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08/18/2020 «Sonn und Schild»
Johann Sebastian Bach : Cantates «Ein feste Burg ist unser Gott», BWV 80, «Christ lag in Todesbanden», BWV 4, et «Gott der Herr ist Sonn und Schild», BWV 79 Dorothee Mields (soprano), Alex Potter (alto), Thomas Hobbs (ténor), Peter Kooij (basse), Collegium Vocale Gent, Philippe Herreweghe (direction)
Enregistré en l’église Jésus-Christ de Berlin (23-25 janvier 2017) – 58’53
Phi LPH 030 – Notice (en anglais, français, allemand et néerlandais) de Michael Maul et traduction des textes chantés
Johann Sebastian Bach : Magnificat en ré majeur, BWV 243 [1]
Georg Friedrich Händel : Dixit Dominus, HWV 232 [2]
Vox Luminis, Lionel Meunier (direction)
Enregistré en l’église du Béguinage de Saint-Trond (janvier 2017 [2]) et en l’Eglise wallone d’Amsterdam (juillet 2017 [1]) – 61’22
Alpha 370 – Notice (en français, anglais et allemand) de Peter Wollny et traduction des textes chantés
«Cantatas of contentment»
Johann Sebastian Bach Cantates «Angenehmes Wiederau, freue dich in deinen Auen», BWV 30a, et «Ich bin in mir vergnügt», BWV 204
Carolyn Sampson (soprano), Robin Blaze (contre-ténor), Makoto Sakurada (ténor), Dominik Wörner (basse), Kiyomi Suga (flute traversière), Masamitsu San’Nomiya (hautbois, hautbois d’amour), Natsumi Wakamatsu (violon), Bach Collegium Japan, Masaaki Suzuki (direction)
Enregistré à la salle de concert du Théâtre des arts de Saitama (juillet 2017) – 66’11
SACD BIS-2351 – Notice (en allemand, anglais et français) de Klaus Hofmann et traduction des textes chantés
Sélectionné par la rédaction
«Dialogkantaten»
Johann Sebastian Bach : Cantates «Liebster Jesu, mein Verlangen», BWV 32,«Selig ist der Mann», BWV 57, et «Ich geh und suche mit Verlangen», BWV 49
Sophie Karthäuser (soprano), Michael Volle (basse), RIAS Kammerchor, Akademie für Alte Musik Berlin, Raphael Alpermann (orgue et direction)
Enregistré au studio Teldex de Berlin (octobre 2017) – 63’14
Harmonia Mundi 902368 – Notice (en français, anglais et allemand) de Peter Wollny et traduction des textes chantés
Nouvelle pierre apportée au vaste édifice construit par Philippe Herreweghe en l’honneur de son cher Johann Sebastian Bach, ce disque se présente avant tout comme un hommage au choral luthérien. La Cantate «Ein feste Burg ist unser Gott» qui ouvre ce nouvel opus est assez intimiste: outre un orchestre resserré (deux hautbois, des cordes et une basse continue), les interventions du chœur et les airs ne recèlent pas la fougue de certaines autres cantates de la même inspiration. Pour autant, on goûte toujours avec le même plaisir l’interprétation de cette équipe à laquelle nous sommes habitués depuis tant d’années maintenant, tout en finesse, le Collegium Vocale de Gand possédant cet élan et ce naturel confondants (le chœur introductif et le magnifique passage «Und wenn die Welt voll Teufel wär»), les solistes nous ayant paru peut-être plus sur la réserve que d’habitude (l’air chanté par Peter Kooij, «Alles, was von Gott geboren», aurait par exemple mérité d’être pris de façon un peu plus rapide); mention spéciale au duo surnaturel entre l’alto et le ténor, accompagnés avec une incroyable douceur par le hautbois et le violon (Marcel Ponseele et Christine Busch).
Réussite incontestable dans la Cantate «Christ lag in Todesbanden», qui culmine dans cet étonnant duo entre la soprano et l’alto où le chant très lié de Dorothee Mields et Alex Potter est accompagné par une basse obsédante, à la pulsation à la fois haletante et inexorable (l’orgue tenu par Maud Gratton notamment), rappelant à qui l’aurait oublié ou se croirait à l’abri que «Nul ne peut contraindre la mort parmi le genre humain, la faute en revient seulement à nos péchés» («Den Tod niemand zwingen kunnt, Bei allen Menschenkindern, Das macht’ alles unsre Sünd»). Duo d’autant plus surprenant qu’il s’insère dans une cantate dont le maître-mot est le dépouillement, à l’image de la brève Sinfonia inaugurale, et donc aux couleurs totalement différentes.
Quel contraste de fait avec la luxuriante Cantate «Gott der Herr ist Sonn und Schild» qui s’ouvre, pour sa part, par un chœur réjouissant, rehaussé d’une orchestration extrêmement riche (timbales, cors...): l’urgence du morceau (dont l’orchestration est reprise dans le choral suivant) est confortée par un jeu tout en dextérité des cordes et des hautbois. Magnifique air de l’alto (Alex Potter, toujours excellent) ensuite, dialoguant avec Marcel Ponseele, une fois encore incontournable au sein d’un orchestre rompu à ce répertoire.
Le disque présenté par Lionel Meunier et son ensemble Vox Luminis ne fait guère dans l’originalité, alliant deux des plus célèbres œuvres vocales de l’ère baroque, le Magnificat de Bach et le Dixit Dominus de Händel. Pour autant, on ne boudera pas son plaisir à l’écoute de ces chefs-d’œuvre, bien interprétés ici. Le chœur inaugural du Magnificat BWV 243 (1723) de Bach est plein de verve et de brillant, alliant souplesse et solennité comme il convient. Précisons d’ailleurs que, plutôt réduit (quatre sopranos certes, mais les autres pupitres étant limités à seulement deux voix chacun), le chœur n’en est pas moins un des atouts de cet enregistrement. Parmi les solistes, on mentionnera surtout l’intervention du ténor Robert Buckland dans l’air «Deposuit potentes», tout en rage et plein d’élan, ainsi que la soprano Zsuzsi Tóth dans l’air «Quia respexit». Si les solistes sont généralement très bons, on ne pourra néanmoins que regretter certains choix interprétatifs de Lionel Meunier qui conduisent à aborder certains passages de façon trop alanguie, à la limite de l’ennuyeux (l’air «Quia fecit mihi magna» et le duo «Et misericordia»). Cette extrême retenue se retrouve parfois dans le chœur, notamment dans le passage «Omnes generationes» qui n’offre ainsi pas le contraste avec l’air précédent auquel invite pourtant le texte de l’œuvre. Dommage car, si c’est un choix – certes et c’est très bien ainsi que de nouvelles voies soient explorées – avouons qu’il ne nous convainc guère. Rien à dire en revanche du point de vue instrumental, l’orchestre étant excellent.
Idem pour le tout aussi connu Dixit Dominus (1707) du jeune Händel. Le chœur introductif est magnifique: même si l’on a connu encore plus emporté et encore plus fervent (Gardiner, encore et toujours, mais n’oublions pas, par exemple, Simon Preston), Lionel Meunier galvanise ses troupes et nous offre une introduction brillante dont on peut comprendre comment elle avait ainsi ouvert bien des portes au jeune Händel. Si l’on retrouve parfois, malheureusement, la retenue trop flagrante que nous avons entendue chez Bach (le «Juravit Dominus» notamment), l’interprétation de Händel nous convainc davantage en raison de la prépondérance accordée au chœur, superbe de bout en bout. Parmi les solistes, mention spéciale tout de même à l’impeccable Caroline Weynants dans le «Tecum principium in die virtutis».
Difficile, un peu à l’image du disque dirigé par Philippe Herreweghe, de faire plus contrasté en associant la riche (on oserait presque écrire luxueuse) Cantate «Angenehmes Wiederau, freue dich in deinen Auen» (1737) et la plus modeste Cantate «Ich bin in mir vergnügt» (1726/1727). Masaaki Suzuki nous livre là un excellent opus, un de plus parmi les nombreux d’ores et déjà parus chez Bis (voir par exemple ici, ici ou ici).
Trompettes, timbales, hautbois, flûtes, cordes: personne ne manque à l’appel dans le chœur introductif de la Cantate «Angenehmes Wiederau, freue dich in deinen Auen», composée en hommage à un certain Johann Christian von Hennicke, sur un livret du célèbre Picander. L’enthousiasme, la joie mais également la pompe propres à ce genre de cérémonies sont parfaitement rendus par les instrumentistes et le chœur du Collegium Bach du Japon, que le chef dirige avec un entrain évident. Cette cantate dramatique, où chaque voix est censée peindre un élément ou une divinité (la soprano personnifie le Temps, l’alto le Bonheur, le ténor le fleuve Elster et la basse le Destin), offre plusieurs airs où la voix dialogue avec un ou deux instruments solistes: nous sommes ici véritablement comblés en entendant le très beau «Wilkommen im Heil» chanté par Dominik Wörner (remarquable de nouveau dans un superbe air «Ich will dich halten» où brille le hautbois d’amour de Masamitsu San’Nomiya) et surtout par l’air «Was die Seele kann ergötzen» où Robin Blaze (qui ne nous a pas toujours convaincu dans ce cycle...) est tout bonnement souverain. Mention spéciale à ses deux partenaires solistes que sont les flûtistes Kiyomi Suga et Liliko Maeda! A n’en pas douter, la référence pour cette cantate dont la discographie, si l’on se réfère à l’excellent site Bach-Cantatas, ne comporte étrangement que cinq gravures.
Après le chatoiement des couleurs et l’exubérance orchestrale, place à l’extrême sobriété de nouveau, avec la Cantate «Ich bin in mir vergnügt» pour soprano solo et petit orchestre où interviennent, au fil des airs, la flûte traversière, deux hautbois et un violon solo. Carolyn Sampson est très à son aise dans cette œuvre où la voix domine les instruments de l’orchestre (plus qu’elle ne dialogue véritablement avec eux); sa diction exemplaire et l’attention qu’elle porte aux mots (permettant ici une petite relance, là un bref ralenti) en font une interprète avisée, même si Edith Mathis reste la plus chère à notre cœur dans l’enregistrement, certes ancien, dirigé par le regretté Peter Schreier en novembre 1976 (Berlin Classics).
On reste enfin dans les petites dimensions avec le disque associant Sophie Karthäuser et Michael Volle, sous la direction de Raphael Alpermann. Les trois cantates présentées ici, relevant de ce que Peter Wollny appelle dans la notice d’accompagnement «le troisième cycle de Leipzig» (1725-1726), nous conduisent ainsi dans une atmosphère volontairement chambriste où l’effectif instrumental est des plus réduits (hormis, on y reviendra, dans la dernière cantate, plus riche que les deux autres de ce point de vue) et où le chœur (l’excellent Chœur de chambre de la RIAS en l’occurrence) n’intervient que peu, l’essentiel résidant dans l’intervention des solistes, seuls ou en duo.
Le dépouillement de l’atmosphère de l’air initial chanté par l’excellente Sophie Karthäuser dépeint toute la tristesse (plus que l’inquiétude...) des parents de Jésus qui le recherchent dans Jérusalem mais, en vérité et surtout, toute l’humilité que doit adopter le croyant qui aspire à Le rejoindre dans l’au-delà. Si c’est le hautbois qui l’accompagne, c’est au violon solo qu’il revient d’intervenir dans l’air suivant chanté par Michael Volle, le duo qui suit entre l’Ame et Jésus étant bien interprété même si l’on aurait pu le souhaiter plus souriant, voire plus pétillant. On passe ensuite, dans la Cantate «Selig ist der Mann», de la profondeur du chant de la soprano (l’air «Ich wünschte mir den Tod», deuxième air de l’œuvre) à, au contraire, toute la vivacité de l’air de basse «Ja, ja, ich kann die Feinde schlagen» («Oui, oui, je peux battre les ennemis, Qui te dénoncent sans cesse auprès de moi»), nouvelle preuve de la richesse de ces cantates moins connues que d’autres où la diversité des sentiments et des états d’âme peut être peinte en deux strophes à peine.
La troisième cantate du disque, la Cantate «Ich geh und suche mit Verlangen», est la plus réussie, grâce en premier lieu à un orchestre (l’Académie de musique ancienne de Berlin) de premier ordre, dont on a toujours eu l’occasion de souligner les mérites dans le répertoire baroque. La Sinfonia introductive est ainsi interprétée de façon idéale (hautbois et orgue en premier lieu), ses motifs étant d’ailleurs appelés à être repris dans l’Allegro concluant le Concerto pour clavecin BWV 1053 du même Bach. Si Michael Volle n’a pas toujours l’aisance et le lié que l’on peut attendre dans ces œuvres, son air «Ich geh und suche mit Verlangen» n’en demeure pas moins réussi. Aucune réserve en revanche à l’égard de Sophie Karthäuser qui, avec l’air «Ich bin herrlich, ich bin schön» (accompagné d’un hautbois d’amour et d’un violoncelle piccolo), conclut brillamment sa prestation dans un disque en tous points recommandable.
Le site d’Alex Potter
Le site de Thomas Hobbs
Le site de Peter Kooij
Le site du Collegium Vocale de Gand
Le site de l’ensemble Vox Luminis
Le site de Carolyn Sampson
Le site de Dominik Wörner
Le site du Collegium Bach du Japon
Le site de l’Académie de musique ancienne de Berlin
Sébastien Gauthier
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