Back
05/05/2019 Pierre Jodlowski : Ghostland Les Percussions de Strasbourg
Enregistré les 24 et 25 février 2018 au studio éole, Blagnac) – 38’36
Percussions de Strasbourg PDS218GH – Notice en français et anglais
Pierre Jodlowski (né en 1971) «revendique aujourd’hui la pratique d’une musique "active": dans sa dimension physique [gestes, énergies, espaces] comme psychologique [évocation, mémoire, dimension cinématographique]», précise la notice. Dans Ghostland (2017) pour quatre percussions, électronique et textes enregistrés, commande des Percussions de Strasbourg, cela prend la forme d’un «projet interdisciplinaire» que le disque capte «sous un angle plus contraint, focalisé sur la musique» (la version scénique originale mêlait l’espace et la lumière).
Au vrai, l’auditeur peine à faire la part des choses entre les sons produits par les instruments à percussion et ceux créés par l’électronique tant cette dernière accapare la perception d’ensemble. Aussi une part de la théâtralité inhérente au geste des musiciens passe-t-elle par pertes et profits. Quant au propos de l’œuvre, il nous a paru abscons: dans la première partie intitulée «Holon(s)», Katharina Muschiol récite sur un ton neutre des textes «empruntés aux classiques de la littérature allemande»; on reconnaîtra notamment Erlkönig de Goethe et Sturm de Heine. Mais sans doute aurait-il mieux valu ne pas identifier les poèmes puisque le compositeur entend qu’ils soient appréhendés comme des «fantômes»...
Sur ces vers sublimes (en réalité bien trop omniprésents dans le feu de l’écoute pour constituer de simples «traces de nos mémoires»), se greffe un univers sonore qui frappe par son naturalisme prosaïque, entre bruits de fritures et bulles d’oxygène éclatées, les phonèmes percussifs propres à la langue allemande engendrant par mimétisme ses clones électroniques. La deuxième section, «Büro», écarte la voix au profit de timbres métalliques, sons «sales» (et leur cortège d’harmoniques impures) de guitare électrique, distorsions diverses, jeux en jet-whistles. On songe à l’univers de Fausto Romitelli. Faisant davantage office de postlude, «Pulse», comme son nom l’indique, se focalise sur le rythme.
Pour multiforme que soit son talent, Pierre Jodlowski laisse ici évaporer son inspiration dans les nuages captieux du collage littéraire, plus décrétés que sentis. En outre, l’extraordinaire potentiel (timbrique, collectif) des Percussions de Strasbourg est bien sous-exploité en comparaison du récent et enthousiasmant Burning Bright (2014) d’Hugues Dufourt.
Jérémie Bigorie
|