About us / Contact

The Classical Music Network

CD

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

03/13/2020
«‘Tis too late to be wise. String quartets before the String Quartet»
Matthew Locke : The Tempest: «Curtain Tune» – Consort of four parts: Suite n° 1 en si bémol majeur: II. Courante & III. Ayre – Suite n° 2 en ré majeur
Henry Purcell : Fantasias and in nomines, Z. 731-743: Fantasia in four parts n° 2 en si bémol majeur, Z. 736, et n° 8 en sol majeur, Z. 742 – Chacony en sol mineur, Z. 730 – Pavan n° 5 en sol mineur, Z. 752 – King Arthur, Z. 628: «Hornpipe» (de l’acte II) & «Fairest Isle» (de l’acte V) – Timon of Athens, Z. 632: «Curtain Tune on a ground»
Joseph Haydn : Quatuor en ré majeur, opus 71 n° 2, Hob. III:70
John Blow : Venus and Adonis : «Act Tune» (de l’acte I)

Quatuor Kitgut: Amandine Beyer, Naaman Sluchin (violon), Josèphe Cottet (alto), Frédéric Baldassare (violoncelle)
Enregistré à la Ferme de Villefavard en Limousin (11-14 février 2019) – 53’04
Harmonia mundi, HMM 902313 – Notice en français et en anglais d’Olivier Fourés, préface de Jeanne Roudet


Sélectionné par la rédaction





La rencontre fortuite mais fructueuse de quatre musiciens d’horizons divers, tous chambristes expérimentés et habitués, quoiqu’à des degrés différents, au jeu sur instruments anciens et modernes, aboutit en 2015 au lancement du Quatuor Kitgut sur instruments d’époque aux cordes en boyau (gut), comme son nom l’indique. (A kit, c’est un petit violon). Le cachet de l’ensemble naît de leur entente à quatre, déclarée, ressentie et nécessaire. Une générosité chaleureuse et un grand sentiment de l’intime illuminent leur programme au-delà de la grande musicalité avec laquelle ils l’abordent.


Le projet de présenter «des quatuors à cordes avant le quatuor à cordes», le sous-titre de l’album, en exclut d’office les débuts du quatuor, en tant que tel, ou dit «sonate à quatre» (A. Scarlatti, Sammartini ou Boccherini...), et conduit les Kitgut en toute logique vers le consort de violes de la Renaissance anglaise pour lequel on composait encore jusque vers la fin du XVIIe siècle. Parmi les compositeurs possibles, ils choisissent Purcell, génie incontournable, Locke et Blow. Matthew Locke (c. 1621-1677) servit le roi comme «compositeur pour les violons». Henry Purcell (1659-1695), son élève et élève de John Blow (1649-1708), lui succéda à ce poste. Ils composent pour plusieurs cordes de même famille, violes ou violons, se limitant souvent à quatre, mais les genres et les formes varient, allant de la suite ou la fantaisie à la musique de scène. Comme point de comparaison classique, les Kitgut proposent un quatuor à cordes célèbre de la fin du XVIIIe siècle, le genre et la forme bien établis. L’un des six «Quatuors Apponyi» (1792-1793) crée un lien ténu cent ans plus tard puisque Joseph Haydn (1732-1809) les destinait au quatuor de J. P. Salomon, le commanditaire, pour une série de concerts à Londres en 1794.


Au cours de l’été 1680, le jeune Purcell composa un ensemble de quinze Fantasias and In Nomines allant de trois à sept parties, dont neuf Fantasias à quatre parties comme la Chaconne et les cinq Pavanes de la même année. Les craignant de genre déjà trop ancien à l’époque pour susciter quelque intérêt, il les mit au tiroir et la publication dut attendre l’enthousiasme bien justifié de Peter Warlock en 1927. Les Fantasias sont brèves, chacune d’une centaine de mesures seulement, mais ce sont de petits joyaux du genre, le contrepoint créant une polyphonie dense aux harmonies subtiles à la tonalité vacillante, la deuxième des neuf souvent chromatique et la huitième empilant des tonalités différentes par strates. Les Kitgut soignent les climats qui, au travers de trois épisodes toujours expressifs, passent de la mélancolie à une humeur plus positive aux rythmes alertes. Le mode mineur confie une plus grande sobriété à l’élégante Pavane et à la Chaconne dont la beauté remet brièvement en mémoire la profondeur de sentiment du Lamento de Didon, chaconne également. Locke composa les six «Suites» du Consort in four parts en 1661, les destinant au départ au broken consort qui admet la présence d’instruments de familles différentes, et les faisant interpréter plus tard uniquement par les cordes. Ce sont des suites à l’ancienne qui comprennent quatre mouvements: Fantaisie, Courante, Air, Sarabande. Plus angulaire, plus extériorisée, et pourtant moins éloignée du style purement élisabéthain que Purcell, l’écriture polyphonique de Locke ne manque ni de rigueur ni d’invention, et les quatre musiciens, toujours aussi attentifs aux rythmes appuyés et au phrasé mélodique, mettent en valeur toute son énergique fraîcheur.


Compositeurs et interprètes prêtent tout autant d’attention aux musiques de scène destinées aux semi-opéras de l’époque. Ces courtes pièces viennent en ouverture de la pièce de théâtre présentée ou en prélude d’acte ou en lever de rideau, d’où leurs titres «Act Tune» ou «Curtain Tune». En revanche, le Hornpipe et l’air Fairest Isle sont extraits de deux masques de King Arthur, c’est à dire des longs interludes de chant et de danse qui suivent chaque acte du drame parlé. La finesse de l’unique intervention de John Blow, toute en douceur et harmonie ensoleillées, installe un climat propice aux amours naissantes de Vénus et Adonis, en scène dès le lever de rideau du premier acte.


Un certain équilibre se trouve en alternant au programme les pièces de musique pure et la musique de scène, le deuxième Quatuor de l’Opus 71 de Haydn venant en plein centre. La grâce, la finesse et la précision chaleureuse de l’interprétation que les quatre musiciens donnent de cette œuvre à la fois somptueuse et délicate, confirment si besoin était l’excellence de leur prestation sur l’ensemble du programme. Le titre de l’album, «‘Tis too late to be wise», chanté en guise de carpe diem par les trois Nymphes au cours du quatrième masque de King Arthur, souligne le plaisir musical évident qui les habite et qui se communique à leur auditoire, d’autant plus facilement qu’ils bénéficient d’une prise de son qui laisse apprécier l’unité sonore des quatre cordes sans en négliger le relief. C’est une réussite.


Christine Labroche

 

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com