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03/31/2018
Jacques Amblard : Dusapin - Le second style ou l’intonation
Editions MF, collection «Répercussions» – 217 pages – 20 euros





En intitulant son ouvrage Dusapin - Le second style ou l’intonation, Jacques Amblard n’entendait pas livrer une biographie non plus qu’une introduction grand public à l’art d’un des compositeurs français vivants les plus joués au monde, mais une étude ciblée. Celle-ci porte sur la deuxième manière du maître (grosso modo les œuvres écrites dans les années 1990), passée au tamis de la notion d’intonation.


La réduction sur une période donnée, le lexique sinon indigeste du moins jargonneur, auxquels s’ajoute l’arsenal de notes en fin de volume (il est vrai précis et irrépréhensible), pourraient dissuader; on songe à cette saillie célèbre de Julien Gracq à l’encontre des analystes et critiques littéraires: «Que dire à ces gens qui, croyant posséder une clef, n’ont de cesse qu’ils aient disposé votre œuvre en forme de serrure?»


Aussi s’autorisera-t-on à sauter sans repentir les «Préliminaires» intitulés «Vers une analyse musicale de l’intonation» pour commencer l’étude proprement dite. De la pelote de «l’intonationnisme», Jacques Amblard tire le fil de réflexions pénétrantes où se mêlent philosophie, linguistique et musicologie. Cette démarche interdisciplinaire, loin de figer l’objet de son étude, offre au contraire l’avantage de l’appréhender par le truchement de plusieurs segments, étant «entendu» que «la musique de Dusapin échappe aux systèmes d’analyse».


Tandis que, dans la première période (qualifiée de «Xénakienne»), prévalent les micro-intervalles et les textures «néo-expressionnistes», la deuxième voit émerger certaines lignes de force que cristallise le cycle des Solos pour orchestre: «une pensée horizontale qui l’amène à personnifier, unifier une masse d’instruments hétérogènes en "une seule voix"» avec, pour corolaire, «une modalité restreinte» et le surgissement adventice de la tonalité, «incursion inopinée au sein de l’intonationnisme atonal».


Cela amène l’auteur à souligner l’originalité de la démarche de Dusapin. Une démarche qui n’appartient à aucune école et qui se refuse à élaborer une esthétique – laquelle serait parfaitement étrangère à son idiosyncrasie – avant de conclure, dans les pages sans doutes les plus inspirées du livre, que le compositeur de To be sung renoue avec la période située entre la fin du XVIe et celle du XVIIIe siècle où les musiciens «...ont placé sciemment la traduction de la parole en musique au centre de leur langage».


Si l’écoute de l’œuvre – réputée à juste titre accessible – de Pascal Dusapin demeure naturellement la meilleure porte d’entrée à son univers, l’essai de Jacques Amblard donnera au lecteur téméraire quelques outils analytiques afin d’en saisir la singularité.


Jérémie Bigorie

 

 

 

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