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05/06/2016
«Erfiljód»
Jón Leifs : Scherzo concreto, opus 58 – Kvintett, opus 50 – Variazoni pastorale, opus 8 – Erfiljód, opus 35

Thórunn Gudmundsdóttir (mezzo-soprano), Rut Ingólfsdóttir (violon), Karlakór Reykjavíkur, Kammersveit Reykjavíkur, Bernardhur Wilkinson (direction)
Enregistré à Reykjávik (mai 2002, novembre 2004 et mai 2005) – 55’18
Bis BIS-2070 – Notice trilingue d’Arni Heimir Ingólfsson, textes inclus





Jón Leifs (1899-1968) est certainement davantage connu pour ses pièces symphoniques, telles les étonnantes évocations que sont Hekla et Geysir, que pour sa musique de chambre à résonance plus intime. Ses œuvres ont néanmoins en commun des couleurs harmoniques et des rythmes insolites inspirés de la musique traditionnelle de son pays, des traits qui relèvent de sa relation personnelle à la nature de l’Islande et des références déclarées aux événements de sa vie personnelle. Malgré des arêtes moins saillantes, la touche reconnaissable du compositeur islandais, directe, burinée et aux couleurs intenses, pénètre encore ses partitions chambristes. En illustration probante, le chef de chœur et d’orchestre Bernhardur Wilkinson propose un programme pour de différents ensembles de chambre avec, en fin de programme, pour mezzo-soprano, voix d’hommes et violon, les bouleversantes Elégies de 1947.


Esquissées en 1920 pour orchestre, work in progress jusqu’en 1930, et réduites pour quatuor à cordes en 1937, les Variations pastorales se construisent sur le thème adagio du troisième mouvement de la Sérénade opus 8 de Beethoven. Leifs expose le thème avec un clin d’œil proche de l’esprit d’un menuet mais quand, avec un passage de mineur en majeur, il réapparaît in fine à la suite de neuf variations contrastées progressivement sous le sceau d’un Leifs égal à lui-même, il a pris un petit air distancié. La troisième variation, aux accords âprement tremolando et aux pizzicatos pugnaces, scelle la rupture. Malgré des textures pâles et épurées par rapport à la version originale, les quatre membres de l’Orchestre de chambre de Reykjávik en accusent les heurts et les douceurs, avec des attaques sèches en dehors des quelques variations misterioso ou de dansante grâce.


Le Quintette (1960) surprend d’entrée par son instrumentation (flûte, clarinette, basson, alto et violoncelle) mais le ton poignant est à l’élégie, les deux premiers mouvements aux gradations d’accords et aux longs sons étirés exprimant un chagrin de plus en plus profond. Parfois dominés par les bois, les cinq instruments sonnent principalement ensemble et la fusion équilibrée de leurs timbres naturels apporte au sentiment d’affliction. Les traits instrumentaux plus éclatés et la métrique irrégulière du finale aux vifs rythmes de terroir semblent poser un regard plus positif sur un avenir qui, en 1964, livrera le curieux Scherzo concreto pour la même instrumentation augmentée d’un cor anglais, un trombone et un tuba qui la rendent plus singulière encore. Marquée par de grands sauts de registre, la composition relève peut-être de l’influence du dodécaphonisme indirect de Gunther Schuller, rencontré en Allemagne, mais le dialogue presque nostalgique entre les instruments aux sonorités très contrastées s’émaille de vifs traits rudes aussi brefs qu’inattendus, l’élément concreto, peut-être, et ne cesse de surprendre par son caractère insolite.


En 1947-1948, Leifs composa quatre œuvres, dont Elégies, à la mémoire de sa fille Líf (1929-1947) morte noyée lors d’une baignade en mer. L’œuvre, la plus importante du programme non seulement par la durée, lui rend hommage d’abord par les trois textes, adaptés et assemblés par le compositeur de poèmes et de contes traditionnels islandais, qui ne voilent en rien l’intensité de la douleur ressentie. «Chagrin» et «Danse de tristesse» sont pour voix d’hommes auxquelles, pour le vaste «Poème de la mer» s’ajoutent une mezzo-soprano et un violon. Le sentiment national colore le premier volet, qui passe d’harmonies de type choral à une palette harmonique plus recherchée avant l’unisson final, les sonorités de la langue épiçant l’ensemble. Le deuxième volet, fortement marqué par la lenteur saccadée des rythmes éclatés à travers le chœur, frappe par une accélération semée de ralentis, dissoute in fine par les pupitres réunis. Aux fragrances encore islandaises, le dernier volet domine par l’originalité de l’écriture. Soutenu ou orné par le violon expressif de Rut Ingólfsdóttir, le chœur, efficace, diffuse la noirceur de la tragédie en sombre écho à la beauté dramatique de la ligne soliste en contrepoint, la délicatesse émotionnelle de la pièce portée par la pureté charnue du timbre de Thórunn Gudmundsdóttir et la judicieuse expressivité d’un phrasé inhabituel mais impeccable. Un bref solo de violon termine l’œuvre sur une note éperdue.


Bis a l’intention de publier l’intégrale de l’œuvres de Leifs en ayant recours à de nouveaux enregistrements ou en puisant dans les archives de la radio finlandaise, ce qui est le cas de ce programme d’abord paru chez Smekkleyaa (SMK46). Sous la direction de Bernardhur Wilkinson, qui convainc par la précision de la mise en place, la prestation sobre mais efficace du Chœur d’hommes et de l’Orchestre de chambre de Reykjávik ne peut être que d’une fidélité idiomatique, offrant un brin d’exotisme venu d’une terre de glace et de feu.


Le site de Bernardhur Wilkinson
Le site de l’Orchestre de chambre de Reykjávik
Le site du Chœur d’hommes de Reykjávik


Christine Labroche

 

 

 

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