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09/12/2018
«Crazy Girl Crazy»
Luciano Berio : Sequenza III
Alban Berg : Lulu-Suite
George Gershwin : Girl Crazy Suite (orchestration Bill Elliott, arrangement Elliott et Hannigan)

Ludwig Orchestra, Barbara Hannigan (soprano et direction)
Enregistré à Hilversum (août 2016) – 57’23
Disque et DVD Alpha-Classics Alpha 293 (distribué par Outhere) – Notice en anglais, français et allemand





Concept autant que programme, «Crazy Girl Crazy», premier opus dans les deux rôles du soprano et désormais chef d’orchestre canadien Barbara Hannigan, est un produit terriblement américain. Il dépasse par ses ambitions artistiques et de marketing ce que à quoi nous sommes habitués en Europe. Il est cependant formaté, avec son film sous-titré en trois langues et sa notice trilingue, pour le marché européen.


Barbara Hannigan a été une Lulu de Berg très acclamée à Bruxelles puis à Hambourg. Le rôle l’a marquée au point que cet album traduit une véritable identification au personnage comme on peut le comprendre en lisant la notice et en visionnant le film Music is Music réalisé par Mathieu Amalric qui complète l’enregistrement. De fait de ce programme, c’est la Lulu-Suite de Berg – que, dans le texte de la notice Mrs. Hannigan qualifie un peu abruptement d’«espèce de bande-annonce que Berg écrivit pour promouvoir son opéra» – qu’elle dirige à la tête d’un ensemble de musiciens néerlandais, le Ludwig Orchestra, et dont elle chante les deux lieder de Lulu et de Geschwitz, qui est le meilleur. La direction est sage, sans grande prise de risque, l’équilibre entre les timbres bien réalisé (la prise de son est excellente dans tout l’ensemble du disque; il manque un peu de tension dramatique dans l’Ostinato et dans les Variations. L’interprétation des deux parties chantées est très intense, avec un véritable vécu théâtral à défaut d’un mordant dans les consonnes de la langue allemande. L’identification au personnage de Lulu est très forte. Mrs. Hannigan n’a-t-elle pas confié à un journaliste du New York Times qu’apprenant le rôle, elle prétendait faire la sieste pour s’enfermer dans sa chambre et être seule avec la partition de Berg?


La Sequenza III de Berio (Mrs. Hannigan trouve des correspondances avec la jeune Lulu dans le texte de Markus Kutter qui l’a inspirée) est parfaitement chantée, transposée vers le haut, alternative plus fraîche à l’interprétation de la créatrice Cathy Berberian qui, la chantant plus bas, y mettait des couleurs plus sombres. Plus discutable, la Suite de «Girl Crazy», une adaptation de songs de Gershwin réalisée par Bill Elliott, arrangeur à Broadway, (et Barbara Hannigan...) pour le même effectif instrumental que la Lulu-Suite, fait même chanter les musiciens. Le climat viennois conféré par l’arrangement, qui se réfère à Mahler, Ligeti et Berg, est certainement beaucoup trop froid pour évoquer l’atmosphère new-yorkaise. Mais est-ce bien le propos de Mrs. Hannigan qui, relevant que Gershwin composait sa Girl Crazy alors même que Berg composait sa Lulu, et évoquant leur complicité à Vienne, souhaite établir entre les musiques des deux compositeurs toutes sortes de correspondances supposées.


Le court film réalisé par le comédien et réalisateur primé à Cannes Mathieu Amalric montre l’artiste à l’œuvre avec les musiciens lors de l’enregistrement en 2016 à Hilversum (Pays-Bas) et l’intéressante séquence où elle les transforme en choristes improvisés pour l’accompagner dans «Embraceable you». Des images de sa Nouvelle-Ecosse natale sont mixées avec des textes et souvenirs d’enfance de Barbara Hannigan. Si la notice n’avait pas suffi, le film complète la démonstration que les trois œuvres du programme sont le miroir d’un même personnage.


Olivier Brunel

 

 

 

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