4 est un modèle du genre! Au-delà des traits techniques des mouvements rapides, Gli Incogniti sait également donner toute leur profondeur aux mouvements lents dont certains sont à remarquer soit par leurs accents presque inquiétants, voire lugubres (l’Adagio de la Sinfonia Wq. 182/3), soit par le jeu entre musiciens à l’image du très beau Poco adagio de la Sinfonia Wq. 182/2. En complément des six symphonies pour cordes, Gli Incogniti nous gratifie de cette Sinfonia Wq. 177 dont l’énergie sourde du premier mouvement – quel jeu chez Anna Fontana au clavecin! – nous convainc totalement.
A n’en pas douter, et quand bien même on posséderait quelques symphonies jouées sous la houlette d’Ophélie Gaillard (Aparte) ou de Gustav Leonhardt (Virgin Veritas), entre autres, voici sans doute désormais une des références incontestables de ces petits bijoux dont on ne cesse décidément de redécouvrir les éclats.
Le site de l’ensemble Gli Incogniti
Sébastien Gauthier
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