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09/13/2020
Reynaldo Hahn : Etudes latines – Venezia – Chansons grises – Adoration – Fleur de mon âme – La Dame aux camélias – Premier Recueil – Rondels – Les Feuilles blessées – Second Recueil – Troisième Volume – Neuf Mélodies retrouvées – Five Little Songs – Love without Wings
Tassis Christoyannis (baryton), Jeff Cohen (piano)
Enregistré à Venise (3-11 novembre 2018 et 31 janvier-7 février 2019) – 253’09
Coffret de quatre disques Palazzetto Bru Zane BZ 2002


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S’il est un compositeur à réhabiliter c’est bien Reynaldo Hahn (1874-1947). Ami de Marcel Proust et de Mariano Fortuny, il a marqué son époque par une création conduite par un goût littéraire sûr et exquis. Publication de l’intégrale de ses mélodies grâce à la Fondation Palazzetto Bru Zane (FPBZ) à Venise.


S’il n’a jamais été oublié, Reynaldo Hahn est resté longtemps pour beaucoup (et notamment l’industrie discographique) le compositeur de Ciboulette et une personnalité mondaine de la Belle Epoque. Une biographie exhaustive lui sera consacrée pour la première fois en France, rédigée par Philippe Blay, que Fayard devrait publier en 2021. Et la FPBZ à Venise n’est pas en reste, avec la publication l’an dernier d’un coffret de quatre disques et 134 pages consacré à l’intégrale de ses mélodies, une centaine environ, interprétées comme beaucoup de titres de la collection Bru Zane par le baryton grec Tassis Christoyannis et le pianiste américain Jeff Cohen. Ce sont eux qui, lors du dernier festival d’automne de la FPBZ «De la belle époque aux années rugissantes» consacré à ce compositeur, étaient les interprètes du récital «Si mes vers avaient des ailes» (voir ici), un florilège de vingt-six mélodies choisies avec beaucoup de soin thématique parmi cette abondante production que Reynaldo Hahn interprétait lui-même en s’accompagnant au piano dans les salons parisiens, comme en ont témoigné Marcel Proust et Jean Cocteau.


La versatilité est le trait saillant de cette production, avec des mélodies dépouillées quasi parlando comme le sont les Chansons grises sur des poèmes de Verlaine, au comique pince-sans-rire des Five Little Songs, chantées en anglais sur des textes de Robert Louis Stevenson, jusqu’aux chansons sur des textes originaux en dialecte vénitien à qui il sait donner une saveur exotique. Les Rondels de Charles d’Orléans convoquent un style néomédiéval et si l’on est aussi souvent proche de la comédie musicale avec les chansons de La Dame aux camélias sur des textes d’Albert Willemetz, on peut observer dans les mélodies d’après-guerre un glissement vers l’atonalité et le dépouillement de l’accompagnement pianistique.


Les deux complices de cette intégrale relèvent le défi de tout interpréter avec la seule voix de baryton pour quatre grandes heures de chant. Tassis Christoyannis, grand et sobre styliste à l’impeccable diction française, a des moyens vocaux considérables qu’il sait alléger pour rendre justice à ce répertoire, un timbre clair et élégant et une dynamique d’émission impressionnante mais surtout la versatilité qui lui permet de passer d’un style à l’autre avec des climats si contrastés dictés par des poètes aussi variés que Verlaine, Leconte de Lisle, Alphonse Daudet, Théodore de Banville, Charles d’Orléans, Jean Moréas, Victor Hugo, Henri de Régnier et même Marceline Desbordes-Valmore. Et des styles musicaux très chantants avec des mélodies sophistiquées dans le style distingué de Fauré, des espagnolades et même le pur néoclassicisme (l’ineffable et mélancolique A Chloris). De même pour Jeff Cohen, tout à fait en accord sur le style et les couleurs si particulières de cette musique très soignée par le compositeur, qui était son propre accompagnateur.


La période de création de ses cent sept mélodies s’étend de 1888 à 1934, coïncidant avec celle de la grande diffusion des mélodies sortant du cercle strictement mondain pour toucher un plus vaste public. Le parcours des quatre disques n’est pas chronologique mais suit un ordre arbitraire qui, compte tenu de la présence d’un seul interprète, est le meilleur remède à la monotonie. Le premier disque réunit les volumes les plus souvent chantés ou enregistrés: Etudes latines, Chansons grises, La Dame aux camélias ainsi que les quelques mélodies en dialecte vénitien. Le deuxième, le Premier Recueil et les Rondels, qui sont amputés de quelques mélodies faisant appel à un chœur, le troisième le Second Recueil et Les Feuilles blessées, le dernier beaucoup de mélodies inédites, retrouvées (Troisième Volume), et celles en langue anglaise.


Enfin, cela doit être souligné quoique l’équipe du FPBZ nous y ait habitués, la réalisation technique de l’enregistrement (2018 et 2019) est impeccable et la qualité de l’épais livret trilingue superlative.


Forlane a publié en 2013 un coffret qui regroupe l’essentiel de la production lyrique de Reynaldo Hahn. Quelques mélodies chantées par lui-même et par son disciple Guy Ferrant, Hahn étant au piano dans les deux cas, mais surtout ses œuvres scéniques: Mozart avec Géori Boué, Brummel avec Lina Dachary, Malvina avec Jacques Janssen et sa Pastorale de Noël, mystère en quatre tableaux, avec Camille Maurane. Ce trésor d’archives de sept disques est complété par sa Sonatine pour piano et son Concerto pour piano et orchestre, tous deux interprétés par Magda Tagliaferro.


Mais le trésor absolu d’archives a été publié en en 2000 par l’éditeur anglais Romophone. Les mélodies y sont largement représentées, notamment avec le repiquage exceptionnellement soigné par les Américains Ward Marston et Richard Bebb des 78 tours Odéon de Ninon Vallin (D’une prison de Verlaine est inouï), Arthur Endrèze (L’Enamourée de Théodore de Banville et L’Heure exquise de Verlaine sont sans concurrence possible) et Guy Ferrant, avec beaucoup d’enregistrements non publiés. Un des disques propose des extraits d’œuvres lyriques de Hahn: Ciboulette par Marcelle Ragon, O mon bel inconnu par Arletty et Huguette Gregory, Le Marchand de Venise avec Fanny Heldy et André Pernet. On y retrouve aussi, un peu élargi, le programme publié par Forlane de mélodies et airs d’opéras chantés et accompagnés au piano par le compositeur, tous enregistrements formidablement restitués d’après des 78 tours Columbia et de la Compagnie française du Gramophone. Les instruments de l’orchestre, présentés par Reynaldo Hahn avec d’excellents exemples musicaux, concluent ce précieux coffret de trois disques par un quart d’heure d’une merveilleuse pédagogie instrumentale.


Olivier Brunel

 

 

 

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