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06/15/2016 Du langage au style: singularités de Francis Poulenc Ouvrage édité sous la direction de Lucie Kayas et Hervé Lacombe
Société française de musicologie – 400 pages – 38 €
Sélectionné par la rédaction
Poulenc figure parmi ces compositeurs au langage aisément reconnaissable: quelques mesures suffisent pour identifier son écriture très personnelle. Le compositeur des Dialogues des carmélites demande de ne pas chercher à analyser sa musique, mais de l’écouter. Les auteurs des essais regroupés dans cet ouvrage, édité sous la direction de Lucie Kayas et Hervé Lacombe, décryptent pourtant dans les détails sa manière très singulière.
Cinq contributeurs explorent les propriétés de ce langage au fort encrage tonal, l’un d’eux recourant à l’analyse schenkérienne, d’autres prenant comme exemples, largement commentés, les dernières sonates, les sonates de jeunesse pour instruments à vent ou encore Aubade. Une deuxième partie étudie les modèles et les influences en se penchant évidemment sur les classiques, en premier lieu Mozart, tant admiré de Poulenc, Stravinski, ce qui n’étonne pas, mais aussi, ce qui semble a priori plus surprenant, Moussorgski. Poulenc recourant à des genres établis, un des auteurs examine le cas singulier de la Sinfonietta tandis qu’un autre tente de situer le Concert champêtre.
Tout aussi intéressante s’avère la partie réservée à la musique vocale, profane et sacrée, Lucie Kayas établissant, notamment, une analyse comparée de messes de Poulenc, Jolivet et Stravinski; œuvres majeures, le Stabat Mater et les Sept répons des ténèbres bénéficient chacun d’un essai étayé. Une dernière partie, plus fourre-tout, aborde la mise en musique de poèmes surréalistes ou la relation avec le cinéma, un des auteurs tentant même de rapprocher le Concert champêtre de l’identité sexuelle du compositeur.
L’extrême rigueur des essais, l’originalité de certains angles d’approche, le soin éditorial maximal apporté à cette mine d’informations et d’analyse justifient l’accueil très favorable qu’il convient de réserver à cet ouvrage qui complète plus qu’utilement la formidable monographie de Hervé Lacombe chez Fayard. Fourmillant de notes de bas de page, de tableaux synoptiques et d’exemples musicaux, cette publication essentielle mais quelque peu austère s’adresse cependant aux spécialistes et aux connaisseurs les plus avertis, compte tenu de sa dimension universitaire, bien que la plupart des auteurs adoptent un style fluide. Elle convaincra assurément le lecteur animé d’une sincère volonté de comprendre de la beauté et de la richesse de la musique de Poulenc.
Sébastien Foucart
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