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02/27/2020 «Concerti da Camera Vol. 1»
Georg Philipp Telemann: Concerto pour flûte à bec, hautbois, violon et basse continue en la mineur, TWV 43:a3 – Concerto pour flûte, viole de gambe, basson et basse continue en si mineur, TWV 43:h3 – Concerto pour hautbois, violon, viole de gambe et basse continue en sol mineur, TWV 43:g2 – Quatuor pour flûte, deux violes de gambe et basse continue en sol majeur, TWV 43:G12 – Quatuor pour flûte à bec, violon, alto et basse continue en sol mineur, TWV 43:g4 – Concerto pour flûte, violon, violoncelle et basse continue en ré mineur, TWV 43:d3 – Concerto pour flûte, violon, basson et basse continue en sol majeur, TWV 43:G11 Camerata Köln
Enregistré à la Deutschlandfunk Kammermusiksaal, Cologne (17-19 mars 2015) – 68’03
CPO 555 131-2 – Notice (en allemand et en anglais) de Wolfgang Hirschmann
«Telemann’s Garden»
Georg Philipp Telemann: Fantaisie n° 7 pour clavecin en la mineur, TWV 33:19: «Lentement» – Suite n° 5 pour flûte à bec, violon et basse continue en la mineur, TWV 42:a3 – Fantaisie n° 9 pour violon seul en si mineur, TWV 40:22: «Sicilienne» – Quatuor parisien n° 3 pour flûte, violon, viole de gambe et basse continue en sol majeur, TWV 43:G4 – Fantaisie n° 1 pour flûte seule en la majeur, TWV 40:2: «Vivace», «Allegro» – Sonate en trio n° 10 pour flûte à bec, violon et basse continue en la mineur, TWV 42:a4 – Sonate n° 9 pour viole de gambe et basse continue en mi mineur, TWV 41:e5: «Recitativo & Arioso»
Elephant House Quartet: Bolette Roed (flûte à bec), Aureliusz Golinski (violon), Reiko Ichise (viole de gambe), Allan Rasmussen (clavecin)
Enregistré en la Garnisonskirken, Copenhague (29-31 mai 2018) – 58’56
Pentatone PTC 5186749 – Notice (en anglais et en allemand) de Carsten Lange
«Per tromba & corno da caccia»
Georg Philipp Telemann: Suite pour deux cors, deux hautbois et basson en fa majeur, TWV 44:F16 – Menuet pour deux cors, TWV 40:110 – Concerto pour deux hautbois et basson en fa majeur – Concerto pour trompette, deux hautbois et basse continue en ré majeur, TWV 43:D7 – Air pour trompette et basse continue en ut majeur, TWV 41:C1 – Marche pour deux cors, trois hautbois, basson et timbales en fa majeur, TWV 50:F43
Anonyme: Suite pour trompette, deux hautbois et basson en si bémol
Maximilian Fiedler: Concerto a 3 pour deux cors de chasse et basson en mi bémol
Ensemble Eolus: Jean-François Madeuf (trompette et cor), Pierre-Yves Madeuf (cor), Elsa Franck, Johanne Maître (hautbois), Jérémie Papasergio (basson), Elisabeth Geiger (clavecin) – Philippe Canguilhem (hautbois), Jean Chamboux (timbales)
Enregistré en l’église Notre-Dame de Centeilles, Siran (juin 2018) – 57’48
Ricercar RIC 397 (distribué par Outhere) – Notice (en anglais, français et allemand) de Pierre-Yves Madeuf
«Chameleon»
Georg Philipp Telemann: Quatuor n° 6 en mi mineur, TWV 43:e4: «Prélude»; «Modéré» – Sonate pour flûte, violon et clavecin en la mineur, TWV 42:a4 – Menuet 17 en ut majeur, TWV 34:67 – Sonate pour violon, violoncelle et basse en sol majeur, TWV 42:G7 – Menuet 38 en fa majeur, TWV 34:88 – Suite tirée du «getreue Music-Meister» – Menuet 7 en la mineur, TWV 34:57 – Concerto à 3 pour deux violons désaccordés et violone en la majeur, TWV Anh. 42:A1 – Menuet 48 en sol majeur, TWV 34:48 – Quatuor en sol mineur, TWV 43:g4
New Collegium
Enregistré en l’Oude Kerk, Zwijndrecht (2-4 juillet 2018) – 73’51
Ramée RAM 1904 (distribué par Outhere) – Notice (en anglais, allemand et français) de Steven Zohn
Sélectionné par la rédaction
On a peut-être un peu trop tendance, dans le monde baroque, à ne se focaliser que sur la virtuosité à tout crin, surtout lorsqu’elle est vocale, et sur les concertos dont le charme (notamment lorsqu’ils sont de la plume de Vivaldi) jamais ne s’estompe... Il ne faut pas oublier dans cet océan musical la musique de chambre de Telemann qui, si elle est – hormis ses Quatuors parisiens – peut-être un rien moins connue que certaines de ses pages concertantes ou orchestrales, ne cesse de susciter de nouveaux disques. En voici quatre récents exemples, lesquels témoignent tout à la fois du talent du compositeur hambourgeois et des ensembles baroques du moment.
La parution du disque Telemann chez CPO aura pris son temps: trois ans entre la date d’enregistrement et son année de parution! Mais la Camerata de Cologne, qui connaît son Telemann sur le bout des doigts si l’on se souvient de la magistrale anthologie de concertos dirigés de la flûte par Michael Schneider (voir ici) a eu raison de ne pas se précipiter, le résultat étant une fois de plus extrêmement convaincant et témoignant d’une profonde compréhension de ce répertoire. Pour une fois, la flûte à bec de l’allemand n’est pas la seule vedette car, outre en vérité chacun de ses autres partenaires, c’est le hautbois de Hans-Peter Westermann qui appelle le plus d’attention. Sa vélocité à toute épreuve dans le Vivace du Concerto en la mineur se mue en une mélodie souveraine dans le Lento du Concerto en sol mineur, l’Allegro conclusif de la même œuvre distillant un rythme et des motifs presque obsédants. Dans le Quatuor pour flûte et deux violes de gambe, combinaison des plus originales, ce sont ces deux dernières qui s’avèrent les plus intéressantes, usant d’une technicité redoutable dans l’Allegro avant que le Soave qui suit ne prenne au contraire son temps, posant ses sonorités avec soin et portant toute l’attention de l’auditeur sur des basses chaudes et profondes. Si certains instrumentistes sont plus fréquemment mis en valeur dans ce disque, il convient de rappeler que chaque instrumentiste se voit tôt ou tard confier le thème ou la conduite de l’ensemble; cette façon de faire est particulièrement mise en exergue dans le Quatuor en sol mineur où l’alto se veut chantant, la flûte frivole, tandis que le violon tient à rester maître du jeu, le clavecin assurant avec une belle assise son rôle de basse continue. La magie de Telemann fait que, dans l’Affettuoso débutant le Concerto en sol majeur, le basson se pare sans aucune difficulté de toute la douceur requise pour être à la hauteur du dialogue auquel le convie la flûte: le début d’une intégrale à suivre de près.
Que le nom d’Elephant House Quartet n’incite pas le lecteur, pas plus que l’auditeur, à penser que nous allons avoir ici affaire à un jeu grossier, pataud ou maladroit (encore que lesdits pachydermes soient eux-mêmes assez éloignés de ces poncifs...)! Bien au contraire, les quatre musiciens requis dans ce disque (Bolette Roed à la flûte, Aureliusz Golinski au violon, Reiko Ichise à la viole de gambe et Allan Rasmussen au clavecin) font tour à tour montre de la plus extrême finesse pour nous brosser un tableau assez complet de la musique de chambre de Telemann. Les extraits de pièces pour instrument seul (qu’il s’agisse des Fantaisies pour flûte à bec seule, qui ont le vent en poupe tant au concert qu’au disque, ou des Fantaisies pour violon ou clavecin) mettent immédiatement en valeur les traits communs à nos instrumentistes: technique irréprochable, caractérisation de chaque mélodie, recherche interprétative... Evidemment, le jeu à quatre multiplie cette réussite, à l’image de la Suite n° 5 où l’équilibre entre violon et flûte est assez idéal, la basse continue (tout spécialement le clavecin) assurant une assise on ne peut plus confortable aux deux voix du dessus (écoutez notamment le deuxième mouvement Poco vivace), le Vivace étant remarquable du strict point de vue de la rythmique, parsemé de faux-semblants et de ruptures où tout est inattendu. Dans le Troisième Quatuor parisien, c’est la viole de gambe qui est particulièrement remarquable, la liberté interprétative de la flûte dans le «Légèrement» (les légers ralentis de temps à autre) ou ses clins d’œil dans le «Modéré» n’empêchant pas l’ensemble de se livrer avec beaucoup de naturel et sans le sentiment d’affectation que l’on peut parfois ressentir à l’écoute d’autres disques. Une réussite!
On connaît bien certaines œuvres de Telemann qui font appel aux trompettes ou aux cors, en solistes ou en tutti: le disque que réalise, puisque c’est bien lui le maître d’œuvre, Jean-François Madeuf nous permet d’explorer un autre pan du répertoire du compositeur de Hambourg. Puisque voici là plusieurs pièces dédiées à des ensembles d’instruments à vent qui mettent tour à tour la trompette ou le cor de chasse en valeur, le soliste étant toujours bien épaulé par le basson ou les hautbois. La première pièce, la Suite en fa majeur, est peut-être la plus intéressante; donnant une certaine importance à l’ensemble des vents requis (notamment au basson qui joue plus que jamais le rôle d’assises pour ses comparses), elle témoigne de la dextérité de chaque instrumentiste, notamment dans la «Fanfare» conclusive. Le Concerto pour trompette en ré majeur est assez illustratif des sonorités propres à l’œuvre de Telemann, le registre aigu du premier mouvement étant relayé par le reste de l’ensemble avec beaucoup de naturel et le Vivace concluant le concerto témoignant pour sa part de la virtuosité sans faille de Jean-François Madeuf. Avouons que le reste du disque nous semble moins intéressant car plus répétitif, le concerto pour deux hautbois et basson (dont la paternité à Telemann n’est d’ailleurs pas certaine) ne suscitant guère d’intérêt, la Suite «Rostocker» étant assez répétitive (la Bourrée permettant seulement à la trompette de jouer une mélodie dont le schéma est ensuite repris à l’identique par le hautbois...), le concerto de Fiedler ne retenant pas davantage l’attention avec, notamment, deux mouvements d’une minute à peine où tout nous semble assez laborieux. Un répertoire défendu avec ardeur par un des cornistes-trompettistes les plus solides de la scène baroque depuis de nombreuses années mais, somme toute, bien mineur.
Passons du grand animal, l’éléphant précédemment évoqué, au (beaucoup) plus petit avec ce disque Chameleon, qui souhaite nous donner un aperçu, aussi partiel soit-il, de la musique de chambre de Telemann. Comme on l’a souvent remarqué chez lui, le compositeur avait une prédilection pour la flûte à bec ou le traverso, qu’il s’agisse de ses Fantaisies ou de plusieurs de ses concertos, certains parmi les plus connus; ces affinités se retrouvent une nouvelle fois dans ce disque de l’ensemble New Collegium. La Sonate en la mineur exploite toutes les potentialités de la flûte qui s’impose dès le Largo initial, alternant avec la même réussite dextérité (les deux mouvements pairs) et sensibilité du timbre, le violon dialoguant d’égal à égal avec elle, la basse continue n’étant pas en reste face à ces échanges parfois étourdissants. Si la Sonate en sol majeur n’appelle guère de remarques, mettant seulement en scène le violon, le violoncelle et le clavecin avec, notamment un Allegro conclusif d’une vivacité et d’une légèreté rafraîchissantes, on soulignera en revanche le petit bijou qu’est ce Concerto à 3 en la majeur qui débute par un Affettuoso empreint d’une finesse et d’une délicatesse dans les timbres et le jeu des instrumentistes véritablement remarquables (ne négligeons pas davantage dans cette pièce l’Aria, qui met une fois encore le violon en valeur). On ne s’étendra pas non plus sur le Quatuor en sol mineur, sauf pour souligner l’Allegro initial à l’énergie communicative, chaque instrumentiste étant tour à tour soliste, l’alchimie entre tous s’avérant idéale. Un mot tout de même au sujet de la suite Der getreue Music-Meister. Des vibratos initiaux de la flûte (peut-être pour évoquer les frimas de l’hiver?) au jeu véloce du clavecin tant dans son rôle de basse continue (Largo) que de soliste («Ouverture à la Polonoise» et non «Polonaise»...) en passant par la «Pastourelle», qui n’est pas sans évoquer Zelenka, le grondement initial du clavecin conduisant à l’emballement général, on est happé par cette diversité de couleurs, de rythmes: un disque remarquable.
Le site de la Camerata de Cologne
Le site du Elephant House Quartet
Le site de Jean-François Madeuf
Le site du New Collegium
Sébastien Gauthier
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