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10/21/2019
Georges Enesco : Pièces impromptues, opus 18 – Suite n° 2 en ré majeur, opus 10 – Regrets
Sina Kloke (piano)
Enregistré en l’abbaye de Marienmünster, Allemagne (11-13 janvier 2017) – 64’56
SACD MDG 904 2039-6 (distribué par Socadisc) – Notice (en anglais, français et allemand) d’Inna Klause


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Pour son premier récital confié au disque, Sina Kloke conçoit un beau programme bienvenu qui témoigne du génie précoce et de l’évolution harmonique et rythmique de Georges Enesco (1881-1955) dont les recherches de fusion entre les styles néo-classique et romantique et l’hétérophonie complexe de la tradition roumaine ne cesseront de s’enrichir, comme l’illustrent clairement ici le bref Regrets de 1898, la Seconde Suite de 1903 et les Pièces impromptues composées entre 1913 et 1916. La grande qualité de l’interprétation de la jeune pianiste allemande en fait un événement marquant qui mérite le meilleur accueil.


Les trois œuvres réunies illustrent le grand talent du compositeur, occulté, fut un temps, par la carrière extraordinaire du violoniste. La technique assurée et la sensibilité expressive de Sina Kloke révèlent avec clarté la densité de l’écriture rythmique, polyphonique, voire hétérophonique, d’Enesco, tout en laissant s’épanouir la poésie des thèmes mélodiques. Son jeu nuancé mène admirablement à bien le riche foisonnement des voix secondaires, l’attention qu’elle porte aux timbres et aux résonances permettant une belle irisation des strates. Musclée ou gracieuse, l’élégante virtuosité de sa prestation investie ne peut que bien servir toutes les facettes de ce programme séduisant.


Connues aussi sous le titre de Troisième Suite, les sept Pièces impromptues, composées les deux premières à Paris, les autres en Roumanie, confirment la présence de plus en plus intégrée du caractère populaire roumain qui irrigue les thèmes et les techniques à la manière de Bartók ou de Szymanowski. En ouverture, le lyrisme délicat des arpèges fluides de «Mélodie» ouvre la voie aux espaces bucoliques plus affirmés de «Voix de la Steppe», les deux encore d’esprit fauréen. D’une modalité harmoniquement plus dense, les deux pièces centrales fascinent, la «Mazurka mélancolique» par la constance de son rythme balancé, subtilement mené de manière sans cesse variée, et la vive «Burlesque» capricieuse par sa verve mordante qui, par l’oblique, peut faire penser à Debussy (un «Golliwogg’s Cakewalk» ou un «General Lavine-eccentric» d’allure moins occidentale). Les trois pièces conclusives, liées par leurs thèmes, sont les plus novatrices par la polyrythmie acrobatique de l’«Appassionato», par la nature des doux accords expressifs de «Choral», et par le jeu extraordinaire sur les timbres du «Carillon nocturne» final qui évoque, dans un langage pianistique notable, les résonances poétiques de cloches de monastères orthodoxes au cœur de la montagne.


Les quatre volets de la Seconde Suite portent encore des titres baroques, à l’image de Debussy, peut-être: une «Toccata» carillonnante, plus mélodique que rythmique, qui vient bien à propos à la suite des résonances de la dernière Pièce impromptue, une touchante «Sarabande» aux phrases délicatement arpégées sur plusieurs strates, une «Pavane» d’une grande fluidité presque romantique, et une éblouissante «Bourrée» affirmée et alerte, aux variations rythmiques d’une originalité frappante. Toujours richement texturé mais de caractère plus brahmsien, le touchant Regrets, encore du jeune âge du compositeur, clôt le récital comme à... regret.


Le jeu de Sina Kloke met admirablement en valeur la diversité et la complexité engageante des compositions pour le piano de Georges Enesco. Malgré la présence de plusieurs intégrales, (celles de Borac, Stirbat et Solaun parmi les plus récentes), ce «programme court» ne peut manquer d’intérêt tant il plaide bien la cause des prouesses enesciennes. Les déjà convaincus en seront ravis et, pour ceux qui veulent s’ouvrir au compositeur roumain, c’est une excellente entrée en matière, intelligente, précise, sensible et tout à fait captivante. Chaleureusement recommandé.


Le site de Sina Kloke


Christine Labroche

 

 

 

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