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07/06/2019 «Schubert-Ellington»
Die Forelle; Caravan – Reminiscence 1 – Impromptu – Vers Gretchen – Chanson d’Ophélie – Take the A train – Canto – Reminiscence 2 – Wild is the Wind – Vers Auf dem Wasser Karen Vourc’h (soprano), Thomas Savy (clarinette, clarinette basse), Louis Rodde (violoncelle), Guillaume de Chassy (piano)
Enregistré en public en l’abbaye de Noirlac, Bruère-Allichamps (30 novembre 2018) – 45’
B Records LBM019 (distribué par Outhere)
Quelle surprise de constater que cet enregistrement hors normes soit choisi par un jeune éditeur, B Records, dont le catalogue comporte des enregistrements de concerts aussi passionnants et aussi bien choisis que certains très grands soirs du Festival de Pâques de Deauville et des récitals de chant du Théâtre de l’Athénée à Paris et de la Fondation Royaumont.
On ne doute pas de l’intérêt du programme ni que le public qui a assisté à ce concert à l’abbaye de Noirlac sous l’égide de la Fondation Singer-Polignac en novembre 2018 ait pris plaisir à l’écouter. L’union entre Franz Schubert et Duke Ellington, célébrée par le trait de ponctuation adéquat (à moins qu’il ne s’agisse du signe mathématique de la soustraction?), a été décidée par les quatre interprètes dans un désir libertaire. Soit! Et de se lancer dans un désir d’improvisation qui n’est pas vraiment dans leurs habitudes musicales...! Pourquoi pas? En faire un «laboratoire perpétuel» qui permet au gré du temps de convoquer Dusapin, Tiomkin, Chostakovitch... Certes!
On avoue être loin d’être convaincu par le résultat. Sauf si le disque, qui pour nous a le devoir de garder la mémoire d’un événement mémorable, est un objet éphémère que l’on remet en guise de souvenir à l’auditeur d’une soirée.
La soprano Karen Vourc’h, dont on garde des souvenirs excellents au théâtre lyrique, s’autorise pour ces improvisations un débraillé vocal et de prononciation qui la fait chanter toujours trop bas pour ne pas dire faux et n’apporte rien de bien original aux fragments de lieder (Marguerite rebaptisé «au roué» dans la notice ou «vers Gretchen», La Truite, Auf dem Wasser zu singen) que l’on reconnaît au passage. Le mariage rythmique des ondulations de la truite et des ballottements de la caravane d’Ellington est peut être la meilleure trouvaille ce ces confrontations. Les détimbrages de la voix du soprano sur Canto de Dusapin et Chanson d’Ophélie de Chostakovitch sont un supplice pour toute oreille habituée à la mélodie, clarinette et violoncelle accentuant ce malaise.
Wild is the Wind, d’après la chanson de Dimitri Tiomkin du film éponyme de George Cukor, est le meilleur moment d’improvisation libre du concert, l’interprétation restant convaincante à condition d’oublier l’original et celles de Nina Simone ou de David Bowie. Elle s’enchaîne par un arrangement étonnant à un Auf dem Wasser zu singen chanté résolument faux. Il se trouve sur YouTube un extrait de l’émission télévisée La Boîte à musique de Jean-François Zygel (France 2) dans laquelle le pianiste Guillaume de Chassy joue un des morceaux de résistance de ce programme, une déstructuration de l’Impromptu opus 90 n° 2 de Schubert, mâtiné de Voyage d’hiver, de Sonate en si mineur et de jazz. Les airs dubitatifs, amusés, entendus et les commentaires de l’animateur et des invités prestigieux de cette émission plaideront, on l’espère, d’avantage en faveur de cet enregistrement qui n’est peut être pas tombé ici entre les meilleures mains.
Olivier Brunel
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