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02/20/2021
«Arianna»
Alessandro Scarlatti : L’Arianna (Ebra d’amor fuggia), H. 242
Georg Friedrich Händel : Ah! crudel, nel pianto mio, HWV 78
Joseph Haydn : Arianna a Naxos, Hob. XXVIb:2

Kate Lindsey (mezzo-soprano), Arcangelo, Jonathan Cohen (clavecin, orgue et direction)
Enregistré en l’église Saint Augustin de Londres en août 2019 – 72’13
Alpha 576 (distribué par Outhere Music) – Notice (en anglais, français et allemand) de Kate Lindsey et James Halliday et traduction des textes chantés


Sélectionné par la rédaction





Avouons-le d’emblée: cet album ne semblait devoir faire l’objet que d’une «brève», pour en souligner certes les qualités mais sans pour autant s’y arrêter trop longtemps. Or, au fil des écoutes et des réécoutes, il nous a semblé impossible de ne pas y consacrer un compte rendu complet, tant ce récital consacré au mythe d’Ariane nous a enthousiasmé.


De la tragédie en musique de Marin Marais (Ariane et Bacchus en 1696) à l’Ariane consolée par Bacchus de François Couperin en passant par l’Arianna (1608) de Claudio Monteverdi (dont seul le célèbre «Lamento» subsiste, une recréation due à l’anglais Alexander Goehr étant néanmoins parue en 1994) et, bien sûr, le célèbre opéra Ariane à Naxos de Richard Strauss, le mythe d’Ariane n’a cessé d’inspirer opéras, cantates et airs les plus divers. Ici, Jonathan Cohen a choisi de nous faire entendre trois cantates, dont deux datant vraisemblablement de la même année 1707 et qui, chacune à travers une appréhension propre de l’héroïne, nous brossent un personnage complexe, tourmenté, en proie aux pensées les plus diverses, la rage d’être délaissée succédant à la tristesse d’avoir perdu son amour. Le résultat est superbe.


Commençons par le compositeur le plus ancien: Alessandro Scarlatti (1660-1725) qui nous livre là une œuvre de premier plan. Après une introduction orchestrale assez longue où s’illustrent d’emblée violons et basse continue assez vif-argent, Ariane apparaît: le premier air décrit l’héroïne qui fait part de sa passion à celui qu’elle aime et qui ne l’a pas encore abandonnée. La mezzo américaine Kate Lindsey est impeccable, les violons répondant avec la même finesse à son chant qui se pare d’une grande délicatesse. A la tout aussi grande sensibilité de l’air «Stinga si dolce nodo ardente amore» succède au contraire un passage fort véhément, «Ingoiatelo, laceratelo», trahissant cette fois-ci la colère de l’héroïne livrée à son seul sort: quelle agilité vocale, quelle rage dans le chant, quelles cordes fébriles pour l’accompagner! Scarlatti aurait pu arrêter là son œuvre, mais non: il préfère la conclure par un air, sans doute le sommet de cette cantate, «Stuggiti, o core, in pianto», où Kate Lindsey se veut beaucoup plus plaintive, le temps qu’elle prend pour déclamer sa douleur répondant alors parfaitement à la longueur d’archet des cordes, qui s’accordent elles aussi un répit, après être passées par les affres de l’amour bafoué.


En cette même année, donc, le jeune Händel, qui est alors à Rome, compose sa cantate Ah! crudel, nel pianto mio qui dépeint cette fois-ci non pas Ariane en tant que telle, mais un amant abandonné, qui pourrait en fait être n’importe quel héros ou héroïne laissé par celui ou celle avec lequel il ou elle pensait finir ses jours. La force dramatique de l’œuvre, qui sera en grande partie recyclée dans l’opéra Agrippina, est à rapprocher d’autres cantates de la même époque où le jeune Saxon s’attachait à des femmes de caractère: on pense notamment aux cantates Agrippina condotta a morire, Armida abbandonata ou La Lucrezia. Ici, après une introduction purement instrumentale en trois temps où brille le hautbois (on pense tout de suite au début de La Résurrection), le génie de Händel explose dès le premier air, «Ah! crudel, nel pianto mio», que Lindsey et Cohen pourraient presque nous faire passer pour être un des tout premiers chefs-d’œuvre de Händel. La gravité de l’air, doublé d’une forte scansion instrumentale, met ici en valeur toute l’étendue vocale de la mezzo, passant sans aucune difficulté d’aigus très purs au medium, voire au bas medium, dans un registre toujours parfaitement rendu. La suite est tout aussi enthousiasmante, culminant dans un duo entre voix et hautbois extrêmement bien fait, le tout au milieu des couleurs händeliennes si facilement reconnaissables.


Plus étonnante est enfin cette cantate de Haydn, orchestrée ici par Sigismund Neukomm (1778-1858). Dès le premier mouvement, le style classique apparaît dans toute sa splendeur; notons tout au long de la cantate le rôle prépondérant des deux clarinettes (tenues ici par Jane Booth et Sarah Smith). Les deux récitatifs qui précèdent chacun un air sont très agréables, les airs mettant presqu’en valeur plus l’orchestre que la voix, ce qui n’empêche pas Kate Lindsey de déclamer son texte avec maestria: de fait, on ne s’étonne guère de la voir chanter si souvent Mozart! A défaut d’être un chef-d’œuvre, ne négligeons tout de même pas pour autant cette cantate, que l’on aimerait d’ailleurs entendre en concert, cantate qui conclut un disque dont les qualités sont indéniables, l’ensemble des artistes méritant d’être salués bien bas. Et s’ils réalisaient un récital consacré cette fois-ci à Didon ou Bérénice?


Le site de Kate Lindsey
Le site de l’ensemble Arcangelo


Sébastien Gauthier

 

 

 

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