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04/07/2020 «Vincerò!»
Giacomo Puccini: Tosca: «Recondita armonia» & «E lucevan le stelle» – Manon Lescaut: «Donna non vidi mai» & «Tra voi, belle» – La fanciulla del West: «Ch’ella mi creda libero e lontano» – Edgar: «Orgia, chimera dall’occhio vitreo» – Gianni Schicchi: «Avete torto... Firenzo è come un albero fiorito» – Madama Butterfly: «Addio fiorito asil» – Turandot: «Nessun dorma»
Francesco Cilea: Adriana Lecouvreur: «La dolcissima effigie», «L’anima ho stanca» & «Il russo Mèncikoff»
Pietro Mascagni: Cavalleria rusticana: «Intanto amici... Viva il vino spumeggiante» & «Mamma, quel vino è generoso»
Umberto Giordano: Andrea Chénier: «Come un bel dì di Maggio» & «Un dì all’azzuro spazio» – Fedora: «Amor ti vieta»
Ruggero Leoncavallo: Pagliacci: «Recitar... Vesti la giubba» Piotr Beczala (ténor), Evgeniya Khomutova (mezzo), Cor de la Generalitat Valenciana, Orquestra de la Comunitat Valenciana, Marco Boemi (direction)
Enregistré à Valence (octobre 2019) – 52’56
Pentatone PTC 5186 733
Le titre du nouveau disque solo de Piotr Beczala entre involontairement en collision avec l’actualité la plus noire. Les Italiens, qui paient un tribut incroyablement lourd à la pandémie qui frappe le monde entier espèrent en des lendemains qui chantent et voient dans les derniers mots de l’aria de Calaf un symbole de cette espérance.
C’est loin de cette arrière-pensée que le ténor polonais présente un nouveau CD de studio, qui semble manifester une nouvelle orientation de son répertoire. Lors de ses débuts internationaux, au tournant des années 2000, il avait triomphé dans le répertoire mozartien, puis s’était orienté vers le jeune Verdi et le répertoire romantique français, qui ont fait de lui une star. Cependant, il a fini par changer quelque peu de moule vocal: alors que sa quinte aiguë développée lui permettait d’être un magnifique Duc de Mantoue à Londres en 2005, il a ensuite fait en sorte que, peu à peu, son instrument gagne en largeur, pour aborder Lohengrin à Dresde en 2016. Alors qu’en 2011, son Faust à Madrid était étincelant, à Paris en 2015, il avait beaucoup perdu de son éclat
Le disque «Vincerò!» manifeste sa volonté d’aborder le répertoire vériste italien. Mais, outre que son tempérament ne l’identifie pas idéalement à Canio, il est clair qu’il ne peut plus revenir sur son orientation vocale. L’aigu s’est considérablement élargi, et il en résulte un vibrato encore correctement maîtrisé mais suffisamment important sur les notes longuement tenues, très fréquentes tout au long du disque, pour gâcher le plaisir de l’auditeur. En 2015, son disque «The French Collection» manifestait déjà ce changement. Il semble aujourd’hui installé et irréversible.
On peut aussi se poser la question de son adéquation avec le répertoire vériste. Il a certes, maintes fois, triomphé dans Tosca, mais au-delà... Canio, bien sûr, n’est pas réservé à une caricature d’italianità, Jonas Kaufmann l’a démontré. Mais Beczala en a-t-il le tempérament vocal ? Pas vraiment. Si, sur scène, le ténor polonais peut être une alternative pertinente à un Kaufmann ou un Alagna aujourd’hui, en Chénier ou Cavaradossi, au disque il ne l’est plus. Le phrasé reste intéressant, le timbre n’a rien perdu de sa lumière argentée, mais les problèmes rencontrés avec l’aigu vont jusqu’à mettre en péril l’intonation, et dès qu’il est tenu, il donne l’impression d’être poussif.
Seul l’Improvviso de Chénier le voit montrer une très bonne diction et un sens du rythme qui rappellent ses meilleures prestations scéniques. Rinuccio de Gianni Schicchi est également bien incarné. Mais finalement, ni Calaf ni Pinkerton n’ont le slancio nécessaire, et on ne reconnaît pas ici le Cavaradossi qui, en mars dernier, devait bisser son lamento à la Staatsoper de Vienne. On le sait, l’enregistrement de studio amplifie cruellement les défauts d’une voix. On souhaite à ce bel artiste beaucoup de succès à la scène, mais au disque de studio et dans ce répertoire, il ne peut plus guère enthousiasmer.
Marco Boemi ne démérite pas avec le bel Orchestre de la Communauté valencienne, magnifié par la prise de son, lui imprimant des tempi mesurés. La voix du ténor, elle, est un peu trop près du micro, mais là n’est pas le vrai problème.
Philippe Manoli
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