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05/24/2019 M. Offenbach nous écrit – Lettres au Figaro et autres propos réunis et présentés par Jean-Claude Yon Actes Sud – 480 pages – 13 euros
A l’occasion du bicentenaire d’Offenbach, plusieurs ouvrages paraissent pour le redécouvrir, ou plutôt mieux le connaître. Ce livre en format de poche revêt beaucoup d’intérêt pour ceux qui connaissent déjà bien ce compositeur. Jean-Claude Yon, auteur d’une biographie de référence chez Gallimard, a réuni des textes parus dans Le Figaro, un journal avec lequel le musicien a entretenu, jusqu’à la fin de sa vie, une relation très étroite, en particulier avec son patron, Hippolyte de Villemessant, un lien amical et professionnel intense et fécond.
Le titre peut induire en erreur: beaucoup de ces 110 textes publiés dans ce journal sont bien d’Offenbach, mais de nombreux autres furent écris pas différents contributeurs, dont bien sûr Villemessant. Offenbach fit du Figaro un véritable outil pour la promotion de sa personne et de son art. Nous avons beau réfléchir, nous ne trouvons pas un tel équivalent aujourd’hui d’une relation aussi étroite entre un artiste et un journal. La lecture de cette riche compilation nous éclaire ainsi sur de nombreux aspects de la dense carrière du compositeur, comme la création des Bouffes-Parisiens en 1855, son voyage aux Amériques en 1876 – un des passages les plus passionnants et truculents du livre – ou ses démêlés avec la critique. Offenbach réplique à ses détracteurs avec verve, fort d’une maîtrise stupéfiante de la langue, comme dans la polémique qu’il entretint avec Jules Janin à l’occasion de la création d’Orphée aux Enfers ou dans ses démêlés avec la SACD. Offenbach écrit aussi des lettres ouvertes, par exemple pour défendre un de ses opéras récemment redécouverts, Barkouf.
Une des parties les plus précieuses du livre est celle consacrée au concours d’opérette, lancé par le Figaro et Offenbach en 1856 – le règlement se trouve reproduit ici. Cette anthologie traduit également les difficultés que le compositeur a rencontrées dans les années 1870, marquées par la guerre franco-prussienne. L’ouvrage témoigne, en outre, de sa volonté coûte que coûte d’achever Les Contes d’Hoffmann et contient son éloge funèbre ainsi que diverses évocations suite au décès de cet homme épuisé et miné par la maladie. Il se dégage à la lecture de ce livre copieux le portait d’un personnage tout à la fois dur et généreux, attachant et passionnant, plein d’humour et d’esprit, doué pour l’entregent et les relations humaines.
La lecture de ces textes l’un à la suite de l’autre se révèle toutefois un peu fastidieuse, car il faut reconnaître que ceux-ci ne présentent pas tous le même intérêt, mais Jean-Claude Yon introduit soigneusement le contexte de chacun d’eux, en plus d’adjoindre à cette compilation une excellente introduction. Les passionnés du compositeur et de la vie musicale – voire de la vie tout court – au XIXe siècle prendront certainement du plaisir avec cette publication parue avec le soutien de l’incontournable Palazzetto Bru Zane.
Sébastien Foucart
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