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12/08/2000 Reinhard Keiser : Croesus Dorothea Röschmann (Elmira), Werner Güra (Atis), Roman Trekel (Croesus), Klaus Häger (Cyrus) RIAS-Kammerchor, Knabensolisten Knabenchor Hannover, Akademie für Alte Musik Berlin, René Jacobs (direction) Coffret de trois disques Harmonia Mundi HMC901714.16
Il y a déjà quelques années, René Jacobs faisait remarquer qu’il est tout aussi difficile de défendre les œuvres inconnues que le grand répertoire. Et il est vrai que c’est avec un égal bonheur que cet infatigable chef, chanteur et claveciniste livre un Così ou un Croesus. Il est heureux que de telles personnes aient accès aux plus grandes scènes : cet enregistrement reprend une production de la Staatsoper Unter den Linden de Berlin (belle mise en scène par Gilbert Deflo). Devant un tel succès, pourquoi d’autres scènes ne proposent-elles que très rarement des ouvrages antérieurs à Mozart ? Cette fois-ci l’«inconnu» est Reinhard Keiser (1674-1739), estimé comme un des plus grands par Mattheson, Scheibe et Burney, il officia à Hambourg. C’est en 1711 qu’il compose sur un livret de Lukas von Bostel (1649-1716), déjà mis en musique par Johann Philipp Förtsch, son Croesus, qu’il reprendra complètement en 1730 (c’est cette dernière version qui est adoptée avec quelques adaptations). Adaptant un livret de Niccolo Minato, Bostel amplifie la veine comique que Keiser poursuivra en allant dans le sens du style vénitien, en mêlant notamment des morceaux assez cours. Compositeur de grand métier, Keiser fait montre d’une invention et d’une variété incessantes (aussi bien dans la ligne, dans les formes, que dans l’orchestration et les ensembles vocaux), l’ensemble connaissant bien sûr une remarquable unité. L’entrée en fanfare donne le ton : l’orchestre énergique et puissant affirme la gloire et le bonheur royaux. Crésus, roi de Lydie n’écoute pas Solon qui lui montre au contraire la vanité du monde et le caractère périssable de la fortune. Seule un défaite rapide et la perspective de la mort pourront convaincre le roi. A cette histoire d’amour des biens, une autre sur l’amour tout court est enchâssée, comme de coutume. Avec une très belle pléiade de solistes et un orchestre irréprochable René Jacobs réussit à donner toute son envergure à l’opéra. Avec fraîcheur et naturel, ce qui est vraiment un travail de troupe d’opéra donne toute sa sève à ce qui n’aurait pu être qu’une reconstitution appliquée comme l’on en reçoit d’outre-Atlantique. Chaque air a sa saveur, chaque récitatif son drame. Avec le même enthousiasme que l’Agrippina entendue à Paris en juin dernier, René Jacobs livre un pur moment de joie.
Frédéric Gabriel
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