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11/10/2020
«Solo (Volume 1)»
Johann Sebastian Bach : Partita pour violon seul n° 1, BWV 1002
Eugène Ysaÿe : Sonate pour violon seul n° 3 «Ballade», opus 27 n° 3
Niccolò Paganini : Vingt-quatre Caprice, opus 1 n° 1, n° 2, n° 7, n° 9, n° 14, n° 17, n° 20 et n° 24

Andrey Baranov (violon)
Enregistré à Bruxelles (24-27 juillet 2019) – 60’42
Muso mu-039





Premier lauréat du concours Reine Elisabeth en 2012 et bardé de prix internationaux, Andrey Baranov se présente en solo dans son nouvel album, «Solo volume 1», sans l’appui confortable de sa sœur Maria Baranova qui l’accompagnait au piano dans son premier disque «The Golden Violin» (2018). Ce passionné de musique de chambre, ancien élève et assistant de Pierre Amoyal, s’attaque désormais au grand répertoire du violon seul, sur les pas des illustres de l’école russe, Jascha Heifetz, Nathan Milstein et David Oïstrakh.


En choisissant la Première Partita de Jean-Sébastien Bach, la Troisième Sonate d’Eugène Ysaÿe et sept des Vingt-quatre Caprices de Niccolò Paganini, surnommé le démon de l’archet, le violoniste russe décide de gravir à son tour «l’Himalaya du violon». Il reste à savoir si, au-delà des qualificatifs diabolisants, Baranov peut être plus qu’un virtuose, plus qu’un énième héros du violon que l’on s’empresse d’applaudir.


Dès les premières pièces de la Partita, on comprend que l’attitude de Baranov n’est pas de bomber le torse: son jeu est puissant mais il recherche le relief, court sur les crêtes, souligne les contrastes. C’est une intention tout à fait louable d’interpréter ainsi cette musique où cohabitent irrégularités et flux immuable de notes, cette fois non soutenus par la basse continue, comme l’a indiqué le Cantor lui-même sur sa partition. Baranov a décidé de s’installer dans l’œuvre, en se gardant de prendre des tempi trop rapides, particulièrement dans les Doubles. On apprécie ce souci de détacher chaque note, d’aimer chacune d’elles comme le demandent les professeurs d’instrument à leurs élèves. En modérant sa vitesse, Baranov nous inviterait presque plus à prier qu’à danser et son Guadagnini résonne comme dans une nef; l’esprit da chiesa s’invite dans la sonata da camera, une religiosité que Bach n’aurait pas démentie. Toutefois, la réverbération scintillante et le jeu délié du violoniste manquent de douleur et de dramatisme. Le Mineur du russe de 34 ans est encore jeune, il n’a pas encore l’épaisseur d’un Szigeti, dont l’interprétation des Partitas a d’ailleurs déclenché chez Ysaÿe la composition de ses sonates pour violon seul, repoussant encore les possibilités techniques de l’instrument au moment où Schoenberg inventait la musique dodécaphonique.


Justement, dans la Troisième Sonate d’Ysaÿe, dédiée à Georges Enesco, Baranov est au meilleur de sa forme. Il flamboie, libéré par la teneur rhapsodique du morceau qui alterne les tempi, évoque à la fois atonalité, traits baroques, et post-romantisme, le tout bousculé par l’esprit des danses frénétiques d’Europe centrale, sensibilité qui doit correspondre à son dédicataire. Ici le Russe peut utiliser à loisir «les outils de maîtrise du violon», qu’il possède parfaitement, «indispensables si le but est de s’exprimer sans retenue» selon Enesco. Il est dommage que cette sonate fasse figure de pièce détachée, d’intermezzo calé anachroniquement entre deux monuments du répertoire, à moins qu’on ne la considère comme un prélude de chauffe avant les Caprices.


Dans ces études de Paganini, qui regorgent de trilles, glissandi, harmoniques, dixièmes et autres effets périlleux, Baranov reste précis et subtil, avec un coup d’archet et une justesse impeccables. Sa caccia poursuit davantage les petits oiseaux que le gros gibier, avec ses cors en sourdine et ses trilles feux follets, mais les autres Caprices ne manquent pas de force, quitte à écraser un peu l’archet. Le Deuxième est une totale réussite, alternant les aigus cristallins et les graves fougueux du flux de double croches. Il y a beaucoup moins de poésie dans le dernier, le fameux Vingt-quatrième, sorte de bouquet final des possibilités techniques de l’instrument. Ici, Baranov manque de respiration; la virtuosité emporte son jeu, tout est trop pressé, des octaves chaloupées de la variation 3 aux harmoniques suspendues de la variation 10, en passant par les pizzicati main gauche de la variation 9. Comme si, pour ce coup d’envoi, il fallait rattraper l’image romantique du prodige survolté, lâcher tous les chevaux contenus jusqu’alors. Galopade faite au détriment de l’émotion. Il faut dire que les Caprices ne se prêtent pas toujours au souffle mélodique et à l’intimité.


On préfère entendre Baranov dans la Partita, l’entendre marmonner par-dessus les notes aimées, rappelant Glenn Gould fredonnant à son piano sec. Sauf qu’avec Gould ou Menuhin, s’élève derrière chaque note le monde de l’artiste qui n’est pas dans la partition ni dans le geste technique. Chez Baranov, on entend encore trop la volonté de perfection; sa justesse manque de folie. Il rappelle les techniques bien huilées des guitar heroes du metal rock, Patrick Rondat ou Joe Satriani, loin du blues brûlant d’un Jimi Hendrix. On dirait qu’il hésite sur quelle âme donner à son violon. Peut-être a-t-il peur de le damner? Le plaisir d’entendre Bach clair, détaché et précis, vaut à lui seul l’écoute du disque. Nul besoin de diableries virtuoses pour l’apprécier.


Le site d’Andrey Baranov


Roman Marlière

 

 

 

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