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09/14/2018
«Philippe Herreweghe: A Conversation with Camille De Rijck»
Carlo Gesualdo : Madrigali a cinque voci (Libro sesto) [1]
Johann Sebastian Bach : Cantates «Ich elender Mensch, wer wird mich erlösen», BWV 48 [2], et «Herr, gehe nicht ins Gericht mit deinem Knecht», BWV 105 [3]
Ludwig van Beethoven : Missa solemnis, opus 123 [4]
Hector Berlioz : Nuits d’été, opus 7: 3. «Sur les lagunes» et 5. «Au cimetière» [5]
Gustav Mahler : Symphonie n° 4 [6]
Antonín Dvorák : Requiem, opus 89 [7]
Igor Stravinski : Requiem Canticles [8] – Threni, Id est lamentationes Jeremiae Prophetae [9]

Brigitte Balleys [5], Hana Blazíková [3], Ilse Eerens [7], Rosemary Joshua [6], Christina Landshamer [9], Marlis Petersen [4] (sopranos), Bernarda Fink [7], Ewa Wolak [8, 9] (mezzos), Thomas Dunford [1], Damien Guillon [2, 3], Gerhild Romberger [4] (altos), Thomas Hobbs [2, 3], Benjamin Hulett [4], Maximilian Schmitt [7, 9], Magnus Staveland [9] (ténors), Florian Boesch [8, 9], David Wilson-Johnson [4] (barytons), Nathan Berg [7] (baryton-basse), Peter Kooij [3], David Soar [9] (basses), Collegium Vocale Gent [1, 2, 3, 4, 7, 8, 9], Orchestre des Champs-Elysées [4, 5, 6], DeFilharmonie [7, 8, 9], Philippe Herreweghe (direction)

Enregistré dans un lieu non précisé (juin/octobre 1994 [5]), à Grenoble (11 et 12 mars 2010 [6]), Bruges (16-19 novembre 2011 [4]) Berlin (27-29 janvier 2012 [3], 31 janvier-2 février 2013 [2]), Anvers (28-30 avril [7] et 13-15 octobre [8, 9] 2014) et Asciano (1er-3 août 2015 [1]) – 349’59
Livre de 160 pages (en anglais, français, allemand et néerlandais) et cinq disques Phi LPH 026 (distribué par Outhere)





Philippe Herreweghe est sans aucun doute un des chefs les plus importants et les plus fascinants de ces vingt dernières années: né en 1947, il a donc fêté en 2017 ses soixante-dix ans. Ce fut l’occasion pour son label Phi de lui consacrer un copieux ouvrage de conversations conduites par Camille De Rijck, enrichi par ailleurs de cinq disques qui brossent en quelque sorte un portrait musical du chef flamand.


Ce n’est pas le premier ouvrage qui est consacré à Philippe Herreweghe: pour qui souhaite d’ailleurs disposer de davantage d’éléments biographiques, on ne peut que conseiller le très bon Philippe Herreweghe de Stephan Moens (dans la collection «Parcours musique» aux éditions Versant Sud). Car le propos de Camille De Rijck est autre et se concentre davantage sur ses choix musicaux, sur ses options esthétiques et, pourrait-on dire en hommage aux études de psychiatrie entamées par Herreweghe, à son intime philosophie de la musique. Au détour néanmoins de quelques souvenirs personnels (son éducation des plus strictes chez les Jésuites, ses études musicales, ses débuts comme chef d’orchestre et chef de chœur...), le chef met surtout en avant cette authenticité, on pourrait presque parler d’honnêteté (au sens de l’honnête homme du XVIIIe siècle), qui guide son travail de musicien depuis maintenant plus de quatre décennies. Qu’il s’agisse de rendre hommage à des figures méconnues du grand public mais qui lui ont permis de forger une sorte de conscience musicale (la famille Pousseur à Liège, Jan Priers ou Suzanne Clercx-Lejeune), de rendre hommage à des compagnons de toujours (Peter Kooij ou Dorothee Mields, à propos desquels il ne tarit pas d’éloges), Herreweghe met parfaitement en perspective l’évolution de l’interprétation qui, hier pouvait se permettre toutes les audaces et qui, aujourd’hui, doit composer avec les contingences économiques (une dimension assez récurrente dans ces entretiens) et les soucis de rentabilité imposés par les directeurs d’orchestres ou de salles.


Pour qui suit ce chef, ce n’est pas un secret mais ce qui transparaît également clairement dans ces entretiens, c’est son ouverture d’esprit: inconcevable pour lui de se laisser enfermer dans une case (Bach pour ne pas le citer...) alors qu’il aborde un répertoire allant de Josquin des Prés à Webern! Inconcevable également de s’en tenir à une règle interprétative immuable, la question des effectifs dans les pupitres d’un chœur pour chanter Bach dépendant notamment à ses yeux de la taille de la salle ou de l’église où va être chantée l’œuvre et non d’une règle ou, d’ailleurs, les témoignages de l’époque eux-mêmes mettent à mal le principe d’un soliste par voix. N’hésitant pas à donner quelques coups de griffe de-ci de-là (à Sergiu Celibidache, rencontré notamment lors de classes de maître où le chef roumain avait visiblement disserté sur Heinrich Schütz sans avoir les connaissances nécessaires, à William Christie, semble-t-il vexé du peu d’intérêt de Herreweghe pour le grand motet français...), Philippe Herreweghe livre une approche de la musique qui frappe par son authenticité et sa rigueur où brille notamment aujourd’hui Bruckner.


Etrange d’ailleurs que le maître de Saint-Florian (dont Herreweghe raconte, dans l’ouvrage de Stephan Moens, qu’il en garde de superbes souvenirs lorsque Bernard Haitink venait diriger ses symphonies avec le Concertgebouw d’Amsterdam dans la cathédrale Saint-Bavon de Gand) ne figure pas parmi les compositeurs illustrant le paysage sonore accompagnant ce livre. En revanche, on ne s’étonnera guère d’y trouver plusieurs disques dont certains ont déjà été critiqués dans nos colonnes, qu’il s’agisse de Gesualdo, de cantates de Bach, de la Missa solemnis de Beethoven, des Nuits d’été de Berlioz (peut-être son meilleur disque aux dires mêmes d’Herreweghe dans le présent livre d’entretiens), de la Quatrième Symphonie de Mahler, du Requiem de Dvorák ou de Stravinsky. Il fallait bien faire un choix mais, pour qui se sentirait frustré, on ne peut donc que conseiller l’achat du tout récent coffret paru chez Harmonia Mundi et qui, au fil de quelques trente disques, retrace ces «Harmonia Mundi Years» si prolifiques, de Rameau à Schönberg en passant par Mozart, Bach, Fauré et Beethoven.


Sébastien Gauthier

 

 

 

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