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02/26/2017
Benjamin Britten : Suites pour violoncelle seul n° 1 en sol majeur, opus 72, n° 2 en ré majeur, opus 80, et n° 3 en ut mineur, opus 87
Noémi Boutin (violoncelle)
Enregistré à l’Arsenal de Metz (avril 2016) – 73’25
NoMadMusic NMM 039 – Notice (en français et en anglais) de Frédéric Aurier


Must de ConcertoNet





Comme c’est le cas pour les Suites de Bach, pour interpréter les Suites pour violoncelle seul de Benjamin Britten (1913-1976), il faut une technique infaillible, souple et virtuose, une grande motivation et un profond investissement personnel. Noémi Boutin répond clairement à ces critères et, captée au mieux dans l’acoustique fabuleuse de l’Arsenal de Metz, son interprétation rejoint celles des plus grands. Ce sont des œuvres qui lui tiennent «au corps et à cœur» selon ses propres paroles, et c’est à cause de cette correspondance intime que les partitions se sont imposées à elle comme une évidence pour son tout premier enregistrement solo. Encouragée et formée par des violoncellistes tels Roland Pidoux, Jean-Guihen Queyras, Philippe Muller et Ralph Kirshbaum, Noémi Boutin (née en 1983) s’adonne à la musique pour son instrument de Bach à Lachenmann et, au-delà, à celle de jeunes compositeurs d’aujourd’hui sans craindre de se prêter à des expérimentations artistiques inédites qui mêlent la musique à d’autres arts. Son parcours singulier enrichit son jeu, l’ouvrant à «un champ de sonorités infini» comme l’exigent ces trois Suites exceptionnelles.


Composées en cadeau à Mstislav Rostropovitch, les Suites de Britten devaient être au nombre de six comme celles de Bach, sans pour autant qu’il s’en inspire au-delà du choix de l’instrument et du genre. Le génie de Britten et son langage unique leur assurent, cependant, un souffle, une intensité et une beauté sonore comparables. Britten retient des époques élisabéthaine et baroque les éléments auxquels il est souvent revenu tout au long de son œuvre: la fugue, la chaconne, la passacaille, leground (basse obstinée), et les styles brisé et diminué des luthistes anglais. Le traitement de ces éléments n’en reste jamais à un premier degré, à l’instar des tonalités annoncées, toujours flottantes et ambiguës. L’organisation formelle des trois Suites, de durée égale ou très proche, se fait à chaque fois différente. Trois Cantos viennent en introduction aux trois groupes de deux parties de la Première (1964), avec un Canto quarto en coda au Moto perpetuo final. La Deuxième (1967) comprend cinq parties et la Troisième (1971) neuf. Pour ces dernières, Britten fragmente quatre thèmes de source russe, trois provenant de chansons populaires arrangées par Tchaïkovski, le quatrième celui du Kontakion (hymne funèbre), varié en introduction et déployé en finale.


L’interprétation intensément intériorisée de Noémi Boutin rend pleinement justice à ces œuvres ardues mais expressives qui mettent en valeur tous les registres et les nombreuses possibilités techniques et sonores de son instrument aux timbres richement variés. Elle donne une belle ampleur aux quatre Cantos et au chant éploré du Lamento de la Première Suite, et, sous ses doigts», la Fugue martelée et la Serenata tout en pizzicati atteignent le fantasque. La Marcia aux allures interrompues prend un air stravinskien et le Bordone devient une entêtante fête de sonorités rarement monodiques et presque aussi étonnantes que les sons quasi orchestraux du Moto perpetuo aux tournoiements véloces. Les mêmes qualités de jeu servent la Deuxième, qui exige en permanence un violoncelle dédoublé, en communication ou en concours avec lui-même, cela en particulier pour la Fugue aux rythmes pleins d’esprit. La violoncelliste française saisit pleinement la beauté lyrique et la passion frémissante de la splendide «Ciaccona» acrobatique et virtuose, une des plus belles pages de l’œuvre entière. Son agilité instrumentale met en pleine lumière le traitement original de genres familiers tels la Marche rebelle, la Barcarolle arpégée, la Fugue fantasque, le Moto perpetuo frénétique et le grave chant intérieur de la Passacaille de la Troisième Suite dont, sans pathos superflu, elle capte les poignants états d’âme au travers des neuf parties diversifiées, souvent comparées aux feuillets d’un journal intime.


Lyrique et contrastée, appuyant les reliefs de la narration, la version de Rostropovitch, dédicataire et créateur des trois, s’impose d’office comme une version de référence bien qu’inachevée: il manque la Suite de 1971, la plus personnelle et la plus «russe» des trois, dont il assura la création en 1974 devant son ami Britten très affaibli, ce qui l’affecta au point de ne pouvoir reprendre posément la pièce par la suite. Parmi une vingtaine de versions intégrales, ressortent celle de Truls Mørk (Virgin Classics), techniquement éblouissante, ample, affirmée, lyrique et généreuse, et celle de Peter Wispelwey (Globe Records, 1992) puissante et engagée, sans oublier, en France, l’ardente version d’un jeune Jean-Guihen Queyras en 1998 et l’intense furioso sonore de celle d’Antoine Pierlot, plus récente. L’objectif de Noémi Boutin n’est pas de «faire mieux» mais d’attirer de nouveau l’attention sur des œuvres qu’elle estime trop peu connues en considération de leurs immenses qualités hors du commun. Le feu, la sensibilité, la maîtrise et la hauteur de vue de son interprétation en font une version, chaleureusement recommandée, qui devrait laisser sa marque.


Le site de Noémi Boutin


Christine Labroche

 

 

 

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