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05/12/2016 Ludwig van Beethoven : Fidelio, opus 72 Tom Krause (Don Fernando), Theo Adam (Don Pizarro), James King (Florestan), Eva Marton (Léonore), Aage Haugland (Rocco), Lilian Watson (Marzelline), Thomas Moser (Jaquino), Horst Hiestermann, Kurt Rydl (Prisonniers), Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor,
Wiener Philharmoniker, Lorin Maazel (direction)
Enregistré en public le 5 août 1983 au Grosses Festspielhaus, Salzbourg – 138’20
Coffret de deux disques Orfeo C 908 152 I – Notice bilingue de Gottfried Kraus (allemand et anglais)
Dès 1927, comme le rappelle la notice toujours détaillée de Gottfried Kraus, le festival de Salzbourg affichait Fidelio et lui resta fidèle. Ainsi, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le Philharmonique de Vienne le donna successivement sous les baguettes prestigieuses de Furtwängler (en juillet et août 1948, production reprise les deux années suivantes), Karajan (en juillet et août 1957, qui le reprit en août 1958) et, bien sûr tant cet opéra lui est intimement lié, Böhm (en août 1968, 1969 et 1970). En juillet et août 1982, c’est au tour de Lorin Maazel (1930-2014) de reprendre le flambeau, lui-même dirigeant ensuite cette production au cours de plusieurs représentations en août 1983 dont sont issus les deux présents disques. Depuis, Horst Stein en 1990 (curieusement oublié par Gottfried Kraus dans sa notice...), Sir Georg Solti (1996), Michael Gielen (1998), Daniel Barenboim (2009) et Franz Welser-Möst (2015) ont de nouveau dirigé l’unique opéra de Beethoven dans la ville autrichienne.
Comme on avait déjà pu le remarquer dans un enregistrement dirigé par Karajan à l’Opéra de Vienne, c’est l’orchestre qui mérite les premiers éloges lors de cette soirée. Dirigé de façon extrêmement élégante par Maazel, dans une ambiance proche du Singspiel mozartien dans la première partie du premier acte, les cordes viennoises sont conquérantes (l’Ouverture ou celle, au second acte, de Léonore III) et les bois d’une finesse toujours appréciable (ces légers ralentis du hautbois et de la clarinette dans l’air de Marceline «O wär’ ich schon mit dir vereint»). Même si certains passages auraient pu bénéficier d’une meilleure dynamique (l’accompagnement du cor solo dans le célèbre «Abscheulicher!» de Léonore), les Wiener Philharmoniker livrent en cette soirée une très belle prestation.
Côté chanteurs, on reste en revanche sur sa faim. A commencer par Eva Marton dans le rôle de Léonore qui, certes a une belle voix et une projection dramatique qui convient au rôle, mais qui souffre également d’une justesse parfois approximative (elle a du mal à tenir la durée de l’air «Abscheulicher!») et d’un engagement théâtral assez peu convaincant. Pour incarner le personnage de Marceline, Lilian Watson a la jeunesse requise mais sa voix manque de présence. De façon assez étonnante, James King est la voix masculine la plus décevante: c’est une surprise d’autant plus grande qu’il a vaillamment tenu le rôle sous les baguettes les plus prestigieuses, de Klemperer à Böhm... Mais c’est un Florestan très juste qu’on entend là, qui force ses aigus (l’air «Gott! Welch’ Dunkel hier!» et le duo «O namenlose Freude!») et qui peine à convaincre dans chacune de ses interventions. Dans le rôle de Pizarro, Theo Adam impose sa dignité et son ton hautain, livrant notamment un très bon «Ha! Welch ein Augenblick!» à l’acte I mais, de manière générale, ce sont surtout dans les ensembles que les chanteurs séduisent le plus, notamment dans le très beau quatuor du premier acte «Mir ist so wunderbar».
Une version de Fidelio des plus honorables donc mais qui ne marquera à notre sens ni l’histoire du festival, ni la discographie où, chez le même éditeur, trône toujours un certain Karl Böhm dans une représentation live étourdissante captée à l’Opéra de Munich.
Sébastien Gauthier
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