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07/06/2019
«Das Leiden Jesu. Passion Cantatas I»
Christoph Graupner : Cantates «Erzittre, toll und freche Welt», GWV 1120/41, «Christus, der uns selig macht», GWV 1121/41, et «Fürwahr, er trug unsere Krankheit», GWV 1125/41 Solistenensemble Ex Tempore, Barockorchester Mannheimer Hofkapelle, Florian Heyerick (direction)
Enregistré en public en la Pauluskirche de Darmstadt (25-28 février 2016) – 68’41
CPO 555 071-2 – Notice (en allemand et en anglais) de Beate Sorg, Marc-Roderich Pfau et Ursula Kramer
Christoph Graupner: Ouvertures-Suites en la mineur pour flûte traversière, cordes et basse continue, GWV 322, et en sol mineur pour deux flûtes traversières, cordes et basse continue, GWV 470 – Concerto pour deux hautbois, cordes et basse continue en si bémol majeur, GVW 342 – Concerto pour deux trompettes, timbales, cordes et basse continue en ré majeur, GWV 318
L’arpa festante, Rien Voskuilen (clavecin et direction)
Enregistré en la Martinskirche de Müllheim (6-8 septembre 2017) – 73’27
Accent ACC 24350 – Notice (en anglais, français et allemand) de Bernd Heyder
«Duo-Kantaten»
Christoph Graupner : Ouverture en fa majeur «Le Desire», GWV 445 – Cantates «Demüthiget euch nun», GWV 1144/12, «Waffne dich, mein Geist, zu kämpfen», GWV 1148/20, «Wenn wir in höchsten Nöthen seyn», GWV 1143/12, et «Weg, verdammtes Sündenleben», GWV 1147/20 – Sonate en trio en ré majeur, GWV 204: 1. Affettuoso -– Canon all’unisono en si majeur, GWV 218 : 1. Grave – Sonate en sol mineur, GWV 724
Miriam Feuersinger (soprano), Franz Vitzthum (contre-ténor), Capricornus Consort Basel, Peter Barczi (violon solo et direction)
Enregistré en l’église catholique Sainte-Croix de Binningen, Suisse (7-9 mai 2018) – 65’09
Christophorus CHR 77427 – Notice (en allemand et en anglais) de Bernd Heyder
Sélectionné par la rédaction
Christoph Graupner (1683-1760) fait partie de ces compositeurs peu à peu redécouverts, faute d’avoir réussi à percer plus tôt à côté des géants de l’ère baroque. Candidat malheureux au poste de cantor à Leipzig (le poste étant finalement revenu à un certain Johann Sebastian Bach...), Graupner fut employé à la cour de Hesse-Darmstadt, où il fit l’essentiel de sa carrière. Auteur prolifique de centaines de cantates, d’œuvres orchestrales et concertantes et de pièces pour clavecin (défrichées par la claveciniste Geneviève Soly, qui a enregistré plusieurs disques chez l’éditeur Analekta), Graupner ne demande qu’à être redécouvert. Voici trois points d’entrée dont les mérites s’avèrent des plus complémentaires.
Commençons, non par l’ordre chronologique de parution de ces trois disques mais plutôt par le disque le plus «facile» d’abord, à savoir le seul disque uniquement instrumental. Car, à l’image de ce large fauteuil aux couleurs mordorées et au tissu délicieusement ouvragé qui illustre la jaquette, voilà une parution qui mérite les plus vifs éloges tant l’ensemble de L’arpa festante sait en sublimer la finesse instrumentale. L’Ouverture en huit mouvements qui ouvre ce voyage commence par son mouvement le plus faible, non par sa réalisation mais par son manque d’imagination: on a l’impression d’avoir entendu cela de nombreuses fois, notamment chez quelqu’un comme Fasch (l’Ouverture en la mineur FWV K:a1 semble en être un véritable calque). Le reste est en revanche excellent et nous attire immédiatement, le sommet résidant dans ce très original Menuet aux violons acides, presque grinçants, «Le Contentement» étant également un superbe moment, offrant à lui seul à la flûte un mouvement digne de celui d’un concerto à part entière. Et c’est de nouveau la flûte, ou plutôt les flûtes puisque la seconde Ouverture du disque fait appel à ces deux instruments solistes (remarquablement tenus en l’espèce par Monika Kleinle et Christine Brandauer), qui sont à l’honneur dans cette œuvre de sept mouvements cette fois-ci. Allez écouter d’emblée la belle Gavotte en rondeau, le mariage entre les deux solistes étant absolument étincelant. Dommage que le Concerto pour deux trompettes soit si plat en dépit d’un troisième mouvement plutôt brillant, Graupner n’ayant pas eu là une main très heureuse. Quant au Concerto pour deux hautbois, il ne manque pas de qualités, rappelant notamment dans l’Allegro conclusif ce que l’on peut entendre chez Telemann, mais avec moins de génie ici, il faut bien le reconnaître.
Parmi les deux disques consacrés à des œuvres vocales de Graupner, au sein d’une production hallucinante (le site de la Graupner Gesellschaft estimant à plus de 1400 le nombre de cantates qu’il aurait composées!), commençons par celui qui témoigne le plus du caractère «allemand» de Graupner, lui qui fit l’essentiel de sa carrière dans la ville de Darmstadt. Florian Heyerick fait ressortir toute la gravité, toute l’austérité même pourrait-on dire, de ces trois cantates, qui nous ancrent dans le climat religieux de l’Allemagne protestante de l’époque. Dès le premier mouvement de la Cantate GWV 1120/41, le rythme obsédant des cordes et les arêtes tranchantes nous font immédiatement penser à la fameuse Cantate BWV 54 «Widerstehe doch der Sünde» de Bach. Si l’on perçoit ici ou là quelque théâtralité dans la réalisation (l’accélération des cordes dans le duo «Jesus fühlet Höllenflammen»), c’est tout de même une certaine retenue qui domine, les quatre solistes étant accompagnés par un orchestre assez imaginatif, à l’image du basson solo dans l’air de basse «Er weicht, ihr harten Sünderherzen». C’est également l’instrumentarium qui appelle en premier lieu l’attention dans les deux cantates suivantes avec, notamment, la présence d’un et même de trois chalumeaux dans la dernière œuvre (étonnant dialogue entre eux et les violons dans l’air de la soprano «Menschenfreund, ach welch Verlangen»). Le chœur est excellent et les solistes toujours au diapason des paroles déclamées, mention spéciale aux deux sopranos, Doerthe-Maria Sandmann et Simone Schwark.
On y verra peut-être un paradoxe mais le sommet absolu, sans conteste possible, de ce second disque vocal réalisé par l’ensemble Capricornus Consort de Bâle, consacré lui aussi à des cantates de Graupner, est une petite pièce instrumentale de 3’28: «Le Desire» (avec un e), tiré de l’Ouverture GWV 445. Un véritable bijou par sa simplicité, le jeu millimétré et tout en retenue de Peter Barczi au violon solo: à lui seul, ce morceau justifie l’écoute d’un disque très beau par ailleurs. De même, l’oreille reste attirée ensuite par un autre intermède instrumental (le Grave tiré du Canon GWV 218), splendide morceau où les deux violons solos (Peter Barczi toujours et Eva Borhi) s’entremêlent de la plus belle des façons. Quant aux quatre cantates présentées sur ce disque, elles frappent cette fois-ci par leur italianité, les très belles voix de la soprano Miriam Feuersinger (un rien voilée parfois mais qui ajoute ainsi une fragilité des plus idoines à la ligne vocale comme dans le Largo de la Cantate GWV 1148/20) et du contre-ténor Franz Vitzthum se mariant souvent à merveille. Les duos révèlent tout le miel de ces compositions, à commencer par le Duetto. Presto concluant la Cantate GWV 1144/12 ou celui concluant la dernière cantate, numérotée GWV 1147/20. Franz Vitzthum bénéficie d’une très belle projection, murmurant presque son discours de temps à autre, dans un écrin orchestral minimaliste mais dont le soutien s’avère sans faille, qu’il s’agisse de la basse continue (le Largo de la Cantate GWV 1148/20) ou des solistes (très belle Aria de la Cantate GWV 1143/12). Un disque à la réalisation magnifique qui s’impose à nos yeux comme étant la porte d’entrée idéale pour pénétrer l’œuvre vocale de Christoph Graupner.
Le site de la Société Christoph Graupner
Le site de Florian Heyerick
Le site de l’ensemble Mannheimer Hofkapelle
Le site de Miriam Feuersinger
Le site de Franz Vitzthum
Le site de Capricornus Consort de Bâle
Sébastien Gauthier
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