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06/05/2016 Georg Friedrich Händel : Imeneo, HWV 41 (version de 1742) Magnus Staveland (Imeneo), Ann Hallenberg (Tirinto), Monica Piccinini (Rosmene), Fabrizio Beggi (Argenio), Cristiana Arcari (Clomiri), Europa Galante, Fabio Biondi (violon solo et direction)
Enregistré à Halle (juin 2015) – 114’51
Album de deux disques Glossa GCD 923405 – Notice (en anglais, français, allemand et italien) de Fabio Biondi
Imeneo est l’avant-dernier opéra de Georg Friedrich Händel (1685-1759): composée en 1740 (il avait commencé la partition en 1738 alors qu’il s’attaquait à Saül), l’œuvre ne connaît guère de succès à Londres. La version profondément remaniée à Dublin deux ans plus tard (celle que l’on peut écouter dans les présents disques et qui s’intitule assez justement Serenata «Hymen») sera mieux reçue mais force est de constater que ce n’est pas l’ouvrage le plus enthousiasmant que l’on connaisse chez le grand compositeur saxon.
L’action est peu intéressante. Tout juste peut-on rappeler que Tirinto est amoureux de Rosmene, qui a été enlevée avec d’autres jeunes filles (dont Clomiri, sa confidente) par des pirates. Imeneo arrive et raconte comment, déguisé en femme, il a libéré toutes les captives en tuant les pirates dans leur sommeil; en guise de récompense, il demande au père de Rosmene la main de celle-ci. Que faire? Rosmene tombe bien sûr amoureuse d’Imeneo mais doit en principe épouser Tirinto. En fin de compte, la sagesse viendra d’Argenio, le père de Clomiri, qui raisonne Rosmene et l’engage à tenir parole: c’est donc sans enthousiasme qu’elle se mariera avec Tirinto, le chœur final tirant la morale de l’histoire.
Dans le présent enregistrement, Fabio Biondi choisit donc la version ultime de l’œuvre, qui avait été présentée à Dublin en mars 1742, évitant ainsi d’entrer dans les longs problèmes d’édition que recèle l’opéra.
De façon assez étrange, ce n’est pas le personnage masculin d’Imeneo qui attire l’attention mais bien plutôt les deux voix féminines de Tirinto et Rosmene, rôles respectivement tenus par Ann Hallenberg et Monica Piccinini. A l’acte III, Ann Hallenberg, toujours servie par des moyens vocaux dont on connaît les qualités (parfaite adéquation avec la psychologie du personnage, facilité d’émission, sens des nuances), nous livre ainsi le magnifique air «Un guardo solo» après un déjà très beau «Se potessero i sospir’ miei» (acte I, scène 1) à la tenue vocale admirable. La vraie révélation de cet enregistrement réside peut-être dans la participation de Monica Piccinini, dont le nom n’est pas parmi les plus connus du répertoire baroque: pourtant, sa prestation est ici irréprochable et, globalement, c’est elle qui fait la plus belle impression. Il faut dire que c’est sans doute à son attention que Händel a composé quelques-uns des plus beaux airs d’Imeneo, qu’il s’agisse du très aérien «Ingrata mai non fui» (acte I, scène 3), accompagné par le violon solo toujours impeccable de Biondi, ou de l’air presque floral, pourrait-on dire, «Semplicetta, la saetta» (à l’acte II), où les effets musicaux s’avèrent à la fois recherchés et quelque peu étranges (les pizzicati concluant les volutes des violons!). Comme un jeu à match nul, soulignons surtout le duo entre Tirinto et Rosmene, «Per le porte del tormento», peut-être le plus bel air de l’opéra, qui est aussi et malheureusement son avant-dernier.
Pour ce qui est des autres protagonistes, c’est Fabrizio Beggi (dans le rôle d’Argenio) qui retient l’attention en raison non seulement des airs qui lui sont dévolus mais également, et peut-être surtout, en raison des trouvailles musicales de Händel qui les accompagnent. Ainsi, l’auditeur tend une oreille intriguée voire un peu effrayée à l’écoute de l’air lugubre «Da cieca notte allor» (acte I) où les sonorités s’avèrent des plus étranges. De même, comment ne pas réagir à l’air «Su l’arena di barbara scena», où tout parfois surprend, tant le rythme que la mélodie? Dans chacun des deux airs, Beggi, servi par une voix de basse profonde à la projection bien affirmée et à la diction exemplaire, s’avère tout à son affaire.
Point d’orchestre foisonnant dans Imeneo: nous sommes loin de la luxuriance de Giulio Cesare ou de Rinaldo! Même si l’ensemble est conduit comme à son habitude par un Fabio Biondi très professionnel, avouons que l’ennui guette de temps à autre même si les ensembles (comme «Vien Imeneo frai voi» à la scène 6 de l’acte I) sont assez réussis. Au-delà de l’intérêt musicologique de cet enregistrement, voici peut-être une œuvre à réserver avant tout aux inconditionnels de Händel dont on peut se dire que, finalement, en cette année 1741, il avait peut-être bien fait de se tourner définitivement vers l’oratorio après avoir œuvré avec ô combien de talent dans celui de l’opéra.
Le site de Fabio Biondi et de l’Europa Galante
Le site de Monica Piccinini
Sébastien Gauthier
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