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12/07/2018 Rodelinda Avec les contributions de Chantal Cazaux, d’André Lischke, Dominique Petit, Olivier Rouvière, Luca Dupont-Spirio, Laura Naudeix, Ivan A. Alexandre, Pierre Degott et Julien Garde
Avant-Scène Opéra n° 306 – 145 pages – 28 euros
Sélectionné par la rédaction
Si l’on en croit le récapitulatif des numéros parus, voici donc le dixième opus de L’Avant-Scène Opéra consacré à Georg Friedrich Händel avec Rodelinda (1725). Construit en trois actes sur un livret d’Antonio Salvi (lui-même s’étant inspiré de Corneille) adapté par le fidèle Nicola Francesco Haym, cet opéra nous permet de retrouver Händel à son meilleur avec, principalement, un formidable trio de personnages qui sont Rodelinda, reine des Lombards, épouse de Bertarido, roi de Milan (que l’on croit mort mais qui, parti en guerre contre les Huns, est bel et bien vivant comme Rodelinda l’apprendra elle-même à la scène 6 de l’acte II), dont le trône a été usurpé par Grimoaldo.
Ce numéro de L’Avant-Scène, richement illustré comme à son habitude, comporte bien évidemment quelques passages obligés à l’image de l’argumentaire détaillé et du guide d’écoute, précisément développé par André Lischke qui a, pour une fois, abandonné le domaine de la musique russe – rappelons néanmoins que le même Lischke avait déjà collaboré aux numéros consacrés aux deux grands chefs-d’œuvre de Händel que sont Rinaldo et Jules César. Autre élément sur lequel tout lecteur d’un numéro de L’Avant-Scène se précipite: la discographie qui, établie par Olivier Rouvière, comprend onze intégrales, dont certaines en allemand et en anglais (sur cet historique des versions, on se reportera au très intéressant article de Pierre Degott, qui nous rappelle notamment le travail pionnier du musicologue allemand Oskar Hagen dans les années 1920). Si Joan Sutherland a livré trois enregistrements (le plus convaincant en 1959, puis en 1973 et 1985), c’est finalement la version dirigée par Alan Curtis (Archiv Produktion, 2004) qui l’emporte faute de mieux, pourrait-on dire, la production enregistrée par William Christie à Glyndebourne en 1988 (avec Anna Caterina Antonacci dans le rôle-titre) étant pour sa part retenue comme étant le meilleur témoignage vidéo existant parmi les quatre officiellement disponibles (DVD Warner).
Pour le reste, le numéro de L’Avant-Scène consacré à Rodelinda nous éclaire tant sur le contexte que sur l’histoire de l’œuvre, au travers de plusieurs contributions du plus haut niveau. Alors que de nombreux livrets confondent allégrement la véritable Histoire et la légende ou la seule imagination, celui de Rodelinda se fonde sur des personnages qui ont vraiment existé: l’éclairage historique de Dominique Petit, qui rappelle à cette occasion que la reine Rodelinda (mariée à un certain Perctarit et dont le fils s’est appelé Cunicpert...) ne nous est connue que par quelques écrits de Paul Diacre (religieux, poète et historien du VIIIe siècle), son Histoire des Lombards mentionnant à seulement trois reprises le nom de l’héroïne de Händel. Si l’article de Luca Dupont-Spirio revêt un intérêt relatif (consacré aux portraits de la Cuzzoni, de Senesino et de Borosini, créateurs des principaux rôles, on pourrait finalement le retrouver dans plusieurs autres numéros de la présente collection tant ils innervent la vie musicale de Händel), de même que celui d’Ivan A. Alexandre (deux pages sur le seul personnage d’Unulfo, protagoniste assez secondaire qui n’apparaît d’ailleurs qu’à la scène 6 du premier acte), on attachera plus d’importance aux contributions de Laura Naudeix sur la psychologie de l’héroïne («femme énigmatique» à bien des égards, comme elle l’écrit elle-même) et de Julien Garde qui rappelle qu’une autre Rodelinda existe, héroïne d’un opéra en trois actes composé cette fois-ci par le plus méconnu Carl Heinrich Graun (les 245 pages du manuscrit étant consultables sur Gallica, le site de la Bibliothèque nationale de France).
Signalons enfin que ce numéro se conclut par des entretiens menés par Chantal Cazaux avec Emmanuelle Haïm, Jean Bellorini (metteur en scène), Jeanine De Bique (Rodelinda) et Tim Mead (Bertarido) à l’occasion de la production lilloise de Rodelinda en octobre dernier qui, à quelques changement près, va être donnée en version de concert au Théâtre des Champs-Elysées à Paris le 10 décembre prochain après l’avoir été à Caen au mois de novembre. Encore un excellent numéro donc à mettre au crédit de cette collection en attendant, on l’espère, de nouveaux volumes consacrés à Händel: à quand Radamisto ou Serse par exemple?
Sébastien Gauthier
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