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04/18/2016 «Transcriptions for Two Pianists»
Béla Bartók : Deux Images, opus 10, sz. 46 (transcription Zoltán Kocsis pour deux pianos)
Claude Debussy : Jeux (transcription Bavouzet pour deux pianos)
Igor Stravinski : Le Sacre du printemps (version pour piano à quatre mains) Jean-Efflam Bavouzet, François-Frédéric Guy (piano)
Enregistré à l’Arsenal, Metz (15-17 septembre 2015) – 64’12
Chandos CHAN 10863 – Notice de présentation en français, allemand et anglais
Sélectionné par la rédaction
Igor Stravinski : Le Sacre du printemps – Pétrouchka (versions pour piano à quatre mains)
Duo Silver-Garburg: Sivan Silver, Gil Garburg (piano)
Enregistré à la Sendesaal Bremen (22-25 juillet 2014) – 68’14
Berlin Classics 0300588BC – Notice de présentation en allemand et anglais
«The Koroliov Series, vol. XVII: ...l’on y danse...»
Igor Stravinski : Trois pièces faciles pour piano à trois mains – Tango – Trois pièces pour quatuor à cordes (version pour piano à quatre mains) – Le Sacre du printemps (version pour piano à quatre mains) [*] – Cinq pièces faciles pour piano à quatre mains – Piano-Rag-Music
Duo Koroliov: Evgueni Koroliov, Ljupka Hadzigeorgieva (piano)
Enregistré en public à l’Oldenburgisches Staatstheater (27 janvier 2013 [*]) et en la Jesus-Christus-Kirche Dahlem, Berlin (juillet 2014) – 59’16
Tacet 216 – Notice de présentation en français, allemand et anglais
Ces trois disques associant chacun deux pianistes sont l’occasion d’une écoute comparée de la réduction pour piano à quatre mains qu’Igor Stravinski (1882-1971) a laissée de son Sacre du printemps (1913). Un «Stravinski de poche» qui semble avoir la cote ces derniers temps, à en juger par les versions de Martha Argerich et Daniel Barenboim ou des sœurs Bizjak – sans même évoquer le «cas» Fazil Say (du piano à quatre mains... mais à un seul pianiste!).
Jean-Efflam Bavouzet (né en 1962) et François-Frédéric Guy (né en 1969) réunissent les vertus idéales pour interpréter cette partition: technique hors pair, capacité à passer de la sauvagerie extrême au mystère lunatique sans créer de temps morts, complicité irréprochable. Trente-deux minutes de tension soutenue – et de grand piano. La fin de l’«Adoration de la terre» coupe le souffle. La montée en puissance du «Sacrifice» captive de bout en bout. Une sacrée claque, qui complète les incursions de Bavouzet dans le répertoire stravinskien chez Chandos (lire ici) et que prolongent habilement les deux autres partitions enregistrées sur ce disque.
Si Stravinski a signé lui-même l’arrangement à quatre mains de son Sacre, c’est Jean-Efflam Bavouzet qui s’est attelé à transcrire Jeux (1913) de Claude Debussy (1862-1918). Une indéniable réussite, qui permet de porter sur le poème dansé un regard très analytique – d’autant plus précis que la prise de son magnifie les qualités du Yamaha de concert. Au travers des multiples chausse-trapes de l’écriture pianistique, le duo français fait la preuve de son excellence et de sa compréhension de l’écriture debussyste, dont on rappellera que Bavouzet fait, depuis son intégrale de référence, figure de grand spécialiste. Enfin, portée par un toucher évanescent mais toujours très construit («En pleine fleur») et par un sens du folklore et du rythme sans vulgarité aucune («Danse villageoise»), la transcription des Deux Images (1910) de Béla Bartók (1881-1945) signée Zoltán Kocsis complète ce superbe album, qui a l’intelligence de donner de l’épaisseur pianistique à des œuvres pour orchestre créées toutes trois en 1913.
En regard, Le Sacre du printemps de Sivan Silver (née en 1976) et Gil Garburg (né en 1975) captive moins. Ses points faibles résident dans un toucher qui manque de corps – un peu trop «squelettique» (dans l’aigu notamment) par comparaison avec celui du duo français – et dans quelques temps morts qui témoignent d’une conception d’ensemble moins mûrie. La fin de la première partie ressemble ainsi à un assemblage d’épisodes davantage qu’à une partition unifiée. L’exécution tient néanmoins la route et l’osmose évidente qui lie ce duo désormais très aguerri est l’assurance d’un Stravinski aux idées claires et aux prouesses techniques dominées. Le couple israélien prolonge le plaisir en enregistrant également Pétrouchka (1911), avec des qualités et des défauts comparables mais une veine stylistique qui convient mieux à leur jeu.
Le dernier disque associe Evgueni Koroliov (né en 1949) à son épouse, la pianiste d’origine macédonienne Ljupka Hadzigeorgieva (née en 1948). Enregistré en concert, Le Sacre du printemps est appréhendé avec une radicalité du toucher – spécialement clair et percutant – qui nuit aux dynamiques orchestrales et assèche le propos. Trop de vide s’immisce dans cette interprétation exaltant le modernisme des dissonances et la sauvagerie crue. Ne nions pas, pour autant, l’osmose entre les pianistes, qui offre de grands moments, comme la tension qui entoure «Les Augures printaniers» ou l’extrémisme des accords de la «Danse sacrale» comme des «Rondes printanières». Mais cette frappe piquée s’avère quelque peu lassante. Tous composés par Stravinski, les compléments de l’album – de toniques et ludiques Pièces faciles pour piano à trois et quatre mains – sont parfaitement cohérents avec le style de la transcription, alors que le Tango (1940) et la Piano-Rag-Music (1919) apportent, sous les seuls doigts d’Evgueni Koroliov, une touche bienvenue de fantaisie.
Le site de Jean-Efflam Bavouzet
Le site de François-Frédéric Guy
Le site du Duo Silver-Garburg
Gilles d’Heyres
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