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07/06/2016
Rebecca Clarke : Sonate pour alto et piano – Lullaby – Lullaby (on an ancient Irish tune) – Untitled piece for viola and piano – Chinese Puzzle – Passacaglia (on an Old English Tune, attributed to Tallis) – I’ll bid my heart be still (Old Scottish border melody) – Morpheus – Dumka [*]
Gabriele Campagna (violon) [*], Duo Rùnya: Diana Bonatesta (alto), Arianna Bonatesta (piano)
Enregistré en l’église paroissiale de Monticello di Lonigo (3-5 décembre 2013) – 67’36
ÆVEA AE16008 – Notice d’Elisabetta Righini





Très actives en Italie, Diana Bonatesta (née en 1983) et Arianna Bonatesta (née en 1988) fondèrent respectivement le Quartetto Avos (quatuor avec piano) en 2007 et le Quintetto Amartè en 2010, indépendamment l’une de l’autre. Ensemble, les deux sœurs formèrent le Duo Rùnya en 2013. Elles consacrent leur tout premier enregistrement conjoint à Rebecca Clarke (1886-1979), compositrice britannique et altiste professionnelle qui, malgré un catalogue de musique de chambre riche d’une trentaine de pièces, en destina onze seulement à son instrument sans autres cordes. Les huit composées pour alto et piano trouvent toutes leur place au programme original et bienvenu du duo italien à commencer par la Sonate pour alto et piano (1919), qui a maintenant sa place au grand répertoire des altistes, d’Atar Arad à Tabea Zimmermann. A la suite de la Sonate et de sept partitions de durée plus modeste, la violoniste Gabriele Campagna rejoint les Rùnya pour Dumka (1941), sur deux airs slaves, en principe, bien que de nature très proche des origines de la compositrice.


La Sonate, de belle facture, dense, intense, impétueusement épanouie et à la respiration franckiste laisse transparaître l’influence harmoniquement modale de Stanford, son professeur, et de Vaughan Williams, son confrère, tout en s’éveillant aux possibilités d’un langage chromatique lumineusement français. Clarke permet à la riche voix souple de l’alto de s’exprimer dans toute sa plénitude tout en proposant une partie de piano proche par certains côtés de Debussy. La prestation souffre peut-être d’une prise de son un peu mate. L’interprétation des deux sœurs, généreuse et précise, reste en deçà du soleil noir de la récente interprétation fiévreusement romantique d’ Adrien La Marca et Thomas Hoppe (La dolce volta) ou de l’ardente finesse de celle d’Antoine Tamestit et de l’impressionnante Ying-Chien Lin au musée Isabella Stewart Gardner à Boston toujours en 2013.


La fantaisie pentatonique de Chinese Puzzle (1923-1925) avec son second degré énigmatique à souhait reste une miniature à part, interprétée avec verve par les deux sœurs. Par ailleurs, comme Stanford, Vaughan Williams et Bridge, Rebecca Clarke, sensibilisée au chant traditionnel et à la musique de la Renaissance anglaise, s’en inspira pour plusieurs de ses pièces brèves, taillant de petits joyaux du genre. Anglais, irlandais ou écossais, des airs traditionnels irriguent les deux berceuses (Lullabies composées en 1909 et 1913) et un I’ll bid my heart be still plus tardif (1944). Les Rùnya font preuve du lyrisme et de la force tranquille nécessaires pour s’en acquitter avec la grâce qu’exigent également les beaux thèmes mélodiques de style Tudor de la tendre pavane laissée sans titre – Untitled (1918) – et de la passacaille plus noblement hymnique – Passacaglia on an old English tune (1940-1943) – directement inspirée d’un thème de Thomas Tallis. Les deux pages s’empreignent de la mélancolie alors à la mode malgré la puissante hauteur presque cérémonieuse de la passacaille in fine.


Les deux musiciennes gardent un même style pour Morpheus (1917-1918), portrait intériorisé du fils d’Hypnos. L’archet plus musclé, riche et plus intensément romantique d’altistes tel, par exemple, Jeremy Berry (avec Michael Refvern au piano), révèle toute l’originalité engageante d’une partition dans une même lignée que la Sonate quoique sans doute de facture inférieure. Plus nocturne et rêveuse qu’onirique et fantasque, la prestation du duo italien aurait peut-être davantage convaincu avec une prise de son plus chambriste mais on peut apprécier la cohérence de sa vision.


Vigoureuse et contrastée, l’interprétation de Dumka (1941) pour violon, alto et piano défend mieux l’ample envergure, les subtilités rythmiques et chromatiques et les mille couleurs et climats des compositions de Rebecca Clarke. Le violon et l’alto, plus souvent en harmonie que seuls ou en contrepoint, se posent sur un piano très librement en phase. Les thèmes se brisent, se partagent entre solos, duos et trios et se reforment pour déferler dans toute leur splendeur, toujours harmoniquement différents, francs ou suggérés, ombrés ou ensoleillés, le premier ample et nostalgique, le second dansant entre noirceur et joie. La prestation est belle.


Comme à Philip Dukes, Sophia Rahman et Daniel Hope (Naxos) avant elles, on sait gré au Duo Rùnya et à Gabriele Campagna d’avoir consacré un programme entier aux œuvres de Rebecca Clarke, compositrice freinée à son époque par la convention sociale et encore trop peu reconnue aujourd’hui malgré ses grandes qualités musicales.


Le site de l’Association Rebecca Clarke


Christine Labroche

 

 

 

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