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03/22/2021 Franz Lehár : Cloclo (version Jenny W. Gregor) Sieglinde Feldhofer (Cloclo Mustache), Gerd Vogel (Severin Cornichon), Susanna Hirschler (Melousine) Ricardo Frenzel Baudisch (Chablis), Daniel Jenz (Maxime de la Vallé), Matthias Störmer (Petipouf), Frank Voss (Narrateur), Chor des Lehár Festivals Bad Ischl, Gerald Krammer (chef de chœur), Franz Lehár-Orchester, Marius Burkert (direction)
Enregistré en public à Bad Ischl (9-11 août 2019) – 122’18
Album de deux disques CPO 777 708–2
Sélectionné par la rédaction
Cloclo marque pour Lehár en 1924 un retour à une opérette plus légère, plus proche du divertissement populaire que de l’opérette à grand spectacle qu’il avait pratiquée jusqu’alors, et un pendant comique à Paganini, qu’il composait pour Richard Tauber en même temps.
Grand succès national à sa création au Wiener Bürgertheater, puis international, Cloclo, qui devint un temps Clo-Clo puis Lolotte, a même fait l’objet en 1935 d’un film de Victor Tourjanski sous le titre Die ganze Welt dreht sich um Liebe, avec Martha Eggerth et Leo Slezak. Elle disparut complètement des scènes après la Seconde Guerre mondiale, avant une renaissance au Théâtre d’Etat de l’opérette de Dresde en 1971 puis une traduction anglaise en 2018 au Light Opera Festival de Wooster (Ohio) dont un DVD BR-Klassik est le témoin. Cette première version sur CD a été enregistrée en public en 2019 au Festival Lehár de Bad Ischl.
Le livret de Béla Jenbach, d’après la pièce Der Schrei nach dem Kind d’Alexander Engel et Julius Horst, est une bouffonnerie totale, une cascade d’invraisemblances avec une intrigue très mince mais le tout fonctionne à merveille. Cloclo Mustache est une danseuse de revue montmartroise fauchée qui fréquente le grand monde. Son cœur balance entre le jeune Maxime de la Vallé et Severin Cornichon, maire de Perpignan, son protecteur qu’elle appelle Papa, source d’un quiproquo quand Melousine, l’épouse du maire, croit qu’elle est sa fille illégitime et, dans un formidable élan du cœur, l’invite à rejoindre la cellule familiale à Perpignan. Ce qu’elle accepte d’autant plus volontiers qu’elle est recherchée pour avoir giflé un agent de police. L’exil en province est encore plus cocasse, avec emprisonnement, adoption, libération et un happy end du plus parfait burlesque.
Il s’agit d’une opérette «de chambre» avec peu de personnages, peu de chœurs, pas de numéro de music-hall et quelques innovations dans l’écriture orchestrale, un blues, un tango et, avec pour quelques numéros, célesta, banjo et saxophone, instruments jamais alors utilisés par Lehár. L’ensemble culmine sur le foxtrot «J’ai lu La Garçonne», allusion à un roman sulfureux de Victor Margueritte (1922) immortalisé par Edith Piaf dans une chanson du film La Garçonne en 1936.
Si l’on en juge par les rires du public de Bad Ischl, l’effet comique l’emporte sur le reste. L’interprétation musicale est irréprochable avec, sous la direction du chef autrichien Marius Burkert, les musiciens et choristes de ce festival d’opérette autrichien qui se tient annuellement dans la ville de cure où Lehár s’était retiré. Dans le rôle-titre, Sieglinde Feldhofer est épatante de sensualité et vitalité. On aurait rêvé un interprète moins routinier pour Severin que le baryton Gerd Vogel et pour Melousine une voix plus agile que celle de Susanna Hirschler. Les deux ténors, Ricardo Frenzel Baudisch, Maxime, et Daniel Jenz, Chablis – le professeur de piano chargé de l’éducation de Cloclo devenue Babette à Perpignan (qui, au passage, ressort supplémentaire, s’entiche de son élève) – sont parfaits dans leurs rôles. Le comédien Frank Voss assure la partie du narrateur, qui fait avec talent avancer l’action.
Un titre de plus à la collection de raretés de l’opérette viennoise de l’éditeur CPO, dont la notice (hormis le résumé très sommaire) est très soignée, avec un long texte musicologique de Stefan Frey (en allemand et en anglais), qui vient de signer avec Franz Lehár, le dernier roi de l’opérette (Böhlau) une nouvelle biographie de Lehár.
Olivier Brunel
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