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07/29/2017
Alberto Ginastera : Danzas argentinas, opus 2 – Milonga, opus 3 – Tres piezas, opus 6 – Malambo, opus 7 – Pequena danza, opus 8a – Tres piezas infantiles – Doce preludios americanos, opus 12 – Suite de danzas criollas, opus 15 – Rondó sobre temas infantiles argentinos, opus 19 – Sonatas para piano n° 1, opus 22, et n° 3, opus 55
Domenico Zipoli : Toccata para órgano (transcription Ginastera)

Michael Korstick (piano)
Enregistré dans la salle de musique de chambre de la Deutchlandradio, Cologne (août et septembre 2015) – 79’55
CPO 555 069-2 – Notice (en allemand et en anglais) de Charles K. Tomicik


 Sélectionné par la rédaction





En collaboration avec CPO, Michael Korstick a confié au disque des intégrales de Beethoven, de Koechlin et de Debussy. Il se tourne maintenant vers Alberto Ginastera (1916-1983), pour qui il ressent une affinité accentuée par leur rencontre en 1979. Pour célébrer le centenaire du compositeur argentin, Korkstick présente une intégrale de la musique pour piano hormis de rares pièces jamais publiées et... la Deuxième Sonate (opus 53) de 1981. La première raison de cette importante omission est une simple question de place: le récital atteint sans elle la durée maximale d’un seul disque. La seconde raison serait que la brève Troisième Sonate (1982), peut-être mieux accueillie en son temps, compense, en quelque sorte, l’absence de son «aînée» en laissant entrevoir, un an plus tard, de semblables avancées techniques et stylistiques, quoique moins radicales. Sur l’ensemble de l’œuvre, la prestation du pianiste allemand ne manque ni de feu, ni de constance, ni de conviction.


Les pièces pour piano de Ginastera renvoient un reflet exact de son parcours idéologique, esthétique et stylistique, de son jeune âge jusqu’à ses dernières années, parcours qui passe progressivement d’un nationalisme, réel ou «imaginaire» à la Bartók, à un modernisme touché par l’avant-garde et à une synthèse toujours très personnelle des trois courants. Composées entre 1937 et 1982, les partitions reflètent aussi les deux grandes manières de Ginastera au cours d’une même composition où on trouve des mouvements d’une énergie pulsante, trépidante, martelée, noire ou intensément ensoleillée, de part et d’autre de volets de tempo plus calme, toujours d’une tension soutenue mais d’une douceur lunaire aux bruissements misterioso. Tout d’abord excellent orchestrateur, son écriture pour le piano s’en ressent en s’enrichissant à la verticale d’un foisonnement de timbres, de rythmes et de couleurs.


Le titre des différents morceaux annonce clairement les intentions premières de Ginastera mais ne peut en rien révéler la prouesse extraordinaire du traitement, à commencer par les Danses argentines (1937), où l’on ressent encore l’influence de Bartók, en particulier de son Allegro barbaro pour les deux mouvements extérieurs. Dans la même veine s’impose l’étourdissant «Scherzando» des Danses créoles de 1946. Les passages plus calmes, souvent lyriques, se posent sur de discrets ostinatos ou amènent à une multiplication de strates rythmiques, comme la «Criolla» des Trois Pièces (1940), ou encore mêlent la ligne mélodique à un subtil contrepoint comme dans la «Petite Danse» tirée du ballet Estancia que Ginastera arrangea pour le piano en 1941. On rencontre dans les Douze Préludes américains (1944) une variété d’écriture tout à fait étonnante. Ginastera y exploite, peut-être dans l’esprit d’études, les accents, les octaves, le mode pentatonique mineur et majeur, les affects (tristesse, pastoral) ou les genres populaires (vidala, danse créole), et rend hommage à des compositeurs américains (du nord et du sud) importants pour lui – Roberto García Morillo, Juan José Castro, Aaron Copland et Heitor Villa-Lobos – en irriguant son style propre de subtils éléments des leurs.


La musicalité de Michael Korstick ajoutée à sa sensibilité lyrique et à un grand sens du rythme lui permet de défendre avec éclat aussi bien cette multitude de petites pièces que les deux Sonates plus conséquentes. Son jeu ciselé dessine les moindres détails de l’énergie rugueuse qui emporte les trépidants mouvements extérieurs de la Première Sonate (1952), nettement annonciatrice du «néo-expressionnisme» à venir. La finesse de son toucher illumine les puissantes irisations du «Presto misterioso», troublant deuxième mouvement en guise de scherzo nocturne qui précède la limpidité tendue du troisième mouvement lent. Ses mêmes qualités de jeu défendent la violente noirceur de l’unique mouvement de la Troisième Sonate, écrite pour une ardente fidèle, la pianiste Barbara Nissman. Traversés de chocs harmoniques, les rythmes obsessionnels peuvent remettre en mémoire les influences initiales de Bartók et de Stravinski mais le souffle interprétatif du jeu de Korstick conviendrait à certaines des Etudes de Ligeti auxquelles le piano de Ginastera peut, par moments, faire fugitivement penser.


Le programme suit l’ordre chronologique à l’exception des trois très brèves Pièces enfantines publiées en 1944 – les seules retenues par le compositeur d’un ensemble de huit pièces composé en 1934. Korstick défend son programme avec maîtrise, fougue et ferveur, et son «intégrale» se compare favorablement à celle de Fernando Viani (Naxos) qui comprend pourtant les trois Sonates.


Christine Labroche

 

 

 

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