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05/08/2020
«Façades»
Constant Lambert : Trois pièces nègres pour les touches blanches (*) – Eight Poems by Li Po
William Walton : Four Songs: 4. «The Winds» – Three Songs to Poems by Edith Sitwell: 1. «Daphne» – TritonsSiesta (*) – Under the Greenwood TreeBeatriz’s Song (arrangement Christopher Palmer) – Façade, Suites 1 et 2 (arrangement Lambert) (*)

James Geer (ténor), Andrew West (*), Ronald Woodley (piano)
Enregistré à Potton Hall, Suffolk, Angleterre (29 août -1er septembre 2019) – 63’54
SOMM Recordings SOMMCD 0614 – Notice (en anglais, textes inclus) de Ronald Woodley





En tant que pianiste – il est aussi clarinettiste et musicologue – Ronald Woodley s’intéresse de près au répertoire pour duo de piano et pour piano à quatre mains, et, en tant qu’accompagnateur, à la mélodie. Avec le concours de ses fréquents compagnons de route, Andrew West et James Geer, il propose un programme qui allie ses deux passions tout en célébrant l’amitié qui existait entre William Walton (1902-1983) et Constant Lambert (1905-1951). La brillante prestation au piano ne manque ni d’allant, ni de charme et les mélodies révèlent la profondeur des espaces que cachent les «Façades» du titre.


Façade. Un divertissement (1921), est une collection de poèmes d’Edith Sitwell (1887-1964), scandés presque en sprechgesang sur une musique pour petit ensemble composée par William Walton dans un style «années folles» à la Pierrot lunaire. Retenant les titres appelant des rythmes de danse, Walton en tira deux Suites pour orchestre, la première en 1926 et, en 1938, la seconde pour laquelle Lambert, intime de l’œuvre car l’un des premiers récitants, lui prêta main forte. L’arrangement pour piano à quatre mains que Lambert fit des deux Suites recrée une idée des textures orchestrales, des couleurs et des timbres instrumentaux et en capte la grâce délicieuse et l’humour décalé, quoique beaucoup plus en «années folles» que Pierrot lunaire. Malgré une grande difficulté d’exécution, Ronald Woodley affirme que pour les pianistes, cette version est «enormous fun to play». L’interprétation habile et enjouée d’Andrew West et Woodley procure un semblable sentiment de joie impertinente et de plaisir souriant.


Ils interprètent avec autant de verve les deux autres partitions pour piano à quatre mains. A l’origine pour petit orchestre, Siesta (1926-1928), de Walton, est une évocation vivante et langoureuse de l’Italie qu’il aimait tant, sur un rythme discret de tango. Fatalement en ut majeur, lesTrois Pièces nègres pour touches blanches (1950) de Lambert, se déclinent en une «Aubade» d’attaque, syncopée, vive et nerveuse, une «Siesta» plus blues, calme et détendue, et un «Nocturne» étonnamment alerte sur un rythme proche de la rumba.


Lambert mit en musique en trois fois entre 1926 et 1929 huit poèmes du poète chinois Li Po (701-762), leur sens oblique ramassé en quelques vers. Ce sont des instants de vie doux-amers, souvenirs, nostalgies et regrets profondément ressentis, qui trouvent leur reflet ou leur contraire dans la nature environnante. La ligne mélodique, musicalement aventureuse, exprime la pensée, le piano, impressionniste et poétique, est tout à la nature. Sous une apparente simplicité qui crée une illusion de distanciation, les huit mélodies traduisent toute la fragilité d’un être vulnérable. James Geer, ténor dans la lignée de Peter Pears, et Ronald Woodley rendent justice à cette belle discrétion et c’est tout à fait touchant.


Geer et Woodley trouvent le ton juste, expressif ou tout en retenue, pour les cinq airs de Walton qu’aucun lien ne relie, ni thème, ni époque, ni poète. Deux datent du jeune âge du compositeur, deux sont extraits de musiques de scène et «Daphne», retravaillé pour voix lyrique et piano en 1936, vient de Façade. Le contraste est grand entre la fougue romantique de «The Winds» (1918) et de Tritons (1920), qui expriment tourments et rages brûlantes, et les quelques regrets mélancoliques du sage «Daphne», mais les trois ont en commun un point d’orgue dramatique à voix nue à l’instant le plus révélateur du poème. Toujours à la recherche d’adéquation avec le texte, Walton compose un air charmant sur un mode élisabéthain pour Under the Greenwood Tree destiné à la version cinématographique de Comme il vous plaira en 1936 – il pourrait se mêler à certains de Dowland. Pour une pièce de MacNeice en 1942, il crée Beatriz’s Song, un air en demi-teinte légèrement hispanisante qui évoque la tristesse de Beatriz Enríquez de Arana, qui savait Christophe Colomb, son amour, à jamais perdu pour elle.


Alors que Façade est une expérience unique chez Walton, la gaieté domine le programme malgré quelques beaux clairs-obscurs. Pour la première partie, les trois interprètes entrelacent pièces pour piano seul et mélodies, passant à intervalles réguliers de Lambert à Walton. La seconde partie est entièrement consacrée aux deux Suites qui relient les deux amis, l’arrangeur et le compositeur. La prestation est en tout point enlevée et tout à fait convaincante.


Le site de James Geer


Christine Labroche

 

 

 

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