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06/12/2016
Etienne-Nicolas Méhul : Adrien
Philippe Do (Adrien), Gabrielle Philiponet (Emirène), Jennifer Borghi (Sabine), Philippe Talbot (Pharnaspe), Marc Barrard (Cosroès), Nicolas Courjal (Rutile), Jean Teitgen (Flaminius), Katalin Szutrély (Une Romaine), Purcell Kórus, Orfeo Zenekar, György Vashegyi (direction)
Enregistré au Palais des Arts, Budapest (25-26 juin 2012) – 122’35
Coffret de deux disques Palazzetto Bru Zane/Ediciones Singulares – Notice (français, anglais, allemand et italien) d’Alexandre Dratwicki





Etienne Nicolas Méhul (1763-1817) fait partie, au même titre que Gossec par exemple, de ces compositeurs «officiels» qui ont œuvré pour le bien de chaque régime qu’ils ont pu traverser... Auteur du fameux Chant du départ (1794), il est également bien vu de Napoléon Ier et se voit nommé professeur au Conservatoire sous la Restauration, peu de temps finalement avant de mourir de la tuberculose. Bien qu’auteur d’une trentaine d’opéras dont les plus célèbres, Stratonice, Uthal et Joseph, ont chacun fait l’objet d’un enregistrement, l’œuvre lyrique de Méhul demeure encore largement méconnue. Grâce à l’esprit entreprenant et toujours avide de découvertes du Palazzetto Bru Zane, cet enregistrement d’Adrien, opéra en trois actes composé en 1791 mais créé seulement huit ans plus tard à l’Opéra de Paris, vient en partie combler ce vide.


L’action se déroule dans la ville d’Antioche dans laquelle, ayant vaincu les Parthes, l’Empereur romain Adrien fait une entrée triomphale. Cosroès, père de la belle Emirène, princesse retenue prisonnière et aimée du vainqueur, et Pharnaspe, amant de celle-ci, réclament sa libération à Adrien qui la refuse. Après de nouveaux combats, Pharnaspe est fait prisonnier et Emirène offre à Adrien de mourir à sa place. Alors que, au milieu de nombreuses péripéties, Sabine, romaine autrefois promise à Adrien, débarque à Antioche, un complot conduit par Cosroès échoue à assassiner Adrien qui, une fois de plus, met les troupes parthes en déroute. Dans un retournement assez étonnant, tout finit néanmoins par s’arranger puisque la magnanimité d’Adrien permet de sauver Cosroès, pourtant condamné à mort, et aux jeunes amants de vivre ensemble leur amour, Adrien se tournant vers Sabine pour lui demander d’être sa femme.


Même si l’on prend plaisir à l’écouter, force est de constater qu’Adrien ne relève pas de la catégorie des chefs-d’œuvre dans la mesure, tout d’abord, où l’orchestration souffre parfois d’une banalité ou de quelques maladresses évidentes. L’Ouverture est très belle, grâce à un orchestre riche (cuivres, bois) que l’on peut par ailleurs apprécier à sa juste mesure dans l’une de ses quatre symphonies. L’orchestration se veut assez souvent didactique pourrait-on dire: les trompettes sonnent lorsqu’est requise une marche guerrière (acte I, scène 5), la vivacité des instrumentistes est de mise pour accompagner l’âpreté des combats entre Parthes et Romains (acte I, scène 7), l’orchestre brille pour soutenir le chœur empli de gloire pour louer Adrien (à l’acte III)... Non déplaisante (superbes basses on ne peut plus lugubres pour accompagner Cosroès et ses guerriers parthes à la scène 11 de l’acte II), dirigée néanmoins avec trop de mollesse par György Vashegyi (les passages héroïques ou censés être emplis de cruauté sont bien lisses à l’écoute), cette partition n’en demeure pas moins parfois maladroite comme ce chœur de l’acte III (scène 8) qui vire au pompier alors qu’il était jusqu’alors plein de finesse ou, autre chœur, celui qui conclut le premier acte avec force cymbales et triangle. Le Chœur Purcell, fréquemment sollicité, s’en tire avec les honneurs et participe à sa mesure à la réussite de l’ensemble.


Quant aux chanteurs, on retrouve parmi eux de nombreux spécialistes de ce type de répertoire, à commencer par l’excellent Philippe Do dans le rôle-titre. Doté d’une excellente prononciation (ce qui n’est pas toujours le cas des chanteurs qui s’aventurent dans le répertoire français...), il possède tous les caractères d’Adrien, tour à tour cruel et héroïque, finalement magnanime, rendant presque le personnage sympathique, ce qui n’est pas le moindre exploit! Même si ses aigus lui échappent de temps à autre (à la fin de l’air «Oui, vous voyez mon trouble» à l’acte II), sa prestation ne peut qu’être saluée. Autre voix masculine à remarquer, celle de Philippe Talbot dans le rôle de Pharnaspe, doté d’une belle ligne de chant et d’une très belle projection, tout spécialement dans l’acte II où il séduit tant dans le récit que dans l’ensemble concluant le deuxième acte. Incarnant Cosroès, Marc Barrard est également parfait: remarqué dès son duo avec Pharnaspe au premier acte (scènes 3 et 4), il impose sa voix de baryton avec beaucoup de noblesse. Sans aucun doute, une voix à retenir!


On est malheureusement un peu déçu par les personnages féminins, à commencer par Gabrielle Philiponet (qui campe le personnage d’Emirène), dont la prononciation est trop souvent perfectible et dont le chant souffre d’un vibrato constant qui, à la longue, finit par lasser (son air «Pardonne, cher amant» à la première scène de l’acte II). Même problème de prononciation chez Jennifer Borghi (difficulté qu’on avait déjà soulignée à propos de sa participation à l’enregistrement de La Toison d’or de Vogel), qui chante par ailleurs le rôle de Sabine avec un professionnalisme indéniable.


En dépit des manques et des imperfections de cet enregistrement, saluons une nouvelle fois l’entreprise du Palazzetto Bru Zane pour réhabiliter cette musique française bien oubliée aujourd’hui et qui mérite plus qu’une oreille distraite.


Le site de Philippe Do
Le site de Gabrielle Philiponet
Le site de Philippe Talbot
Le site de Marc Barrard
Le site de Nicolas Courjal
Le site de l’Orchestre Orfeo et du Chœur Purcell


Sébastien Gauthier

 

 

 

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