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10/30/2016
Jérôme Lejeune : La Musique au temps de Louis XIV
160 pages (en anglais et en français) et huit disques – 623’
Ricercar 108 (distribué par Outhere)


 Sélectionné par la rédaction





On a beau être en 2016, un an donc après l’année qui a vu la célébration du trois centième anniversaire de la mort du Roi-Soleil, quelle chance de voir Jérôme Lejeune revenir sur la musique au temps de Louis XIV (1638-1715) dans le cadre d’un livre-disque dont Ricercar a le secret et qui, une fois encore, nous enchante!


Après une introduction historique assez nourrie (peut-être la partie la plus éclairante d’ailleurs...), notamment sur l’influence italienne grandissante dans l’Hexagone de la fin du XVIe au début du XVIIe siècle grâce à des personnages aussi importants que Marie de Médicis ou Mazarin, Jérôme Lejeune propose au lecteur un panorama musical du règne de Louis XIV en trois grandes sections, respectivement intitulées «De l’air de cour à la tragédie en musique», «La musique sacrée» et «La musique instrumentale». Passons sur le sarcastique Voltaire qui, dans Le Siècle de Louis XIV, écrivait à son propos qu’«on ne lui apprit qu’à danser et à jouer de la guitare»! Car c’est bien à partir de cette passion de la danse que Louis XIV a réussi à faire de la musique baroque française un genre à part, Lejeune faisant d’ailleurs référence à ce paradoxe entre le baroque (dont le terme renvoie, en joaillerie, à une perle irrégulière) et le classicisme parfois austère et au contraire toujours bien ordonné et sans défaut apparent du Siècle de Louis XIV.


La première section, la plus étoffée et la plus intéressante des trois, s’attache surtout à mettre en lumière la révolution qu’apporta Lully à la musique française avec ses nouvelles formes: des tragédies en cinq actes, comportant toutes un Prologue à la gloire du Roi et toujours joué juste après l’Ouverture, bénéficiant à la fois d’une partie instrumentale (il fallait bien des musiciens pour accompagner les ballets insérés dans ces tragédies, ballets dont tant Lully que le Roi raffolaient) et de chœurs dont l’importance n’avait jamais été réelle auparavant. La tragédie lyrique était née (rehaussée par des costumes, des décors et des machineries sans cesse plus extraordinaires) et allait bientôt ouvrir la voie aux opéras-ballets, illustrés notamment par Campra. Lejeune insiste également sur les règles édictées par Lully à l’encontre des autres musiciens et de ses potentiels rivaux, les obligeant par exemple à ne pas composer de morceaux pour plus de six chanteurs et douze musiciens et leur imposant donc de se tourner vers des genres différents, comme le fit avec talent Marc-Antoine Charpentier qui magnifie la cantate française (illustrée notamment par Elisabeth Jacquet de la Guerre), elle aussi héritée d’une forme musicale née en Italie. Côté musique religieuse, le grand motet trouve ses lettres de noblesse avec Henry Du Mont (mais citons également ici le rôle fondamental de figures comme Jean Veillot ou Pierre Robert), qui développe considérablement le genre du motet, introduisant notamment aux côtés des grands et petits motets le motet pour voix seules. Des compositeurs comme Etienne Moulinié ou Guillaume Bouzignac mirent également leur talent au service d’un renouvellement des formes (l’importance nouvelle de la basse continue dans la musique religieuse) qui pouvaient requérir des interprétations aux effectifs fort importants (120 chanteurs et musiciens pour donner le Te Deum de Lully en 1679!). Très liée à la danse elle aussi, la musique instrumentale enfin est illustrée par de nombreuses compositions pour instrument seul: le clavecin en premier lieu (avec des noms aussi célèbres que Champion de Chambonnières, d’Anglebert ou Louis Couperin) mais aussi l’orgue, magnifié par des compositeurs aussi talentueux que Nicolas Lebègue ou Louis Marchand. Jérôme Lejeune n’oublie pas non plus de dire un mot sur le rang que savaient tenir la viole, le luth ou la guitare, particulièrement appréciée du jeune Louis XIV. Du côté de la musique pour effectifs plus conséquents, il rappelle enfin l’importance des grands ensembles comme les XXIV Violons du Roi (formation créée en 1577 mais éclipsée par les «Petits Violons» dirigés par Lully, qui œuvrait lui-même à l’archet), l’Ecurie (instruments à vent) dirigée par la génération des Philidor et La Chapelle Royale.


Après ce tableau historico-musical ou, mieux, au fil de celui-ci, le lecteur peut aussi devenir auditeur en se reportant aux multiples extraits musicaux qui, en huit disques, illustrent à merveille ces grandes évolutions stylistiques. Issus de divers catalogues (Alpha, Harmonia Mundi, Erato ou Ramée par exemple) et faisant appel aux meilleurs interprètes de ce répertoire (de Vincent Dumestre à William Christie, de Jean Tubéry à Hugo Reyne en passant par Bernard Foccroulle, Florence Malgoire, Agnès Mellon, Isabelle Druet ou Jean-Paul Fouchécourt), ces huit disques s’écoutent avec un vrai bonheur. Car, la diversité des extraits pallie l’appréhension d’un répertoire qui reste parfois ardu et, à travers des genres aussi multiples, offre au mélomane un paysage des plus colorés. On bénéficie bien sûr des grandes tragédies lyriques de Lully (extraits d’Armide par Herreweghe, d’Atys par Christie) mais aussi de quelques magnifiques œuvres de musique sacrée signées Lully (des extraits du Te Deum notamment), Henry Du Mont (merveilleusement interprété par le Chœur de chambre de Namur) ou Moulinié (très belles Litanies de la Vierge). Rien de simiesque dans l’«Entrée de l’Embabouinée» mais quelle vivacité dans l’«Entrée des demy-fous» (deux extraits du Ballet des fous et des estropiés de la cervelle de Boësset!)! Laissons-nous ensuite emporter par l’orgue ou les violes (au choix, Nicolas de Grigny ou Louis Marchand, et Du Caurroy ou Couperin) avant d’apprécier les fameuses Symphonies pour les soupers du Roy de Lalande, le dernier disque se concluant comme il se doit par la Marche funèbre pour le convoi du Roy (1715) d’André Philidor...


On ressort de cet ensemble avec une vraie et évidente plus-value. Si l’on devait déplorer une petite chose, ce serait une iconographie qui, si elle avait été plus fournie, aurait renforcé l’attrait pour un produit qui n’en demeure pas moins excellent à tous points de vue. Les fêtes de fin d’année approchant, ne doutons pas que pour bon nombre de mélomanes ou curieux, ce livre-disque signé Jérôme Lejeune pourrait sans nul doute constituer un magnifique cadeau.


Sébastien Gauthier

 

 

 

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