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08/18/2020
«I colori dell’ombra»
Antonio Vivaldi : Concertos pour violoncelle en sol majeur, RV 416, en si bémol majeur «Per Teresa», RV 788: « Larghetto», en ré mineur, RV 405, et en la mineur, RV 419: «Allegro» – Andromeda liberata, RV Anh. 117: «Sovvente il sole» [1] – Concerto pour deux violoncelles en sol mineur, RV 531 [2] – Concerto pour violoncelle et basson en mi mineur, RV 409 [3] – Concertos pour violoncelle piccolo en sol majeur, RV 414, et en si mineur, RV 424 – Sinfonia pour cordes et basse continue en ut majeur, RV 112 – Concerto pour deux violons et deux violoncelles en ré majeur, RV 575 [4] – Tito Manlio, RV 738: «Di verde ulivo» [5]

Lucile Richardot (mezzo-soprano) [1], Delphine Galou (contralto) [5], Javier Zafra (basson) [3], Pablo Valetti, Mauro Ferreira (violon) [4], Atsushi Sakaï (violoncelle) [2, 4], Pulcinella Orchestra, Ophélie Gaillard (violoncelle et direction)
Enregistré en l’église évangélique luthérienne Saint-Pierre, Paris (27 août-3 septembre 2019) – 91’
Album de deux disques Aparté AP 226 – Notice (en français et en anglais) d’Ophélie Gaillard et Olivier Fourès


Sélectionné par la rédaction





Si, au sein du répertoire baroque, Ophélie Gaillard a enregistré des concertos pour violoncelle de Carl Philipp Emanuel Bach (voir ici et ici) et de Luigi Boccherini (voir ici), Antonio Vivaldi (1678-1741) manquait à l’appel jusqu’à ce jour: voilà qui est réparé! Réparation certes en partie puisque l’intéressée a d’ores et déjà enregistré les sonates pour violoncelle composées par le Prêtre roux mais réparation tout de même dans le répertoire concertant, avec un étonnant retard alors que le célèbre vénitien a donné au violoncelle plus de concertos que n’importe quel autre compositeur, écrivant non seulement des pièces destinées à un seul violoncelle mais également à deux violoncelles ou à un violoncelle et un violon. L’attente valait le coup car quelle réussite que ces deux disques, qui nous font voyager au sein de ce que l’on pouvait «faire» avec un violoncelle au temps de Vivaldi: soliste unique, partenaire de la voix ou d’un autre instrument, capable de donner la réplique d’égal à égal au violon qui était alors l’instrument roi de la Péninsule, le voici qui brille ici de mille feux et qui nous emporte!


Inutile de rappeler ici trop longuement la place que le violoncelle aura tenue dans l’œuvre de Vivaldi. Mentionnons tout de même le fait que les plus anciennes partitions qu’il a dédiées à cet instrument remontent à ses débuts à l’Ospedale della Pietà, où il est professeur à partir de 1703. Les premières compositions connues doivent dater des années 1705-1707 puisqu’on les a trouvées sur un manuscrit acquis par le musicien allemand Franz Horneck alors qu’il voyageait en Italie au cours de l’hiver 1708-1709. Vivaldi chérira le violoncelle jusqu’à la fin de ses jours comme en témoigne la publication, à Paris en 1740, d’un recueil de six sonates pour violoncelle. On compte aujourd’hui vingt-huit concertos pour violoncelle seul de sa main; le choix opéré par Ophélie Gaillard était donc compliqué mais avouons qu’à nos yeux, il s’avère des plus pertinents puisque le panorama qu’il nous est donné d’entendre couvre à peu près tout ce que Vivaldi pouvait alors offrir à cet instrument.


Le violoncelle dont joue Ophélie Gaillard (un Francesco Goffriller de 1737) est idéal aussi bien dans les graves aux sonorités à la fois râpeuses et enivrantes (le premier Allegro du Concerto RV 416) que dans les aigus endiablés dont le Prêtre roux est capable (l’Allegro concluant le Concerto RV 405). Sa technique n’est évidemment plus à démontrer et l’on oublie bien vite, une fois de plus lorsque ce répertoire est interprété par des musiciens accomplis, tous les chausse-trappes et pièges que recèle tel ou tel mouvement. Ecoutez à ce titre l’Allegro qui conclut le Concerto RV 531, sans doute le concerto pour deux violoncelles le plus célèbre de Vivaldi, dont la verve et la fougue nous font paraître certaines gravures pourtant réputées bien ternes, voire acides (il en va ainsi de la version jouée par Christophe Coin et Paolo Beschi et publiée en mars 1994 chez Teldec, sous la direction de Giovanni Antonini).


Un des mérites d’Ophélie Gaillard tient également au fait qu’elle a parfaitement su s’entourer pour ce disque, enregistré dans d’excellentes conditions, sans réverbération excessive, chaque partie étant parfaitement claire et intelligible tout en se mêlant aux autres avec adresse. Il en va bien sûr d’Atsushi Sakaï dans ce Concerto RV 531 au premier mouvement conquérant (quelle maîtrise, au sens propre du terme, de la folle énergie vivaldienne à partir de 2’15!), au deuxième mouvement pleinement chambriste et au troisième d’une vitalité contagieuse. Il en va également des violonistes, notamment dans le Concerto RV 575, moins connu que le Concerto RV 564, également dans la tonalité de majeur, ou du bassoniste dans l’étonnant Concerto pour violoncelle et basson RV 409, dont la version Bylsma/Tafelmusik (Sony Classical), qui date pourtant de mai 1996, nous apparaît tout de même supérieure grâce au lyrisme du soliste néerlandais. Mais n’oublions pas non plus les voix puisque nous pouvons entendre ici deux extraits d’opéras où la soliste vocale (Lucile Richardot dans le premier, Delphine Galou dans le second) joue à égalité avec un violoncelle obligé. On ne sera pas forcément totalement convaincu par l’air chanté par Delphine Galou, air de Vitellia tiré de la scène 10 de l’acte Ier de Tito Manlio, mais la musique demeure agréable. En revanche, Lucile Richardot est parfaite: son souffle long répond de façon idéale aux sonorités tout aussi profondes du violoncelle (qui a semble-t-il également pu être remplacé par le violon comme l’indique Sylvie Mamy dans sa biographie de Vivaldi, Fayard, juin 2011, p. 416), les couleurs mordorées exprimées par les deux artistes portant au sommet cet air, tiré d’une sérénade, Andromeda liberata, créée semble-t-il en septembre 1726.


Un mot enfin sur l’Orchestre Pulcinella, où l’on croise des noms bien connus du monde baroque et qui, à lui seul, illumine des concertos. Car que serait par exemple ce Presto concluant la Sinfonia RV 112 sans ces pizzicati, sans ce tambourin ou sans les cordes pincées de la harpe? Que serait le troisième mouvement du Concerto RV 416 sans les appogiatures du violoniste Pablo Valetti, sans la guitare de Nacho Laguna ou sans les traits de clavecin de Paolo Zanzu (qui tient également la partie d’orgue, comme dans le mouvement lent du Concerto RV 424)? L’équipe fonctionne de la première à la dernière note et, face à un plaisir si évident de jouer ensemble, nous renvoie une image beaucoup plus sage, voire compassée de certains disques que nous avons pourtant pu aimer en leur temps (souvenons-nous par exemple de ce disque du Café Zimmermann qui, sous la direction justement de Pablo Valetti, doit ici sans conteste céder le pas dans le Concerto RV 414).


On l’aura compris: une totale réussite qui appelle naturellement de nos vœux d’autres disques consacrés à Vivaldi, décidément inépuisable...


Le site d’Ophélie Gaillard et de l’ensemble Pulcinella


Sébastien Gauthier

 

 

 

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