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01/24/2020
«Hikaye»
Yiannis Konstantinidis : Huit danses des îles grecques
Arno Babadjanian : Six Images
Ulvi Cemal Erkin : Duyuslar: 2. «Küçük Coban»
Vasilije Mokranjac : Six danses
Stéphane Galland : Jeux
Ernest Bloch : Ex-voto
César Franck : Danse lente, en fa mineur
Tōru Takemitsu : Litanie, à la mémoire de Michael Vyner

Isıl Bengi (piano)
Enregistré à l’Auditorium Maene, Ruiselede, Belgique (juillet et octobre 2019) – 53’38
Fuga Libera FUG 759 (distribué par Outhere) – Notice en anglais, français et allemand d’Isıl Bengi et de Chris Maene


 Sélectionné par la rédaction





Au fil des ans, les membres de la famille d’Isıl Bengi se sont répartis les uns au travers de la Turquie et les autres, par goût, par contrainte ou par nécessité, en Arménie, Grèce, Japon, Serbie et en Suisse. La pianiste a elle-même quitté la Turquie pour parachever sa formation musicale principalement en Belgique (où elle a élu domicile) mais aussi auprès d’Anne Queffélec et Pierre Amoyal en France. Dans ces conditions, on comprend aisément que le concept très personnel de son récital soit une évocation de vie et une réunion de famille spirituelle, avec, à son programme, des compositeurs des pays susmentionnés qui se sont inspirés de gammes, de techniques, de styles, de rythmes et de motifs puisés dans les différentes musiques traditionnelles tout en y apportant chacun son génie particulier et son savoir de musicien classique.


Un tel concept peut produire des résultats très variés. Les riches choix d’Isıl Bengi mènent à un récital qui ouvre, peut-être, à la découverte, mais qui est, essentiellement, d’un grand souffle pianistique, tant les morceaux sont denses, intenses, rythmés et expressifs, rageurs ou doux. D’une modernité parfois confondante, certaines compositions osent une verticale polyrythmique et polyphonique, voire hétérophonique, les mêmes ou d’autres, une horizontale aux mesures parfois impaires et aux syncopes brisées ou boiteuses. Toujours d’une grande musicalité, Isıl Bengi adapte spontanément son style et ses techniques aux exigences des œuvres, passant à l’aise de la douceur expressive qui sied au rythme de valse brisée de la Danse lente (1885) de Franck à l’énergie fracassante ou burinée qui convient aux saisissants Jeux (2010-2012) de Stéphane Galland (né en 1969) et à certaines des audacieuses Images (1965) d’Arno Babadjanian (1921-1983), tandis que les Images plus ombreuses se traversent de chatoyantes fulgurances.


Etincelles autour d’une flamme vive ou d’une mélancolie tout orientale, les Danses complexes (1954) de Yiannis Konstantinidis (1903-1984) appellent à une souplesse de style dans l’instant, comme les aventureuses Danses (1950-1957) aux strates inventives et aux rythmes croisés de l’étonnant Vasilije Mokranjac (1923-1984). Celles-ci nécessitent une furieuse acrobatie digitale mais aussi la touchante sensibilité qu’exige la belle simplicité du «Petit Berger», deuxième pièce des onze Impressions (1937) d’Ulvi Cemal Erkin (1906-1972), qui évoque un air de flûte joué par le personnage de son titre. Moins hébraïque qu’alpin, l’émouvant Ex-voto (1914) de Bloch se termine dans un grand recueillement alors que la Litanie, à la mémoire de Michael Vyner (1950/1989) de Takemitsu, sombre, élégiaque et douloureuse dans une première partie soudain et brièvement pentatonique, devient plus contrastée dans la seconde aux fréquentes ruptures de registre, de rythme et de climat et aux silences éloquents. L’interprétation d’Isıl Bengi en accentue tout le déchirement d’une séparation.


Pour ce programme, la pianiste turco-belge se dit «ravie et très honorée d’être la première artiste à enregistrer sur le modèle de piano à queue créé par le facteur de pianos belge Chris Maene en collaboration avec l’architecte Rafael Vinoly». Conçu au départ à la demande de Daniel Barenboim, c’est un piano à queue aux cordes parallèles, qui rappelle, par sa chaleur et ses caractéristiques sonores, les pianos du XIXe siècle tout en gardant la puissance d’un piano moderne. Isıl Bengi en fait jouer les couleurs avec succès au cours de son programme, bien que, par moments, on puisse croire entendre un piano de concert moderne, aux cordes croisées, dont on aurait un peu diminué la force des ressorts. Il s’ensuit que, si l’opale du piano Maene convient aux Jeux du jazzman Stéphane Galland, par exemple, on aimerait aussi un jour entendre la force percussive de cette œuvre aux vagues déferlantes sur un Steinway au feu de diamant.


Dans son ensemble, c’est un récital tout à fait captivant mené à bien par une interprète agile, habile, convaincue et convaincante, tour à tour douce, lyrique, puissante et énergique. C’est un récit (Hikaye en turc) conté avec passion, une aventure merveilleuse qui mérite toute l’attention des musiciens et des mélomanes.


Le site d’Isıl Bengi


Christine Labroche

 

 

 

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