About us / Contact

The Classical Music Network

CD

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

08/23/2020
Johann Sebastian Bach : Concertos pour clavecin n° 1 en ré mineur, BWV 1052, n° 2 en mi majeur, BWV 1053, n° 4 en la majeur, BWV 1055, et n° 7 en sol mineur, BWV 1058
Francesco Corti (clavecin), Il Pomo d’Oro
Enregistré dans la salle Gustav Mahler du Centre culturel de Toblach (1er-5 mars 2019) – 64’08
Pentatone PTC 5186 837 – Notice (en anglais) de Jason Stell





Johann Sebastian Bach : Concertos pour deux clavecins en ut mineur, BWV 1060, en ut majeur, BWV 1061, et en ut mineur, BWV 1062 – Prélude et fugue en mi bémol majeur, BWV 552
Emmanuel Frankenberg (clavecin), Ensemble Masques, Olivier Fortin (clavecin et direction)
Enregistré au Temple Notre-Dame de Bon-Secours, Paris (novembre 2018) – 59’46
Alpha 572 – Notice (en français, anglais, allemand) de Peter Wollny





Violon ou clavier? Piano ou clavecin? Les recherches musicologiques nous montrent que, la plupart du temps, l’œuvre concertant de Johann Sebastian Bach (1685-1750) a été en premier lieu composée pour le violon et ensuite seulement adapté pour le clavier; quant au choix de l’instrument, piano et clavecin s’en donnent depuis des décennies à cœur joie même si le clavecin était bien entendu l’instrument requis pour ces partitions. A l’origine, les concertos de Bach étaient donc des concertos pour violon: c’est le cas de ceux répertoriés sous les numéros BWV 1041, 1042 et 1043 (ce dernier d’ailleurs destiné à deux violons). Une fois transcrits pour le clavecin, ils prirent les numéros BWV 1058, 1054 et 1062! Idem pour le Concerto BWV 1052, dans la tonalité de mineur, qui était également initialement un concerto pour violon avant de connaître une nouvelle célébrité en étant interprété au clavecin. Quant au concerto numéroté BWV 1053, il s’avère qu’il était semble-t-il composé non pour un clavecin mais, à l’origine, pour un hautbois ou une flûte...


Toujours est-il que, quelle qu’en soit l’origine et quel que fût l’instrument dédicataire, ces concertos ont depuis longtemps fait figure de passage obligé tant pour les pianistes que, et c’est le cas ici, pour les clavecinistes. Commençons avec Francesco Corti, jeune musicien toscan (né à Arezzo en 1984), auréolé de nombreux prix (dont le premier prix de clavecin au concours Johann Sebastian Bach de Leipzig en 2006), membre depuis 2007 des Musiciens du Louvre et partenaire de plusieurs ensembles (Le Concert des Nations, l’ensemble Pulcinella, Les Talens lyriques...), soliste reconnu, à la tête déjà d’une belle discographie. Si l’on devait trouver un seul qualificatif pour ce disque, c’est certainement celui de la fraîcheur. Les mouvements rapides sont parfois interprétés comme de simples divertissements (le premier Allegro du Concerto BWV 1052), la vivacité de l’approche se conjuguant à un toucher extrêmement léger, sorte de badinerie avec clavecin obligé, ce qui peut surprendre... D’autres, au contraire, bénéficient d’une approche beaucoup plus sage, avec de l’esprit tant dans le jeu du soliste que dans les réponses de l’orchestre (le premier mouvement du Concerto BWV 1054), certains autres mouvements nous semblant en revanche reléguer l’instrument soliste au second plan (la timidité de l’entrée du clavecin dans le premier mouvement du Concerto BWV 1058). De fait, Corti semble vouloir adopter une vision propre à chaque concerto, voire à chaque mouvement, quitte parfois à manquer légèrement de cohérence au sein d’un même concerto. Il faut, à ce titre, différencier les mouvements rapides, à notre sens plus critiquables (avec un jeu parfois affecté, des ralentis inutiles conférant à certaines phrases un côté précieux voire artificiel qui n’a guère lieu d’être, comme dans les deux premiers mouvements du Concerto BWV 1052), des mouvements lents, généralement supérieurs entre rêvasserie mélancolique et ornementations faites généralement avec beaucoup de naturel (la «Sicilienne» du Concerto BWV 1053). Le jeu de l’ensemble Il Pomo d’Oro est également convaincant, les cordes jouant de façon vive, nerveuse, sans pour autant jamais être sèches (superbe Allegro ma non tanto concluant le Concerto BWV 1055), le dialogue avec le soliste pouvant ainsi donner d’excellents résultats. Un dernier mot concernant une petite erreur dans la jaquette qui inverse malencontreusement certains numéros: le Concerto BWV 1058 se retrouve ainsi bien aux plages 7 à 9 et non 10 à 12 comme indiqué, le Concerto BWV 1055 concluant pour sa part le disque et pouvant donc logiquement s’écouter aux plages 10 à 12.


L’école française du clavecin est mondialement reconnue depuis bien des années. Pierre Hantaï, Bertrand Cuiller ou Olivier Beaumont parmi l’«ancienne» génération, Jean Rondeau, Paolo Zanzu ou Justin Taylor dans la «nouvelle» donnent au clavecin, et à ses compositeurs, toutes ses lettres de noblesse. Olivier Fortin fait partie, bien évidemment, du second groupe (même s’il est né en 1973, au Québec) et son partenaire dans le présent disque, Emmanuel Frankenberg, également, bien que moins connu à ce jour que le premier. Les trois concertos pour deux clavecins de Bach qu’ils nous offrent ici bénéficient d’une alchimie totale, les deux solistes étant accompagnés par un «orchestre» (l’Ensemble Masques, fondé par Olivier Fortin) des plus réduits puisque ne comptant que cinq musiciens (deux violons, un alto, un violoncelle et une contrebasse), option qui s’avère de plus en plus fréquente (reportons-nous, par exemple, à l’interprétation de Bertrand Cuiller). Le soutien des cordes (notamment la basse, bien présente dans un jeu très volontaire à l’image de sa pourtant discrète apparition dans le premier mouvement du Concerto BWV 1061) permet à Fortin et Frankenberg de dialoguer avec une totale liberté, le toucher de chaque soliste jouant sur l’égalité et le partenariat et non sur l’éventuelle supériorité de l’un par rapport à l’autre. Si cela s’entend de façon presque éclatante dans le Concerto BWV 1061 (dont Peter Wollny nous rappelle avec justesse dans la notice d’accompagnement qu’il a été initialement été composé comme un duo de clavecins, c’est-à-dire sans intervention orchestrale, laquelle n’a été ajoutée qu’après coup et encore de façon minimaliste), on le perçoit tout aussi clairement dans le troisième mouvement du Concerto BWV 1060 ou dans le premier, célèbre (notamment dans sa version pour deux violons), du Concerto BWV 1062. On pourra regretter que le jeu soit parfois un peu sage et puisse, de fait, manquer quelque peu de fantaisie (le premier Allegro du Concerto BWV 1060 ou le jeu des échanges clavecins/cordes dans le troisième mouvement du même concerto). On tient néanmoins là une excellente gravure de ces pages célèbres qui, pour ne prendre que quelques exemples récents, s’avère bien plus passionnante et surpasse donc sans difficulté les bien décevantes versions gravées par Pierre Hantaï et Aapo Häkkinen ou par Evgeni Koroliov et Anna Vinnitskaya. Quant au Prélude et fugue BWV 552 (une transcription pour deux clavecins d’un extrait de la Klavierübung de 1739, originellement destiné à l’orgue), ils donnent à entendre une nouvelle preuve de la parfaite entente entre les deux solistes (seuls requis ici) qui s’affirment comme des musiciens hors de pair.


Le site de l’ensemble Il Pomo d’Oro
Le site d’Olivier Fortin et de l’Ensemble Masques


Sébastien Gauthier

 

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com